Interdiction de la publicité : le cache-sexe de ceux qui veulent abolir la concurrence
7 mars 2024C’est l’un des sujets favoris des amateurs de polémique : la publicité dans l’assurance-maladie. Elle s’est retrouvée au centre des débats le 23 février 2024, lorsque la commission de la santé du Conseil national s’est prononcée de justesse pour son interdiction dans l’assurance de base. Pourquoi cette attaque brutale contre un domaine qui ne représente que 0,2 % des coûts de l’AOS, soit moins de 1 franc par assuré et par mois ? Parce que la publicité est un symbole : elle prouve que la concurrence fonctionne pleinement dans l’assurance-maladie.
L’initiative parlementaire Hurni 22.497, soutenue de justesse par la CSSS-N (12 voix contre 12, avec voix prépondérante de la présidente), est le dernier avatar d’une tentation ancienne, celle de diaboliser et de bannir la publicité de l’assurance-maladie. Le ton se veut indigné. Rendez-vous compte, les assureurs-maladie ont l’audace, que dis-je, l’insolence, l’impertinence et le culot de recourir à l’une des fonctions essentielles de toute entreprise, le marketing. Ils exagèrent! Pourquoi se soucient-il de la vente de leurs produits ?
Au-delà de la rhétorique, quels sont les arguments avancés pour justifier une interdiction de la publicité ? Et tiennent-ils la route ? La réponse est non, bien entendu. Mais prenons-les un par un. Premièrement, l’initiative parlementaire prétend que la publicité ne sert à rien parce que l’assurance de base est obligatoire. Selon cette logique, Migros et Coop peuvent supprimer leurs spots télévisés et décrocher leurs affiches. Nous devons tous manger pour vivre et il n’est pas nécessaire de nous convaincre de nous alimenter. Le but est évidemment tout autre : il ne s’agit pas de convaincre un client d’acheter un produit plutôt que de ne rien acheter, mais de le convaincre d’acheter le produit d’une entreprise plutôt que celui d’une autre. Pareil pour les marques d’habits, dont les publicités ne visent pas à convaincre le client potentiel de ne pas se promener nu.
Deuxième argument, l’interdiction de la publicité permettrait de faire des économies. En réalité, la publicité ne représente que 0,2% des coûts de l’assurance de base (AOS), soit moins d’un franc par mois et par assuré. L’assuré ne verrait donc pas la différence. Ou plutôt si, il la verrait très probablement, mais de manière négative. Car la publicité n’est pas une dépense qui se greffe en plus des autres et qu’on peut amputer sans conséquence. Les dépenses de marketing sont l’huile qui fait tourner le moteur du marché. Les réduire revient à diminuer l’intensité concurrentielle et à perdre les avantages qu’elle génère, comme l’incitation qu’ont les entreprises à être aussi efficaces que possible et à promouvoir l’innovation.
Enfin, l’initiative parlementaire affirme que le marketing ne contient pas d’élément de prévention. C’est tout simplement faux. Des thèmes de santé publique variés sont abordés par les assureurs-maladie via différents moyens de communication, qu’il s’agisse d’un spot télévisé sur la santé psychique, d’un magazine client informant sur le dépistage du cancer, ou encore d’affiches encourageant une alimentation saine et l’activité physique.
Cheval de Troie pour la caisse unique
En conclusion, une interdiction de la publicité dans l’assurance-maladie serait loin d’être anecdotique. En affaiblissant la concurrence, elle saperait le système actuel de « concurrence régulée », voulu par la LAMal et dont la concurrence est manifestement un élément constitutif. En réalité, cette mesure est même un cheval de Troie pour les partisans d’une caisse unique étatique.
La stratégie poursuivie est simple : limiter petit à petit les possibilités de concurrence et de différenciation des assureurs-maladie. Puis, un jour, lorsque tout aura été réglementé dans les moindres détails, il s’agira de réclamer l’introduction d’un monopole en arguant que la concurrence n’est plus assez forte et a donc perdu sa raison d’être.
Cela s’inscrit dans un contexte plus global d’hostilité parfois forte et dogmatique à la concurrence, comme le montre par exemple la récente décision du conseil communal de la ville de Berne d’interdire les affiches publicitaires dans l’espace public.
De notre point de vue, il est d’autant plus important de défendre la publicité dans l’assurance maladie. Elle est le symbole le plus visible, mais aussi le garant des vertus de la concurrence : efficacité, innovation, diversité de l’offre. Et tant que l’on prend au sérieux cette concurrence dans le système de santé et donc aussi dans l’assurance maladie, il n’y a aucune raison de supprimer la publicité. Pas plus qu’il n’y a de raison de l’interdire dans le commerce de détail ou dans d’autres domaines de la vie.