Notre système de santé est-il malade ? Nous avons deux leviers pour sortir de cette situation.

Berne/ , 4 juin 2024

Parler sans fin de projets importants sans jamais commencer leur mise en œuvre, c’est transformer des choses indispensables en mirage inatteignable. Ou en un colosse, que l’on finit par craindre d’affronter. Et pourtant, si l’on se met à l’ouvrage et qu’on divise le projet en étapes, on se rend compte que la réalisation est à portée de main.

Vous l’aurez compris, je parle bien sûr du tarif médical et de sa nécessaire révision. Cela fait 10 ans qu’on veut remplacer le Tarmed, et pourtant, il est toujours là. Je suis convaincu que si l’ancien conseiller fédéral Alain Berset (en exercice de 2012 à 2023) avait saisi sa chance et approuvé le tarif TARDOC en juin 2022, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Nous aurions non seulement déjà introduit un nouveau tarif médical avec neutralité des coûts et ainsi ouvert la voie à des économies de 600 millions de francs. Et nous aurions en plus aussi les premiers forfaits ambulatoires. Car la pression aurait été forte pour remplacer autant que possible les positions tarifaires individuelles par des forfaits. Mais nous faisons malheureusement du surplace et continuons à devoir simplement nous contenter de dire à quel point un nouveau tarif médical ambulatoire serait nécessaire.

Un anniversaire navrant

Il y a exactement vingt ans, la Suisse lançait le Tarmed. Aujourd’hui, 13 milliards de francs de prestations sont facturées selon cette grille. Tarmed, le tarif obsolète mais éternel? Lui qui, peu de temps après son entrée en vigueur, générait déjà des maux de ventre et des rapports touffus du Contrôle fédéral des finances?

Chacun des conseillers fédéraux en charge de la santé pendant cette période a été mis au défi d’une manière ou d’une autre par ce tarif. C’est maintenant à la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider, et au Conseil fédéral dans son ensemble, qu’il revient de choisir effectivement quel tarif lui succédera. Sur ce point, les débuts de Mme Baume-Schneider sont très différents de ceux de ses prédécesseurs. Elle se trouve dans la situation confortable d’avoir deux demandes d’approbation de tarif sur son bureau: l’une pour le tarif TARDOC et l’autre composée du TARDOC et de forfaits ambulatoires.

Renforcer les soins de base et faire des économies

Mme Baume-Schneider a donc une chance unique de remplacer enfin le Tarmed et de permettre des économies. Car si le TARDOC voit le jour, les soins de base seront revalorisés. Or, les pédiatres, généralistes, et psychiatres contribuent largement à la maîtrise des coûts. Il n’est même pas nécessaire d’avoir du courage pour faire enfin baisser la tension sur ce sujet douloureux, il suffit d’avoir la ferme volonté de faire réellement évoluer les choses dans le bon sens.

Notre système de santé est-il « malade», comme on pouvait le lire récemment dans le journal allemand Die Zeit ? Il est vrai que, où que l’on se tourne, il est question des coûts de la santé, du prix trop élevé des médicaments, des primes en augmentation et de la surconsommation de prestations ou des hôpitaux qui ont du mal à se maintenir dans les chiffres noirs. Comme si cela ne suffisait pas, ou plutôt en raison de de cela, deux initiatives populaires concernant le système de santé, qui ne s’attaquent toutes deux qu’aux symptômes du problème, seront prochainement soumises au vote.

En lieu et place de ces solutions illusoires, nous disposons de deux instruments concrets qui peuvent améliorer notre système de manière durable. Premièrement, le financement uniforme de l’ambulatoire et du stationnaire EFAS, et, deuxièmement, la révision du tarif médical. Le Parlement a reconnu l’effet positif du financement uniforme en adoptant le projet en décembre 2023 à une large majorité. Cette réforme sera encore soumise au peuple en votation cet automne. Nous espérons un oui dans les urnes afin de lancer ce projet essentiel. S’agissant du tarif médical, la conseillère fédérale Baume-Schneider a le choix entre différentes variantes. Elle a sur sa table le tarif à la prestation TARDOC prêt à l’emploi, approuvé par les quatre partenaires tarifaires, à savoir la FMH, curafutura, H+ et santésuisse, et remplissant tous les critères posés par le Conseil fédéral en juin 2022. En outre, Mme Baume-Schneider a une deuxième demande d’approbation sur sa table concernant un système composé de TARDOC et de forfaits ambulatoires. Elle peut donc soit approuver le TARDOC et le faire entrer en vigueur au 1er janvier 2025, soit approuver le TARDOC ainsi que les forfaits ambulatoires, soit tout reporter.

Un report synonyme de retour à la case départ

Si elle renvoie sa décision à plus tard et qu’elle pose de nouvelles conditions, cela signifierait encore un retard supplémentaire pour le TARDOC. Chacun peut se rendre compte que cela conduirait de facto à un retour à la case départ, nous obligeant à composer encore des années avec un Tarmed désespérément obsolète. Nous nous retrouverions probablement dans dix ans là où nous en sommes aujourd’hui. Sans doute avec de nouvelles discussions et de nouvelles hésitations. Car il est par définition complexe d’élaborer un tarif de cette ampleur.

Enfin, ne soyons pas naïfs. Concernant l’approbation du TARDOC, cela fait bien longtemps que les discussions sur l’adéquation du tarif et la neutralité des coûts ne sont que des prétextes, visant à masquer le fait que nous attendons les forfaits. En d’autres termes, il faut dégonfler cette baudruche. Il serait dans l’intérêt de tous que le Conseil fédéral fasse acte d’autorité. Le président de santésuisse, Martin Landolt, l’a d’ailleurs exprimé très clairement: une décision qui nous permette d’aller de l’avant doit maintenant être prise!