Planification hospitalière

Berne/ , 18 septembre 2024

De quoi s’agit-il?

Avec 278 hôpitaux sur 595 sites (OFS 2022), la Suisse est le pays affichant l’une des plus fortes densités d’établissements hospitaliers au monde. Plus d’un tiers des coûts de l’assurance obligatoire des soins sont occasionnés dans des hôpitaux. Il arrive souvent qu’il y ait, dans un même canton, plusieurs hôpitaux avec une offre de prestations en partie redondante, ce qui représente un potentiel d’optimisation. Conformément à la Constitution fédérale, la compétence en matière de planification hospitalière incombe aux cantons. La LAMal précise que, dans le cadre de cette planification, les cantons contrôlent l’admission des hôpitaux dans l’assurance obligatoire des soins au moyen de listes d’hôpitaux (mandats de prestations) en tenant compte des critères de planification selon l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal, art. 58a à 58f). Avec l’entrée en vigueur du volet de mesures 1b le 1er janvier 2024, un droit de recours des assureurs à l’encontre des listes d’hôpitaux cantonales a en outre été introduit (art. 53, al. 1bis, LAMal). L’objectif de la planification hospitalière est de garantir que les besoins de la population en soins hospitaliers sont couverts de façon économique et avec un niveau de qualité élevé.

Voici les faits

(1) Planification hospitalière intercantonale: établir des listes d’hôpitaux intercantonales

Chaque canton fait figurer sur sa liste hospitalière les établissements hospitaliers qui doivent assurer la prise en charge stationnaire de la population du canton. Les mandats de prestations définissent ainsi les prestations médicales qu’un hôpital peut fournir à la charge de l’AOS. Dans le domaine de la médecine hautement spécialisée, les mandats de prestations ne sont pas attribués au niveau cantonal mais fédéral.

Légalement, les cantons sont tenus de coordonner leurs planifications. L’objectif est clairement d’éviter la surmédicalisation, d’endiguer les coûts et de garantir la qualité nécessaire. Pour l’heure, une telle planification régionale avec attribution conjointe de mandats de prestations n’est que rarement réalisée. La planification reste largement cantonnée aux frontières cantonales et les structures sont pérennisées, sous l’impulsion d’intérêts principalement liés à la politique économique et régionale. Le rapport d’experts de 2017 confirme que la planification hospitalière, en Suisse, couvre un espace géographique relativement restreint. Une planification hospitalière régionale portant sur des listes hospitalières régionales plus étendues permettrait d’améliorer la coordination intercantonale. Selon ce même rapport, une économie annuelle de plusieurs centaines de millions de francs est attendue à moyen terme (p. 60). Le Conseil fédéral a lui aussi exprimé à plusieurs reprises son avis selon lequel il y a encore du potentiel pour structurer la carte hospitalière de manière plus économique et avec une meilleure qualité en améliorant la coordination des planifications cantonales.

Pour curafutura, il est donc urgent de résoudre les conflits d’intérêts existants pour mettre en place au niveau supracantonal une planification hospitalière judicieuse, coordonnée et adaptée aux besoins réels en tenant compte de la sécurité de l’offre de soins et des besoins régionaux (p. ex. régions linguistiques). Car une planification hospitalière adaptée aux besoins a des effets positifs: la création de centres de compétences permet, entre autres, d’améliorer la qualité. Une gestion plus efficace des hôpitaux, la suppression des capacités excédentaires et un niveau qualitatif plus élevé entraînent la baisse des coûts des soins. Les exigences relatives à l’admission sur la liste des hôpitaux constituent un exemple d’amélioration possible en vue d’une planification hospitalière coordonnée. En 2012, le canton de Zurich a été le premier de Suisse à assortir de certaines exigences (p. ex. qualité, économicité et disponibilité médicale) l’admission sur la liste des hôpitaux (concept GPPH). Entre-temps, de nombreux cantons appliquent le concept mis au point par les autorités cantonales zurichoises et recommandé par la Conférence suisse des directrices et directeurs de la santé (CDS) pour la planification hospitalière et l’établissement des listes d’hôpitaux. Il est toutefois constaté que les cantons ont tendance à adapter les critères d’exigences du concept GPPH en fonction de leurs besoins spécifiques, ce qui empêche de tirer pleinement parti du potentiel supracantonal. curafutura y voit un certain danger, premièrement du fait que les conditions d’admission sur la liste des hôpitaux ne sont plus les mêmes pour chaque établissement et deuxièmement du fait de la pérennisation des structures cantonales, avec abaissement des critères d’exigences si les établissements concernés ne parviennent plus à satisfaire aux exigences du concept GPPH.

(2) Définir de manière uniforme pour toute la Suisse des nombres minimaux de cas

Le nombre minimal de cas est un instrument important pour garantir la qualité, notamment dans le domaine des prestations de santé (hautement) spécialisées. C’est pourquoi curafutura s’engage pour que les interventions coûteuses et complexes ne soient financées par l’AOS qu’à la condition qu’un nombre minimal de cas donné soit atteint. Plusieurs cantons ont intégré des nombres minimaux de cas dans leur planification hospitalière, mais leur définition et leur application (p. ex. retrait en cas de non-réalisation) présentent de fortes disparités entre les cantons. Pour curafutura, il convient de définir à l’échelon national quelles normes doivent être prises en compte pour déterminer le nombre minimal de cas. Il est important que les bases et les objectifs relatifs à la fixation du nombre minimal de cas soient publiés. Les impacts du nombre minimal de cas sur la qualité, l’économicité, l’accès aux prestations et la structure des soins doivent être constamment évalués. curafutura s’engage pour que les résultats soient impérativement pris en considération dans les mandats de prestations. De plus, si le nombre minimal de cas n’est pas atteint, des mandats de prestations provisoires ne doivent être octroyés qu’en cas de menace de pénurie de médecins, et tout au plus pour une durée d’un an.

(3) Droit de recours des assureurs-maladie contre les planifications hospitalières

curafutura salue l’introduction d’un droit de recours des assureurs contre les listes cantonales d’hôpitaux selon l’art. 53, al. 1bis, LAMal, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2024. Il s’agit d’instaurer pour les assureurs-maladie, qui représentent les assurés, un droit de regard dans un domaine, ceci dit au passage, qui leur doit beaucoup en termes de développement financier. Cette mesure sera d’autant plus importante après la mise en œuvre du projet EFAS, car la part de financement des coûts hospitaliers par les assureurs sera alors plus élevée que celle des cantons. Pour les assureurs, ce droit de recours est un instrument permettant des corrections en cas d’erreurs de planification. Il convient toutefois de souligner que la véritable tâche de planification et de surveillance des hôpitaux et des établissements médico-sociaux incombe toujours aux cantons, et non aux assureurs-maladie.