La coopération est l’une des valeurs fondamentales de curafutura : les meilleures solutions naissent souvent de partenariats. C’est dans cet esprit que nous donnons la parole aux acteurs du système de santé dans une série d’interviews.
Daniel Höchli, directeur d’ARTISET, considère la réforme du financement uniforme comme une occasion unique: elle donne en effet un élan à des soins qui placent les personnes au centre. À partir de 2032, les personnes nécessitant des soins pourront décider, indépendamment du financement, de bénéficier de prestations de soins en ambulatoire ou en stationnaire. La réforme apporte en outre une plus grande stabilité financière et une plus grande sécurité de planification aux EMS et à leurs collaboratrices et collaborateurs.
Daniel Höchli est directeur d’ARTISET, la fédération des prestataires de services ayant besoin de soutien .
La campagne pour le financement uniforme bat son plein. Deux autres projets (initiative pour un frein aux coûts et initiative d’allègement des primes) ont déjà été rejetés en votation populaire en juin: est-ce la dernière occasion de réformer notre système de santé?
Le financement uniforme est, pour le moins, une occasion unique que nous ne pouvons tout simplement pas rater! Pour la première fois depuis des années, presque tous les acteurs du système de santé ainsi que des milieux politique et économique soutiennent fermement une réforme, grâce à laquelle nous pouvons repenser le financement du système afin de mieux en maîtriser les coûts. Si nous laissons passer cette chance, la porte va se refermer pour des années.
Pour quelles raisons le financement uniforme est-il important pour les EMS et homes que vous représentez?
Dans le financement des soins en vigueur, des incitatifs erronés font passer des considérations d’ordre économique avant le bien-être des patientes et patients. D’une part, l’AOS paie pour les mêmes prestations en ambulatoire des tarifs horaires plus élevés qu’en EMS. D’autre part, le financement résiduel par les cantons conduit à une indemnisation disparate des prestations de soins d’un canton à l’autre. Et il n’y a pas de coordination entre les organismes de financement. Les cantons peuvent ainsi revoir à la baisse le financement résiduel si la Confédération augmente les contributions AOS. Le financement des EMS manque par conséquent de stabilité.
La réforme aura-t-elle des incidences sur les résidentes et résidents des établissements? Et si oui, ces incidences se feront-elles sentir au niveau du portemonnaie ou des soins prodigués?
Pour les personnes en EMS, la réforme de la santé n’aura pas d’incidences directement perceptibles jusqu’à l’intégration des soins en 2032. Leur participation aux coûts sera maintenue au niveau actuel. À partir de 2036, le Conseil fédéral pourra alors adapter de manière flexible la participation aux coûts. Les nouvelles possibilités qui s’ouvriront à une personne nécessitant des soins seront quant à elles nettement plus étendues à partir de 2032. Elle pourra ainsi choisir, sans que l’organisme de financement ait son mot à dire, où et comment elle souhaite bénéficier de ses prestations de soins. Des admissions trop précoces en EMS seront ainsi évitées. Cela répond à un besoin des personnes nécessitant des soins et a aussi des avantages sur le plan économique pour l’ensemble du système.
Pouvez-vous nous donner des exemples concrets des changements qu’apportera la réforme dans la pratique?
Un coup d’élan est enfin donné au développement d’un approvisionnement intégré, donc centré sur la personne et perméable, pour ce qui est des soins de longue durée. La clé de financement étant la même pour les soins en ambulatoire et en stationnaire, les organismes de financement n’ont plus d’intérêt à préférer une variante plutôt que l’autre: les personnes décideront en fonction de leurs besoins en matière de soins et de prise en charge la variante qu’elles préfèrent – des soins à domicile à l’EMS en passant par un logement avec encadrement. Ce dernier serait renforcé; il est de plus en plus demandé et a des avantages en termes de coûts.
Qu’en est-il du personnel? Les adversaires du financement uniforme prétendent qu’il a du souci à se faire. Est-ce le cas?
Bien au contraire. Le financement uniforme permettra d’améliorer la collaboration entre les divers acteurs du système de santé. La coopération déjà établie entre hôpitaux pour les soins postopératoires sera encore renforcée. S’ajoute à cela le fait qu’à l’avenir, la collaboration avec les intervenants du domaine ambulatoire sera étoffée. Cela permettra d’éviter des problèmes de ressources, du travail administratif superflu et des traitements multiples inutiles. Avec un financement stable, la sécurité de planification est améliorée pour les employeurs et les employés, et le personnel soignant peut se consacrer davantage à son cœur de métier, à savoir, les soins. La réforme instaure aussi la base nécessaire pour des soins centrés sur la personne, ce qui compte aussi beaucoup pour le personnel.
Avez-vous eu des retours de la part des soignantes et soignants? Ont-ils déjà pu se faire leur propre idée?
Lors de mes entretiens avec le personnel soignant, je sens une impatience compréhensible. Mais plutôt à l’égard de l’initiative sur les soins infirmiers, dont la mise en œuvre pour une amélioration concrète des conditions de travail ne progresse que lentement. Il m’importe donc d’autant plus de montrer que le financement uniforme va permettre de simplifier le financement des soins de longue durée, qui est actuellement fragmenté, et de créer une condition importante pour des soins centrés sur la personne, ce qui compte pour le personnel soignant.
Certaines personnes redoutent de voir les coûts des soins de longue durée augmenter drastiquement au cours des prochaines années.
Même si le domaine des soins est appelé à croître en raison de l’évolution démographique, il n’est pas inutile de rappeler certains ordres de grandeur: la croissance des coûts dans le domaine médical va dépasser de loin, au cours des années à venir, l’augmentation dans le domaine des soins. Les coûts dans le domaine des soins aigus en ambulatoire s’élèvent aujourd’hui à 23 milliards de francs; en stationnaire, le volume de coûts annuel est de 13 milliards de francs. Par contre, les coûts annuels pour les soins fournis en EMS et par les services d’aide et de soins à domicile sont de 6 milliards de francs. Le bloc de coûts des soins est donc quatre fois inférieur à celui des prestations médicales ambulatoires. Depuis 2014, les coûts dans le domaine des soins aigus en ambulatoire ont augmenté de 7 milliards de francs, alors qu’ils n’ont augmenté que de 1,6 milliard dans celui des soins.
Cela pourrait-il, à long terme, poser problème aux payeuses et payeurs de primes?
Malgré l’augmentation des prestations de soins, liée à la question démographique, il n’y aura pas, ces prochaines années, de hausse des primes causée par les soins. En effet, le financement uniforme permet d’adopter une vue globale sur l’évolution des coûts. Même si les soins augmentent, les allègements des primes dus à la participation des cantons dans le domaine ambulatoire seront plus élevés. Par ailleurs, la nouvelle clé de financement entre l’AOS et les cantons n’est pas gravée dans le marbre. Il est explicitement indiqué, dans la loi, que le Conseil fédéral vérifie périodiquement le taux minimum des cantons. Le Parlement peut ajuster à tout moment la clé de financement pour les soins de base, en fonction de l’évolution des parts de coûts.
Le financement uniforme accélère le transfert vers l’ambulatoire. Cela vous fait concurrence, non?
ARTISET et CURAVIVA saluent expressément la fin de la pensée en silo. En considérant les personnes nécessitant des soins, une concurrence entre l’ambulatoire et le stationnaire n’a aucun sens. Il faut davantage veiller à la bonne collaboration des organisations d’aide et de soins à domicile et des EMS pour garantir des offres conformes aux besoins ainsi que des transferts de qualité entre celles-ci. Le financement uniforme donne l’élan nécessaire, puisque les soins en ambulatoire et en stationnaire ne sont plus mis en opposition en raison de financements différents.
Le financement uniforme des prestations en soins aigus commence en 2028, suivi par les prestations pour les soins de longue durée, en 2032. Vous avez ainsi davantage de temps pour la mise en œuvre. Quelles en seront les principales étapes? Aurez-vous beaucoup à faire?
Si le projet est adopté, nous allons avoir du pain sur la planche. Les travaux préalables pour la mise en place de l’organisation tarifaire ont déjà débuté. Celle-ci sera mise sur pied à partir de 2025 par les fournisseurs de prestations, les cantons et les assureurs au niveau national. Il faut une transparence complète en matière de coûts sur la base de données uniformes et comparables. Nous avons fort à faire, mais nous réjouissons et espérons assurer le financement d’une fourniture de prestations efficace dans le domaine des soins de longue durée.
Maintenant que la situation a pu être clarifiée et que l’on sait comment la nouvelle association de branche se constituera, que les collaborateurs de curafutura ont obtenu la garantie de conserver leur emploi jusqu’à la fin 2025 au minimum et qu’un plan social a été adopté, le président de curafutura a décidé de quitter sa fonction dans l’optique du processus de transformation maintenant imminent.
Konrad Graber, qui dispose de solides connaissances du système de santé suisse, a été nommé en mai 2023 à la tête de l’association et n’a eu de cesse, depuis, de renforcer curafutura comme association et de l’amener à se positionner comme un partenaire constructif sur le marché, qui contribue de manière déterminante et durable à façonner un système de santé libéral dans l’intérêt des assurés. curafutura regrette le départ de Konrad Graber et le remercie vivement de son engagement.
Konrad Graber: «Ces dernières semaines, j’ai tout fait pour que curafutura puisse poursuivre ses activités dans un climat serein malgré le bouleversement provoqué par l’annonce de la création d’une nouvelle association faîtière et pour qu’une solution équitable et adéquate soit trouvée pour les collaborateurs.»
Afin de garantir une transition fluide, l’ancien conseiller aux États et professeur émérite de médecine à l’Université de Zurich Felix Gutzwiller s’est proposé pour diriger l’association pendant trois à six mois, en qualité de président. Felix Gutzwiller: «Je suis depuis longtemps convaincu que les assureurs-maladie ont tout à gagner à s’exprimer d’une seule et même voix. C’est donc volontiers que je me propose pour assurer cette transition».
La décision prise aujourd’hui par la CSSS-N constitue une étape décisive pour freiner durablement la hausse rapide des coûts des médicaments tout en permettant un accès rapide à des thérapies innovantes mais souvent onéreuses. « L’intégration des modèles de suivi des coûts est une avancée importante. Nous nous sommes engagés depuis des années en faveur de cette mesure qui permet des économies substantielles en faveur des payeurs de primes», déclare Pius Zängerle, directeur de curafutura.
Il manque aujourd’hui un mécanisme permettant d’atténuer l’impact des médicaments blockbusters sur les coûts de la santé. C’est pourquoi il faut des baisses de prix automatiques pour ces médicaments. Cela devrait permettre d’économiser 300 à 400 millions de francs par an. Les baisses de prix seront déclenchées automatiquement pour les médicaments dont le chiffre d’affaires dépasse un certain seuil (p. ex. 20 millions de francs par an).
Rarement, en politique, la proximité entre un problème et sa solution aura été si éclatante. En effet, la raison pour laquelle les primes augmentent de manière disproportionnée est que les cantons se retirent de plus en plus du financement de l’assurance de base. C’est une conséquence logique du système, puisque le transfert vers l’ambulatoire avance chaque année. Or, les prestations dans l’ambulatoire sont financées à 100% par les primes, alors que dans le stationnaire, les cantons financent la moitié. Le résultat est que la part des coûts supportée par les seuls payeurs de primes ne cesse d’augmenter (à quoi s’ajoute à la croissance globale des coûts de l’AOS). Et ce n’est pas uniquement moi qui le dis, l’OFSP a souligné ce problème lors de sa communication sur les primes la semaine passée.
Le financement uniforme apporte une réponse directe à ce transfert de charges qui pénalise les payeurs de primes : il oblige les cantons à co-financer tous les domaines de l’assurance de base de manière égale: ambulatoire, stationnaire et soins de longue durée.
Mieux encore, le financement uniforme ne fait pas que stopper la lente fuite des cantons hors du financement de l’AOS. Il les amène à s’impliquer financièrement à un niveau supérieur au niveau actuel. Autrement dit, lors de l’entrée en vigueur de la réforme, la part des coûts payée par les cantons va augmenter et la part des coûts payée par les primes va diminuer. Cet effet soulagera immédiatement les payeurs de primes dans tous les cantons et sera de l’ordre de 1,5 à 2,5 milliards de francs.
Et ce n’est pas tout. En plus de cet effet de répartition des charges entre les différentes sources de financement, la réforme du financement uniforme entraînera également des économies sur les coûts globaux de 1 à 3 milliards de francs, dont profiteront à la fois les payeurs de primes et les cantons. En effet, en favorisant le transfert des prestations stationnaires coûteuses vers les prestations ambulatoires meilleur marché et de qualité équivalente, la réforme permet des économies considérables. Deuxièmement, en encourageant les soins intégrés, elle améliore la coordination, élimine de nombreux doublons et évite des traitements et examens coûteux et inutiles d’un point de vue médical.
Au vu de ces atouts, le financement uniforme est LA réponse évidente pour tous ceux qui veulent réduire les coûts et soulager les payeurs de primes tout en renforçant les soins de santé. Je suis persuadé qu’une majorité des votants partage cette vision et j’ai donc confiance dans le scrutin du 24 novembre.
Cependant, il ne faut pas négliger les risques. J’en vois de trois ordres. Le premier réside dans le fait que les opposants à la réforme se laissent tenter par des déclarations erronées et cherchent à induire en erreur les votants. C’est ce qu’on a pu voir dans un article de la SonntagsZeitung, où les syndicats ont prétendu que la réforme mènerait à une hausse des primes. Comme évoqué plus haut, c’est le contraire qui est vrai. Grâce d’une part à l’effet de répartition entre les sources de financement et d’autre part à l’effet d’économies : les payeurs de primes seront clairement gagnants.
Le deuxième risque est d’ordre politique. Certains partis peuvent être tentés de faire de la tactique au détriment du contenu. Une nette majorité du groupe parlementaire socialiste a ainsi voté oui pour le financement uniforme, mais le parti a ensuite donné une consigne de vote négative. Il convient dans ce contexte de saluer l’engagement de plusieurs élues socialistes qui continuent de s’engager pour le financement uniforme malgré cela, telles qu’Ursula Zybach et Sarah Wyss. Le même risque existe à l’UDC. Là aussi, une nette majorité du groupe parlementaire a voté oui à la réforme au Parlement, mais la direction du parti national souhaite visiblement changer de cap. J’espère ici que les parlementaires UDC en faveur du financement uniforme, mais aussi les conseillers d’État UDC en charge de la santé dans leur canton sauront faire entendre leur voix, autant au sein de leur parti qu’envers leurs électeurs.
Enfin, le troisième risque est celui de la distraction. Les hausses de primes à répétition engendrent une certaine nervosité, et c’est bien normal. Mais de la nervosité à la peur et de la peur à la panique, il n’y a pas loin. Et si l’on se laisse emporter dans cette spirale, on risque de perdre l’essentiel des yeux. On tombe alors dans une surenchère de propositions qui partent d’une bonne intention, mais qui sont malheureusement irréalistes. J’en veux pour preuve la récente idée de la conférence latine des directeurs cantonaux de la santé (CLASS), qui propose de séparer les personnes âgées du reste des assurés afin de créer une assurance spécifique pour eux.
Cela n’apporterait aucune solution au problème de l’augmentation des coûts de la santé et cela contreviendrait aussi au principe d’égalité de traitement si important dans notre système d’assurance-maladie. Mais surtout, et c’est le péché capital à mes yeux, ce genre de proposition nous détourne des vraies solutions. En l’occurrence, la solution qui est sur la table et à laquelle nous pouvons donner le feu vert, c’est le financement uniforme. Nul besoin de chercher midi à quatorze heures. Il faut mobiliser les forces et le capital politique de tous les acteurs de bonne volonté dans les semaines qui restent et ne pas se perdre en discussions théoriques. Je vous invite donc à vous engager partout où cela est possible en faveur du oui au financement uniforme, ainsi qu’à glisser un oui dans l’urne. Nous améliorerons ainsi le système de santé et nous nous offrirons également une véritable bouffée d’oxygène en tant que payeurs de primes.
La nouvelle hausse des primes reflète la hausse des coûts pour les prestations de soins. Il est donc indispensable d’agir à ce niveau pour contenir la hausse des primes.
Le financement uniforme permet de réaliser des économies à hauteur de 1 à 3 milliards de francs. Il favorise le transfert vers l’ambulatoire, où les opérations et traitements sont moins coûteux que dans le domaine stationnaire, et permet ainsi de réaliser des économies considérables pour une qualité équivalente et un plus grand confort pour les patients. La Suisse affiche un important retard dans ce domaine: seuls 20% des interventions électives y sont réalisées en ambulatoire, alors que dans des pays comparables, comme le Canada, ce taux est de 80%. Le potentiel d’économies est donc immense.
Le financement uniforme améliore également la coordination entre les professionnels de la santé et permet d’éviter les doublons et d’éliminer les examens et les traitements superflus. Cela permet également de réaliser des économies substantielles et d’améliorer la sécurité des patients, pour lesquels la surmédicalisation représente un risque.
En approuvant le financement uniforme, le peuple a la possibilité de réduire les coûts, d’alléger durablement la charge financière qui pèse sur les assurés et de renforcer les soins de santé.
curafutura demande également une amélioration de la planification hospitalière. Avec 278 hôpitaux, la Suisse compte nettement trop d’établissements hospitaliers. Les assurés paient chaque année un prix élevé pour cette offre excédentaire. En effet, les surcapacités dans les hôpitaux doivent être financées par des traitements superflus qui vont au-delà de ce qui est médicalement nécessaire.
Pour que la planification hospitalière soit enfin intercantonale, les cantons doivent être tenus de manière plus contraignante de planifier les soins de santé au niveau suprarégional. Ils doivent harmoniser et attribuer en commun les mandats de prestations aux hôpitaux au sein des régions de soins, au-delà des frontières cantonales.
Enfin, le domaine des médicaments recèle lui aussi un fort potentiel d’économies. Les médicaments représentent environ un quart des coûts à charge de l’assurance de base. curafutura demande des baisses de prix automatiques pour les médicaments générant un chiffre d’affaires élevé (plus de 20 millions de francs par année). Cette mesure permettrait des économies de 400 millions de francs par année. Le Parlement a la possibilité de confirmer cette mesure avant la fin de l’année dans le deuxième paquet de mesures de maîtrise des coûts.
Avec 278 hôpitaux sur 595 sites (OFS 2022), la Suisse est le pays affichant l’une des plus fortes densités d’établissements hospitaliers au monde. Plus d’un tiers des coûts de l’assurance obligatoire des soins sont occasionnés dans des hôpitaux. Il arrive souvent qu’il y ait, dans un même canton, plusieurs hôpitaux avec une offre de prestations en partie redondante, ce qui représente un potentiel d’optimisation. Conformément à la Constitution fédérale, la compétence en matière de planification hospitalière incombe aux cantons. La LAMal précise que, dans le cadre de cette planification, les cantons contrôlent l’admission des hôpitaux dans l’assurance obligatoire des soins au moyen de listes d’hôpitaux (mandats de prestations) en tenant compte des critères de planification selon l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal, art. 58a à 58f). Avec l’entrée en vigueur du volet de mesures 1b le 1er janvier 2024, un droit de recours des assureurs à l’encontre des listes d’hôpitaux cantonales a en outre été introduit (art. 53, al. 1bis, LAMal). L’objectif de la planification hospitalière est de garantir que les besoins de la population en soins hospitaliers sont couverts de façon économique et avec un niveau de qualité élevé.
Chaque canton fait figurer sur sa liste hospitalière les établissements hospitaliers qui doivent assurer la prise en charge stationnaire de la population du canton. Les mandats de prestations définissent ainsi les prestations médicales qu’un hôpital peut fournir à la charge de l’AOS. Dans le domaine de la médecine hautement spécialisée, les mandats de prestations ne sont pas attribués au niveau cantonal mais fédéral.
Légalement, les cantons sont tenus de coordonner leurs planifications. L’objectif est clairement d’éviter la surmédicalisation, d’endiguer les coûts et de garantir la qualité nécessaire. Pour l’heure, une telle planification régionale avec attribution conjointe de mandats de prestations n’est que rarement réalisée. La planification reste largement cantonnée aux frontières cantonales et les structures sont pérennisées, sous l’impulsion d’intérêts principalement liés à la politique économique et régionale. Le rapport d’experts de 2017 confirme que la planification hospitalière, en Suisse, couvre un espace géographique relativement restreint. Une planification hospitalière régionale portant sur des listes hospitalières régionales plus étendues permettrait d’améliorer la coordination intercantonale. Selon ce même rapport, une économie annuelle de plusieurs centaines de millions de francs est attendue à moyen terme (p. 60). Le Conseil fédéral a lui aussi exprimé à plusieurs reprises son avis selon lequel il y a encore du potentiel pour structurer la carte hospitalière de manière plus économique et avec une meilleure qualité en améliorant la coordination des planifications cantonales.
Pour curafutura, il est donc urgent de résoudre les conflits d’intérêts existants pour mettre en place au niveau supracantonal une planification hospitalière judicieuse, coordonnée et adaptée aux besoins réels en tenant compte de la sécurité de l’offre de soins et des besoins régionaux (p. ex. régions linguistiques). Car une planification hospitalière adaptée aux besoins a des effets positifs: la création de centres de compétences permet, entre autres, d’améliorer la qualité. Une gestion plus efficace des hôpitaux, la suppression des capacités excédentaires et un niveau qualitatif plus élevé entraînent la baisse des coûts des soins. Les exigences relatives à l’admission sur la liste des hôpitaux constituent un exemple d’amélioration possible en vue d’une planification hospitalière coordonnée. En 2012, le canton de Zurich a été le premier de Suisse à assortir de certaines exigences (p. ex. qualité, économicité et disponibilité médicale) l’admission sur la liste des hôpitaux (concept GPPH). Entre-temps, de nombreux cantons appliquent le concept mis au point par les autorités cantonales zurichoises et recommandé par la Conférence suisse des directrices et directeurs de la santé (CDS) pour la planification hospitalière et l’établissement des listes d’hôpitaux. Il est toutefois constaté que les cantons ont tendance à adapter les critères d’exigences du concept GPPH en fonction de leurs besoins spécifiques, ce qui empêche de tirer pleinement parti du potentiel supracantonal. curafutura y voit un certain danger, premièrement du fait que les conditions d’admission sur la liste des hôpitaux ne sont plus les mêmes pour chaque établissement et deuxièmement du fait de la pérennisation des structures cantonales, avec abaissement des critères d’exigences si les établissements concernés ne parviennent plus à satisfaire aux exigences du concept GPPH.
Le nombre minimal de cas est un instrument important pour garantir la qualité, notamment dans le domaine des prestations de santé (hautement) spécialisées. C’est pourquoi curafutura s’engage pour que les interventions coûteuses et complexes ne soient financées par l’AOS qu’à la condition qu’un nombre minimal de cas donné soit atteint. Plusieurs cantons ont intégré des nombres minimaux de cas dans leur planification hospitalière, mais leur définition et leur application (p. ex. retrait en cas de non-réalisation) présentent de fortes disparités entre les cantons. Pour curafutura, il convient de définir à l’échelon national quelles normes doivent être prises en compte pour déterminer le nombre minimal de cas. Il est important que les bases et les objectifs relatifs à la fixation du nombre minimal de cas soient publiés. Les impacts du nombre minimal de cas sur la qualité, l’économicité, l’accès aux prestations et la structure des soins doivent être constamment évalués. curafutura s’engage pour que les résultats soient impérativement pris en considération dans les mandats de prestations. De plus, si le nombre minimal de cas n’est pas atteint, des mandats de prestations provisoires ne doivent être octroyés qu’en cas de menace de pénurie de médecins, et tout au plus pour une durée d’un an.
curafutura salue l’introduction d’un droit de recours des assureurs contre les listes cantonales d’hôpitaux selon l’art. 53, al. 1bis, LAMal, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2024. Il s’agit d’instaurer pour les assureurs-maladie, qui représentent les assurés, un droit de regard dans un domaine, ceci dit au passage, qui leur doit beaucoup en termes de développement financier. Cette mesure sera d’autant plus importante après la mise en œuvre du projet EFAS, car la part de financement des coûts hospitaliers par les assureurs sera alors plus élevée que celle des cantons. Pour les assureurs, ce droit de recours est un instrument permettant des corrections en cas d’erreurs de planification. Il convient toutefois de souligner que la véritable tâche de planification et de surveillance des hôpitaux et des établissements médico-sociaux incombe toujours aux cantons, et non aux assureurs-maladie.
Constitutionnellement, la compétence de garantir l’approvisionnement en soins revient aux cantons. La LAMal précise que, dans le cadre de leur planification hospitalière, les cantons contrôlent l’admission des hôpitaux à charge de l’assurance obligatoire des soins au moyen de listes d’hôpitaux et de l’attribution des mandats de prestations y afférents. Les critères de planification sont définis de manière détaillée dans l’ordonnance sur l’assurance-maladie. Légalement, les cantons sont tenus de se concerter et d’établir conjointement leurs planifications. L’objectif est d’éviter la surmédicalisation, d’endiguer les coûts et de garantir la qualité nécessaire. Pour l’heure, une planification régionale à proprement parler, grâce à laquelle l’offre est mise en adéquation selon des régions de soins dépassant les frontières cantonales (ce qui, en règle générale, conduit à l’abandon de certaines offres), n’est que rarement réalisée. La réglementation des compétences pour la planification hospitalière, actuellement insatisfaisante, fait depuis un certain temps l’objet de diverses interventions parlementaires au Parlement fédéral. Ainsi, la motion 24.3505 déposée dernièrement demande que la planification hospitalière soit dorénavant réalisée par la Confédération, en étroite collaboration avec les cantons. La Confédération décidera en dernier ressort, mais les cantons pourront exercer la plus grande influence possible sur les décisions.
curafutura salue et soutient toute démarche politique visant à renforcer la planification hospitalière intercantonale, mais elle rejette les interventions orientées vers une centralisation auprès de la Confédération. L’approche «top-down» proposée sous forme d’une centralisation de la planification hospitalière et de l’attribution des mandats de prestations aux hôpitaux par la Confédération n’est pas adéquate: il en résulterait une forte hausse de la régulation, une faible prise en compte des spécificités régionales et le non-respect du principe d’équivalence fiscale. De plus, cela irait à l’encontre de la Constitution fédéraliste de notre pays.
(1) Manque de coordination intercantonale
En principe, curafutura soutient la demande visant à ce que la planification hospitalière prenne en compte des critères tels que les flux de patients intercantonaux, la concurrence en matière de qualité et les réseaux de soins intégrés. Ce n’est qu’ainsi que le système de santé pourra répondre durablement aux besoins et garantir un niveau de qualité élevé tout en évitant les doublons et les pénuries régionales. Une planification hospitalière mieux coordonnée au niveau intercantonal permet de réduire les coûts de la santé.
Légalement, les cantons sont tenus de se concerter et d’établir conjointement leurs planifications, ce qui a rarement été fait jusqu’à maintenant. Certes, il y a des tentatives de planification régionale, qui se limitent toutefois toutes à une planification commune (prévision des besoins) et non, à proprement parler, à l’attribution coordonnée et concertée de mandats de prestations dans une région de soins (ce qui, en règle générale, conduirait à l’abandon d’offres). Au lieu d’endiguer les coûts comme souhaité, ce type de planification hospitalière avec une distorsion de la concurrence entraîne obligatoirement une hausse des coûts, car le manque de coordination conduit en règle générale à des capacités excédentaires, qui sont à leur tour refinancées par une surmédicalisation.
Certes, la coordination intercantonale a été renforcée suite à la révision de l’ordonnance sur l’assurance-maladie au 1er janvier 2022 (art. 58e OAMal) et un droit de recours des organisations d’assureurs a été introduit au 1er janvier 2024. Toutefois, curafutura estime que ces mesures sont insuffisantes pour parvenir à une planification hospitalière intercantonale adéquate et efficace.
(2) La planification hospitalière doit rester de la compétence des cantons
curafutura est d’avis que la planification hospitalière et l’attribution des mandats de prestations doivent rester de la compétence des cantons. L’approche «top-down» proposée sous forme d’une centralisation de la planification hospitalière et de l’attribution des mandats de prestations aux hôpitaux par la Confédération va à l’encontre de la tradition fédéraliste de la Suisse. Les cantons sont responsables de l’approvisionnement en soins dont ils assurent la planification. L’organisation de l’approvisionnement doit prendre en compte les besoins régionaux et géographiques. Un système organisé de manière centralisée ne tient pas assez compte des besoins régionaux et conduit à une hausse de la régulation sans pour autant obtenir l’effet escompté. Une planification hospitalière par la Confédération serait en outre contraire au principe d’équivalence fiscale, selon lequel celui qui ordonne, paie et celui qui paie, ordonne. L’équivalence fiscale exige que la responsabilité des tâches et celle du financement se recouvrent à égalité. En cas de non-respect de ce principe, le risque est de voir des biens publics être fournis de manière insuffisante.
Pour curafutura, il est toutefois impérativement nécessaire de poursuivre le développement de la réglementation actuelle des compétences en matière de planification hospitalière. Les cantons doivent être soumis à une obligation plus ferme de planifier les soins au niveau suprarégional et, sur cette base, d’attribuer notamment les mandats de prestations aux hôpitaux de manière coordonnée et au sein d’une région de soins intercantonale. Conformément au principe de subsidiarité, il est en outre logique, pour curafutura, que la Confédération fasse office d’autorité de niveau supérieur se chargeant de ces tâches si les cantons ne les effectuent pas.
La population suisse a clairement rejeté l’idée d’une caisse unique étatique à quatre reprises déjà. Suite au rejet, lors de la votation du 9 juin 2024, des initiatives d’allègement des primes et pour un frein aux coûts, le PS a annoncé son intention de lancer une nouvelle initiative début 2025. Hier comme aujourd’hui, les tenants d’une caisse unique entendent convaincre la population qu’il s’agit de LA solution pour lutter contre la hausse constante des coûts de la santé et donc contre la hausse des primes. Ce qui est faux et trompeur.
curafutura rejette une caisse unique, en particulier parce que:
En août 2023 déjà, les délégués du PS ont chargé la direction de leur parti de préparer le lancement d’une nouvelle initiative populaire «pour une caisse maladie publique et sociale en Suisse». Cette initiative vise à ce que chaque canton puisse posséder sa propre caisse-maladie publique (caisse unique), avec en option la possibilité de prévoir des caisses intercantonales. Ces établissements d’assurance cantonaux auraient notamment pour tâche de négocier les différents tarifs appliqués à l’échelon national. De plus, une part des primes doit être investie dans la prévention. Le PS est d’avis que le regroupement des assureurs actuels en une seule caisse cantonale ou régionale permettra de réaliser des économies en termes de publicité, d’administration et de salaires des intermédiaires, des directeurs et des membres des conseils d’administration, tout en mettant fin à la prétendue opacité de la comptabilité et des réserves des assureurs-maladie. Par ailleurs, les caisses auraient l’obligation de rembourser intégralement les assurés en cas de bénéfices et d’investir une part des primes dans la prévention.
Le discours et les plans du PS sont éculés. La seule nouveauté réside dans le fait que la population, selon divers sondages, semble plus ouverte à l’idée d’une caisse unique. Ce qui pose problème dans la mesure où les systèmes de santé gouvernés par la politique ont de nombreux inconvénients, sur lesquels nous reviendrons plus en détail ci-après.
Suite aux discussions portant sur une nouvelle initiative populaire pour une caisse-maladie publique, le canton de Genève a lui aussi déposé une initiative cantonale «Pour une caisse-maladie publique cantonale unique à Genève» (iv. ct. 23.319) au Parlement fédéral. Le canton de Genève demande à l’Assemblée fédérale de mettre en place une base légale permettant aux cantons d’expérimenter des modèles alternatifs de pilotage de la politique de la santé. La révision des dispositions légales vise à permettre au canton de Genève et aux autres cantons d’introduire une caisse unique.
Le système de santé suisse est l’un des meilleurs au monde. Il garantit à chaque citoyen, quel que soit son revenu, un accès rapide et sûr à des soins médicaux de base de très bonne qualité. Outre cette qualité élevée, le système suisse se distingue par une grande liberté de choix et un degré élevé d’autodétermination, de responsabilité personnelle et de solidarité. En outre, il est financé sans dettes. Ces qualités sont autant de raisons pour rejeter une caisse unique, car il s’agit là des résultats de la concurrence régulée et non d’un système étatique. Le système de santé suisse performant n’est pas une évidence, mais un acquis qui est mis en péril à la légère avec un tel projet de caisse unique. Une caisse unique étatique n’aurait en outre aucune incidence sur les coûts de la santé en hausse constante, car la population ne consommerait pas pour autant moins de prestations médicales. Les primes, qui reflètent les dépenses de santé, ne baisseraient donc pas. La mise en œuvre d’une caisse unique causerait des problèmes pendant de nombreuses années, car les assureurs-maladie devraient être «dépossédés» de leur activité dans l’assurance de base. La suppression des divers assureurs et le passage à une caisse unique monopolistique signifieraient aussi la fin de l’effet modérateur sur les prix qu’a le système actuel d’assurance-maladie axé sur la concurrence.
En supposant que les cantons gèrent une telle caisse-maladie publique cantonale, cela aggraverait le problème que posent déjà les nombreuses casquettes qu’ont les cantons, ce qui freine les réformes, puisqu’ils sont à la fois mandants des prestations, organismes de financement, propriétaires, fournisseurs de prestations, autorités de surveillance, autorités d’approbation des tarifs et planificateurs des soins. Des intérêts particuliers différents, inhérents au système fédéraliste suisse, pourraient compliquer considérablement, voire rendre impossible, la collaboration intercantonale ainsi que le regroupement de caisses cantonales en caisses régionales.
Outre la qualité des soins, la population suisse attache une grande importance, en ce qui concerne sa santé, à la liberté de choix et à l’autodétermination. Le libre choix du médecin, de l’hôpital et de l’assureur-maladie en font partie. Certes, trois quarts des assurés limitent leur liberté de choix en optant pour un modèle d’assurance alternatif, mais un quart des assurés souhaitent pouvoir choisir librement. Et les personnes qui ont décidé de limiter leur choix peuvent revenir sur leur décision. Les parts respectives sont restées stables ces dernières années. Une caisse unique étatique irait clairement à l’encontre du besoin de liberté de choix. Une caisse unique étatique est synonyme de contrainte, car tout un chacun devrait alors être assuré auprès d’elle. Elle serait aussi synonyme de dépendance, car les assurés ne pourraient rien faire face à un service de piètre qualité, alors qu’ils peuvent actuellement changer d’assureur-maladie. Elle serait enfin synonyme de mise sous tutelle, car – ainsi que l’indiquent des comparaisons avec des systèmes étrangers – plus le système de santé est étatisé, plus le libre choix du médecin est restreint et plus le mode de traitement est imposé.
En cas de maladie, tout citoyen suisse peut actuellement compter rapidement sur des soins médicaux de haute qualité, remboursés par l’assurance de base. L’âge, la fortune ou l’état de santé ne jouent aucun rôle. Lorsqu’il lui faudra réaliser des économies, la caisse unique pourrait radier des prestations médicales, comme c’est le cas en Angleterre: sur la gauche de l’échiquier politique, le pays, avec son National Health Service NHS étatisé, fait souvent office de terre promise, mais les délais pour obtenir un rendez-vous auprès du NHS devraient faire réfléchir même les plus farouches partisans d’une caisse unique. Aux délais d’attente s’ajoutent des limitations des prestations médicales. Avec une caisse unique sans alternative, la pression concurrentielle fait défaut, ce qui pourrait signifier une baisse de la qualité de service à la clientèle.
L’idée du PS de nationaliser le système de santé dans le but de coupler les primes aux revenus et de financer les coûts de la santé par l’impôt entraînerait des hausses d’impôt. Il y aurait aussi un risque de voir des prestations être refusées aux patients en cas de difficultés financières de l’État.
Le Conseil fédéral détermine quelles sont les prestations médicales remboursées par l’assurance de base, indépendamment de l’assurance-maladie auprès de laquelle chaque individu est assuré. Les partisans d’une caisse unique en concluent que la concurrence dans l’assurance de base est inutile. Ce faisant, ils négligent totalement le fait que la concurrence est un puissant moteur permettant d’obtenir une qualité élevée, un service performant et des innovations en faveur des clients. Pour se différencier sur le marché, il y a lieu de se distinguer de ses concurrents, que cela soit par un remboursement rapide des coûts, une prise en charge efficace et compétente des clients ou des modèles d’assurance, services ou applications répondant aux besoins spécifiques des clients (modèles médecin de famille, HMO ou télémédecine). Actuellement, les assurés peuvent influer sur le montant de leur prime, en fonction du modèle d’assurance ou de la participation aux coûts qu’ils choisissent. Cette diversité est appelée à disparaître avec une caisse unique. En lieu et place, il y aurait un modèle d’assurance unique avec une prime élevée et uniforme.
Entre 2012 et 2022, les primes des assurances-maladie ont augmenté en moyenne de 2%. Les partisans de la caisse unique promettent que celle-ci permettra de réduire les coûts du système de santé et, donc, les primes. Or, aucune preuve en ce sens n’a encore été fournie. L’Institut d’économie de la santé de Winterthour a publié en 2013 des chiffres à ce sujet[1]: le seul passage du système actuel à une caisse unique coûterait près de 2 milliards de francs à la population suisse. Une famille de quatre personnes devrait donc débourser près de mille francs rien que pour cela. L’effet de ce changement aurait des répercussions nettement plus lourdes sur les coûts de la santé.
D’une part, le comité d’initiative de la nouvelle salve du PS argue que la caisse unique reversera des bénéfices éventuels aux assurés et qu’une part des primes sera investie dans la prévention. Toutefois, l’assurance de base obligatoire en vigueur proscrit déjà tout bénéfice. Les assurances-maladie n’ont le droit de constituer des réserves que pour garantir leur solvabilité à long terme. La caisse unique n’y changera rien. Un argument fallacieux est ici avancé à des fins électorales.
D’autre part, les partisans d’une caisse unique arguent que la baisse des frais administratifs entraînera une réduction des primes. Actuellement, les frais administratifs représentent 5% des primes encaissées. Cela comprend les frais de personnel mais aussi les dépenses pour la publicité (0,2%) et les commissions. Les frais administratifs comprennent donc aussi les salaires du personnel chargé notamment du contrôle des prestations et des factures, qui est l’une des tâches fondamentales des assureurs-maladie. Ce contrôle permet de réaliser, chaque année, des économies d’environ 3,5 milliards de francs. Or, une caisse unique devrait elle aussi faire appel à des agences régionales pour le contrôle détaillé des factures, pour mener les négociations tarifaires et pour conseiller les assurés. Dans les faits, environ 95% des assurés sont actuellement assurés auprès de l’un des dix plus grands assureurs-maladie. Les partisans d’une caisse unique reconnaissent qu’une partie des frais administratifs actuels, qui représentent 5% environ, devrait aussi être comptabilisée dans le système d’une caisse unique. Avec une caisse unique jouissant d’un monopole et sans concurrence, ces coûts auraient tendance à augmenter. Il n’est donc pas possible d’en déduire que les frais administratifs d’une caisse unique seraient forcément moins élevés que dans le système actuel. Il y a lieu de considérer qu’en cas d’affiliation sans alternative, la qualité du service, la diversité des modèles d’assurance et, à moyen terme, l’offre et la qualité des prestations médicales auraient tendance à diminuer. De plus, une caisse unique aurait elle aussi des frais administratifs, ce qui signifie que les économies potentielles sont bien inférieures à 5%.
En très grande partie, à savoir à 95% environ, les primes servent à couvrir les coûts des prestations médicales. Or, ces coûts ne baissent que si la population sollicite moins de prestations médicales ou si elle va moins souvent chez le médecin. Les patients ne devant payer de leur poche qu’une modeste partie des coûts de la santé, ils ne sont pas sensibilisés au fait que leur comportement a une incidence sur les coûts. Depuis bientôt 20 ans, la participation aux coûts n’a pas changé. Si les patients devaient assumer eux-mêmes une part plus importante, ils iraient moins souvent consulter le médecin pour des cas de moindre importance, ce qui allégerait la charge financière des assurés. Une caisse unique ne permettrait donc de réduire ni les coûts ni les primes – cette promesse ne pourra pas être tenue. La population l’a bien compris lors des votations précédentes et a donc toujours rejeté les projets de la gauche.
Actuellement, en Suisse, les prestations de santé sont financées sans recourir à l’endettement. Chaque génération paie ce dont elle a besoin. Il n’est pas laissé de dettes aux enfants. Il en irait autrement avec une caisse unique gérée par l’État. Il suffit de regarder la situation prévalant dans des pays proches pour s’en convaincre: plus un système de santé est étatisé, plus il est endetté. Les systèmes de santé étatiques en Angleterre et en Italie, de même que les systèmes avec une caisse unique, comme en France, sont fortement endettés. En 2022, la part des coûts de la santé rapportée au produit intérieur brut (PIB) était de 12,7% en Allemagne et de 11,9% en France. Soit nettement plus qu’en Suisse (11,3%)[2].
Il est actuellement de plus en plus souvent question de tester le modèle de caisse unique dans un ou plusieurs cantons. De telles expériences cantonales auraient toutefois de graves répercussions sur le système en place, notamment en ce qui concerne la compensation du risque et le partenariat tarifaire, tout en ouvrant une série de questions quant à la surveillance des caisses-maladie et au calcul des primes. Le modèle d’une caisse unique cantonale à l’essai entraînerait aussi une obligation de participation de la part de la population, ce qui signifierait à nouveau de fortes disparités régionales si les cantons n’instaurent pas tous une caisse unique. Un autre risque lié à de telles expériences serait la quasi-impossibilité de retour en arrière en cas d’échec, avec en corollaire la pérennisation d’une structure administrative inefficace et atone.
Les arguments des partisans d’une caisse unique sont hypocrites et suggèrent un frein à la hausse des coûts. Or, le facteur principal de la hausse des coûts est constitué par les prestations de soins sollicitées, qui représentent 95% des coûts totaux. C’est à ce niveau qu’il faut agir. Une caisse unique étatique aurait par contre tendance à augmenter les frais administratifs pour une qualité de service moindre dans l’ensemble et une réduction de la diversité des modèles d’assurance sans aucune liberté de choix.
[1] Passage à la caisse unique: estimation des coûts liés à un changement de système (ZHAW, 2013): https://www.zhaw.ch/storage/sml/institute-zentren/wig/upload/Bericht_SWK_Einheitskasse_WIG_V3.0_2013_07_04_finale_Version.pdf
[2] Part des coûts de la santé en pourcentage du PIB (OCDE, 2022): https://www.oecd.org/fr/data/indicators/health-spending.html
La CSSS-E l’a clairement reconnu : cette attaque contre la publicité est une attaque contre la concurrence. Or, le marketing est indispensable au bon fonctionnement du marché et fait partie des fonctions de base de toute entreprise. La publicité augmente la pression concurrentielle et a donc des conséquences positives pour les clients : la concurrence entre les assureurs est le moteur de l’innovation, de la diversité de l’offre, de l’efficience et des efforts visant à accroître la qualité du service client.
Le texte de l‘initiative parlementaire Hurni 22.497 suggère qu’une interdiction de la publicité dans l’assurance-maladie permettrait de réaliser des économies considérables. Rien n’est plus faux. Les dépenses publicitaires dans l’assurance de base ne représentent que 0,2 % des primes, soit moins d’un franc par mois et par assuré. En outre, une suppression de ces dépenses publicitaires entraînerait des coûts bien plus élevés, car elle limiterait les effets positifs de la concurrence.
Afin de freiner efficacement et durablement les coûts de la santé, curafutura soutient de véritables réformes telles que le financement uniforme (économies de 1 à 3 milliards de francs par an) ou les baisses de prix automatiques des médicaments à fort chiffre d’affaires (économies de 400 millions de francs par an).
Une interdiction de la publicité limiterait considérablement la concurrence régulée entre les assureurs – dont le principe est ancré dans la loi – et ouvrirait de facto la voie au monopole d’État d’une caisse unique. Cependant, seuls 5 % des coûts de l’assurance de base sont consacrés aux frais administratifs (y compris 0,2 % de publicité). Par conséquent, 95 % des coûts de l’assurance de base ne seraient aucunement affectés par une réforme organisationnelle visant à créer une caisse unique et le problème de l’augmentation des coûts de la santé ne serait en rien résolu.