Utilisation hors étiquette des médicaments: une bonne solution fait école

Berne/ , 17 mars 2023
Dix assureurs-maladie se coordonnent dans le domaine de l’utilisation hors étiquette de médicaments grâce à une plate-forme commune, que d’autres parties souhaitent déjà rejoindre. Une réussite exemplaire à bien des égards.
L’utilisation hors étiquette des médicaments est en hausse constante ces dernières années.

Les bonnes solutions suscitent rapidement l’intérêt. Et ce d’autant plus lorsque le statu quo fait régulièrement l’objet de débats houleux. Ce qui est assurément le cas de l’utilisation hors étiquette des médicaments.

Ainsi dix assureurs participent à la nouvelle plateforme OLU et représentent ensemble plus de 80% des assurés. Cette plateforme rassemble des ratings d’études et permet de faciliter l’évaluation des demandes d’utilisation hors étiquette de médicaments au cas par cas.

L’utilisation hors étiquette des médicaments selon les articles 71a-d de l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal) regroupe différents cas de figure, tels que par exemple :

  • Un médicament ne figure pas sur la liste des spécialités (LS), soit la liste des médicaments obligatoirement à charge de l’assurance obligatoire des soins (AOS).
  • Un médicament figure sur la liste des spécialités, mais pour une indication différente de celle envisagée pour le patient.
  • Un médicament n’est pas autorisé par Swissmedic

Lorsqu’ils reçoivent une demande pour l’utilisation hors étiquette d’un médicament, la tâche des assureurs-maladie est d’évaluer, selon des critères clairement définis aux art. 71a-d OAMal, dans quelle mesure le traitement peut être pris en charge au cas par cas.

Le rapport de monitoring 2019 de l’Office fédéral de la santé publique montre qu’environ 80% des demandes sont acceptées et 20%, rejetées. Un refus peut être justifié par le fait qu’il ne s’agit pas d’une maladie grave menaçant le pronostic vital, qu’il existe d’autres traitements ou que le bénéfice thérapeutique attendu n’est pas suffisamment important, c’est-à-dire que le rapport coûts/bénéfice n’est pas approprié.

Prendre les devants

Il y a un an, les quatre assureurs-maladie de curafutura CSS, Helsana, Sanitas et KPT ont décidé, également avec SWICA, de passer à l’action. Ensemble, ils ont mis sur pied la plateforme OLU, qui rassemble des ratings d’études scientifiques portant sur les différents médicaments.

D’autres assureurs ont rapidement suivi le mouvement, ce qui est souvent le cas lorsqu’une bonne solution est trouvée à un problème soulevant de nombreuses critiques. Un an après le lancement, Concordia, Groupe Mutuel, Visana, Sympany et Atupri ont rejoint la plate-forme. D’autres parties vont vraisemblablement en faire de même, ce qui signifie que la couverture sera presque complète.

Les avantages de la plate-forme sont évidents: contexte identique pour toutes les évaluations, accès équitable pour les patients grâce à une évaluation scientifique d’études, uniforme et largement étayée dans toute la Suisse, intégration dans le domaine clinique, présentation transparente des décisions et processus numérisés.

Dans la pratique, la coopération fonctionne de la manière suivante: le principe actif, l’indication et les études sont enregistrés sur la plate-forme par les médecins-conseils des assureurs affiliés. Les médecins-conseils des assureurs participants remettent leur notation; celle-ci fait l’objet d’une discussion commune. Le résultat: une évaluation commune et uniforme. La notation est ensuite enregistrée sur la plate-forme. Les médecins-conseils s’en servent comme base pour évaluer chaque cas individuel.

À nouveau un enjeu politique et médiatique

La plateforme améliore la situation pour toutes les parties prenantes. Les patients d’abord, car ils peuvent être sûrs que l’évaluation est étayée à large échelle. Les médecins-conseils ensuite, car ils peuvent prendre leurs décisions plus rapidement et sur des bases solides. Cette action commune prouve aussi que la branche peut se coordonner facilement lorsque de bonnes idées sont sur la table. «Les assureurs affiliés sont convaincus du résultat, car des notations d’études uniformes sont disponibles à l’échelon national», explique Andreas Schiesser, chef de projet Pharma et médicaments chez curafutura.

Éviter les doublons

Pour curafutura, les appels de certains à former un autre groupe d’experts chargé de procéder aux évaluations, doit être accueillie avec circonspection. En effet, c’est déjà ce qui se passe dans le cadre de la plateforme OLU : où «des experts sont déjà consultés aujourd’hui dans le cadre d’un échange hebdomadaire en cas de besoin et de manque de clarté pour prendre position et que cette approche pragmatique rencontre un écho positif », déclare Pius Zängerle, directeur de curafutura.

La plate-forme est en effet un bon exemple de coopération commune en faveur des patients, ajoute-t-il. Pour curafutura, il serait bon que cette démarche fasse école. Mais si, à l’occasion de la révision de l’OAMal, une nouvelle solution est créée de toutes pièces alors que la plateforme OLU a bénéficié d’un large soutien et que dix assureurs représentant 80% des patients y participent déjà, le message envoyé sera clairement que seul ce qui est décidé selon une approche top-down est valable. Cela torpillerait tout esprit d’initiative des acteurs sur le terrain, alors que leurs solutions peuvent être appliquées à large échelle, qu’elles mobilisent peu de ressources et bénéficient d’une structure simple au lieu d’être alourdies par une forte réglementation.