Coûts vs approvisionnement en soins: le balancier repart dans l’autre sens
Berne/ , 17 mars 2023Afficher des positions extrêmes permet d’attirer l’attention médiatique et de pousser un agenda. La réalité se situe cependant souvent plutôt dans les nuances de gris que dans des déclarations à l’emporte-pièce. Ce fut le cas l’année dernière au cours du débat sur les coûts et c’est aussi le cas dans les discussions actuelles concernant les problèmes d’approvisionnement en soins.
On se souvient ainsi que les acteurs les plus pessimistes annonçaient l’année passée des augmentations de primes pour 2023 supérieures à 10%. Elles ont finalement été de 6,6%. Cette année, le débat prend la direction opposée. Les coûts ne sont plus prioritaires: l’accent est mis sur l’approvisionnement en soins avec un alarmisme généralisé. Dans les deux cas, hélas, les peurs de la population sont attisées.
En ce qui concerne l’évolution des coûts, nous savons désormais qu’en 2022, nous nous sommes stabilisés au niveau d’avant le coronavirus à partir du second semestre. La demande en prestations n’a pas diminué, voire a augmenté dans certains domaines. Pourtant, l’expression «explosion des coûts» est déplacée. L’année dernière, nous avons enregistré une augmentation des coûts par personne de 2,6% dans l’AOS, soit le niveau moyen observé ces 10 dernières années (+2,8%). Et par rapport à l’estimation du groupe d’experts du DFI, qui parle d’une augmentation maximale de 2,7% des coûts dans l’AOS par an avant que des mesures de maîtrise des coûts ne soient prises, nous nous trouvons dans la fourchette visée.
Pénurie ou problèmes de livraison?
La vigilance est également de mise en ce qui concerne la notion de «pénurie» dans l’approvisionnement en soins. Il s’agit parfois plutôt de problèmes de livraison. Ce ne sont pas les mêmes mesures qui doivent être prises selon les cas de figure. Et pour la plupart d’entre elles, il n’est pas nécessaire de réinventer la roue. En effet, la question a surgi à intervalles réguliers ces dernières années sur l’échiquier politique et chaque fois, le catalogue de mesures a été réévalué pour s’assurer qu’il était adéquat.
Il me semble essentiel que chacun assume ses responsabilités. C’est ainsi que l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays (OFAE) exerce la haute surveillance sur le stock de médicaments obligatoire. Il tient également à jour une liste des médicaments destinés à l’être humain autorisés et disponibles. Les fournisseurs de prestations peuvent y recourir. Le médecin, quant à lui, remet une ordonnance à ses patients. Le pharmacien conseille ces derniers, notamment sur la question de la remise d’un générique ou d’un biosimilaire. En d’autres termes, les médicaments en réserve sont suffisants. Mais tirons-nous pleinement parti des possibilités existantes et faisons-nous preuve de souplesse dans nos actions?
Je suis sceptique lorsque j’entend que le manque de certains médicaments serait expliqué par des prix trop bas et des mesures d’économies. La Suisse est en tête de tous les pays européens en termes d’approvisionnement en médicaments, mais aussi en termes de prix. Les médicaments originaux y sont nettement plus chers et les prix des médicaments génériques y sont même deux fois plus onéreux qu’à l’étranger. Le prix n’est donc pas la raison principale.
Les positions extrêmes génèrent de l’attention
Comment comprendre la situation? À l’heure actuelle, ce sont les voix les plus fortes et les plus polémiques qui attirent l’attention. Les voix nuancées sont quant à elles peu entendues. Pourtant, la Suisse s’est souvent démarquée par le passé en prenant des décisions réfléchies, ce qui lui a plutôt bien réussi. On voit où l’inverse peut mener avec l’exemple de la réglementation sur l’admission des médecins étrangers, que le Parlement vient de modifier à nouveau. Le fait qu’il revienne ainsi sur sa propre décision après seulement quelques mois doit nous interpeller et ne pas devenir une habitude. La politique y perdrait sa crédibilité.
Il me semble donc beaucoup plus important que les réformes prévues et planifiées de longue date concernant les tarifs médicaux ambulatoires, le financement uniforme EFAS et la révision des marges des médicaments franchissent enfin la ligne d’arrivée. Cela peut ma foi paraître peu exaltant pour ceux qui sont déjà familiers avec ces réformes et nous ont souvent entendu les mettre en avant; mais leur impact sur le système de santé sera bien réel et cela mérite une certaine insistance et quelques répétitions.