Selon l’art. 55a LAMal, un canton doit imposer une limite supérieure à l’offre de médecins en ambulatoire dans au moins une discipline médicale ou une région spécifique. Le Conseil fédéral prescrit les critères et les principes méthodologiques pour la fixation de ces plafonds et calcule les besoins en prestations médicales à l’aide d’un modèle de régression. Ce modèle tient compte de facteurs tels que la démographie et la morbidité, adapte les besoins aux flux de patients intercantonaux ou interrégionaux et calcule les taux de couverture par spécialité. Le canton établit ensuite le rapport entre l’offre existante de médecins (équivalents plein temps) et le taux de couverture, en tenant compte de facteurs cantonaux spécifiques qui ne sont pas pris en compte dans le modèle national, et en déduit si, dans une spécialité médicale donnée, le nombre maximal est atteint sur son territoire cantonal. Tant que c’est le cas, il n’octroie aucune nouvelle autorisation de pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins (AOS).
Le Parlement national avait débattu intensément de la question de savoir dans quelle mesure les prescriptions de droit fédéral en la matière devaient être contraignantes pour les cantons. Comme souvent, le résultat a été un compromis: les cantons doivent limiter les admissions des médecins, mais pas sur l’ensemble de leur territoire. Le texte de loi précise ainsi: dans un ou plusieurs domaines de spécialisation médicale ou dans certaines régions. Le législateur confère ainsi la souveraineté aux cantons et leur accorde une grande marge de manœuvre.
Comme le montre le graphique ci-dessous, les cantons font usage de cette marge de manoeuvre. La mise en œuvre de la nouvelle réglementation se fait de manière très variable. Des cantons comme Genève et le Jura vont assez loin et ont introduit des nombres maximaux de médecins presque partout. Plusieurs cantons s’en sont en revanche tenu au minimum légal et n’ont fixé des nombres maximaux que dans une ou deux spécialités médicales. Certains cantons, comme les Grisons, ont laissé passer la date d’entrée en vigueur de la réglementation sans agir et se trouvent actuellement dans une zone grise juridique.
En raison de données insuffisantes, huit cantons ont fixé des nombres maximaux sur la base d’une disposition transitoire selon laquelle l’offre existante de médecins peut être considérée comme adaptée aux besoins et économique, jusqu’au 30 juin 2025 au plus tard. Dans ces cantons, mais aussi dans d’autres, on peut s’attendre à une adaptation des nombres maximaux au cours des prochaines années.
Les cantons de Zurich, Bâle-Ville et Bâle-Campagne ont stoppé le processus de fixation de plafonds, car ils souhaitent d’abord introduire une base légale cantonale. Ils se basent pour cela sur un arrêt du tribunal cantonal de Bâle-Campagne qui a annulé une ordonnance interdisant l’admission de médecins au motif qu’il n’existe pas de base légale cantonale. Les cantons des Grisons et de Soleure ont, quant à eux, mis en place une base légale, mais n’ont pas encore adopté d’ordonnance fixant des nombres maximaux de médecins.
Le canton de Berne n’a pas fixé de plafonds à l’échelle du territoire cantonal, mais uniquement pour certaines régions. Ce qui paraît tout à fait judicieux dans les grands cantons peut être remis en question dans des petits cantons tels qu’Appenzell Rhodes-Intérieures. Ce canton a en effet limité à 0 la spécialité rare de la chirurgie de la main dans le district de Schlatt-Haslen (nombre d’habitants d’environ 1100 personnes).
Parmi les spécialités médicales limitées, la radiologie se distingue. À ce jour, dix cantons ont limité le nombre de médecins dans cette spécialité. Viennent ensuite la chirurgie orthopédique et la traumatologie (7 cantons), suivies par la chirurgie et la chirurgie plastique, reconstructive et esthétique (respectivement 6 cantons).
Le site Internet zulassungstopp.ch offre un bon aperçu de toutes les spécialités médicales pour lesquelles le nombre de médecins a été limité dans les différents cantons.
Depuis le 1er juillet 2023, les cantons doivent mettre en œuvre la limitation des admissions selon les nouvelles dispositions de la LAMal. Jusqu’au 30 juin 2025, ils peuvent faire usage d’une disposition transitoire et définir l’offre existante de médecins comme adaptée aux besoins. Nous nous trouvons actuellement dans une phase de transition et il est encore trop tôt pour tirer un bilan définitif. On constate toutefois déjà que les cantons utilisent leur marge de manœuvre et appliquent différemment les directives fédérales.
Cette diversité dans la mise en œuvre n’est d’ailleurs pas forcément une mauvaise chose: après quelques années d’expérience, il sera peut-être possible de déterminer laquelle des variantes choisies est la plus efficace et se rapproche le plus de l’objectif d’une bonne qualité des soins tout en évitant des coûts excessifs. Et nous saurons probablement si la nouvelle réglementation légale en matière d’admission des médecins est une mesure judicieuse ou une réglementation inutile. Quoi qu’il en soit, la réglementation des admissions doit être mise à l’épreuve avant d’envisager d’autres démarches, que ce soit pour les médecins ou pour les autres professions médicales.
curafutura prend connaissance du souhait de la commission de permettre des exceptions dans le domaine des soins médicaux de base. Parmi les variantes présentées, curafutura préfère celle de la minorité Humbel, selon laquelle les cantons peuvent prévoir des exceptions au cas par cas.
Les nouvelles dispositions relatives à l’admission des fournisseurs de prestations ambulatoires s’appliquent depuis le 1er janvier 2022. Un peu plus de six mois plus tard, il est déjà question de discuter des exceptions, car la modification de la loi adoptée par le Parlement est trop restrictive. Celle-ci stipule que seuls les médecins pouvant justifier d’une formation postgraduée spécialisée d’au moins trois ans dans un établissement de formation postgraduée suisse reconnu peuvent obtenir une autorisation de pratiquer à charge de la LAMal. Le même Parlement fait aujourd’hui marche arrière et suit ainsi une trajectoire en zigzag déroutante.
curafutura constate qu’en raison des dispositions légales actuelles, il peut y avoir des pénuries de soins médicaux de base dans certaines régions. C’est pourquoi une réglementation d’exception est nécessaire pour les spécialités médicales mentionnées dans le projet de loi. Mais il faut en même temps souligner que les exceptions ne doivent pas être étendues à d’autres spécialités. Dans le cas contraire, la disposition de l’article 37, alinéa 1 de la LAMal perd tout son sens.
Parmi les variantes soumises, curafutura préfère la minorité Humbel. Celle-ci prévoit que l’autorisation d’exceptions repose sur des décisions au cas par cas. Les cantons peuvent ainsi autoriser des exceptions en application directe de la loi fédérale, sans devoir fixer d’autres règles au niveau cantonal. Le contre-argument de la majorité concernant cette variante, selon lequel l’égalité de traitement ne serait pas garantie, n’est pas convaincant, car la réglementation des exceptions elle-même établit déjà une inégalité de traitement entre les spécialités médicales et les cantons.
De plus, la minorité Humbel est plus flexible dans son application, car les cantons n’accordent une autorisation exceptionnelle sur leur territoire que de manière ciblée, là où il y a effectivement pénurie de soins. En revanche, la variante de la majorité s’appliquerait – selon notre compréhension – de la même manière à tous les médecins des spécialités concernées sur l’ensemble du territoire cantonal ou dans une région déterminée. Cela permettrait aux médecins de s’installer dans un endroit qui n’est pas du tout concerné par une pénurie de soins.
curafutura s’oppose à une collecte de données détaillée au niveau des personnes assurées (données individuelles). Des données agrégées suffisent à l’accomplissement des tâches de l’autorité de surveillance.
curafutura rejette également une livraison élargie de données dans le domaine tarifaire ambulatoire, d’une part en raison de la collecte de données déjà existante de l’OFS et d’autre part parce que l’objectif d’utilisation ne ressort pas clairement des dispositions légales.
curafutura soutient l’inscription de l’article sur les projets-pilotes dans la LAMal. La proposition de mise en œuvre dans le projet d’ordonnance est toutefois conçue de manière bureaucratique et centralisée et doit donc être fondamentalement remaniée.
Selon l’article 61, alinéa 2bis LAMal, les assureurs peuvent échelonner les primes à l’intérieur d’un canton s’il existe des différences de coûts entre les régions de primes. Conformément à cette disposition légale, curafutura prend acte de la réduction prévue des différences maximales de primes dans les cantons de Fribourg, Lucerne et Saint-Gall.
curafutura rejette les deux nouvelles dispositions de l’ordonnance du DFI (art. 2, al. 2 et 3), à savoir le plafonnement de la différence maximale de primes pour les formes particulières d’assurance et la condition selon laquelle les primes peuvent être échelonnées exclusivement par ordre décroissant entre les régions de primes.
La modification de l’ordonnance du DFI sur les régions de primes fait suite au fait que dans trois cantons, les différences maximales de primes entre les régions de primes actuellement en vigueur ne sont plus conformes à la loi. curafutura estime que cette mesure est compréhensible. Afin de garantir une certaine stabilité des primes, de telles adaptations ne devraient toutefois pas être trop fréquentes à l’avenir. Du point de vue de curafutura, aucune modification ne devrait être effectuée pendant une phase d’au moins cinq ans dans les cantons concernés. Pour les deux nouvelles dispositions de l’ordonnance, curafutura remet en question la base légale : la LAMal ne prescrit ni un plafonnement de la différence maximale de primes, ni un ordre précis pour les régions de primes. Elle stipule simplement que des différences de primes sont possibles sur la base des différences de coûts effectives et des régions de primes définies par le département.
Les différences régionales de coûts entre les collectifs des formes particulières d’assurance peuvent, dans certains cas, être plus élevées qu’entre les collectifs des assurances ordinaires. Un plafonnement de la différence de prime maximale (art. 2, al. 2) ne tiendrait pas compte de cette situation. Il est également possible que, pour un assureur donné dans un canton donné, le collectif de la région de primes 1 présente des coûts plus avantageux que le collectif de la région de primes 2. L’introduction d’une hiérarchie fixe pour les régions de primes (art. 2, al. 3) a toutefois pour conséquence que, dans de tels cas, il n’est pas possible de proposer des primes plus basses dans la région 1 que dans la région 2, bien que la différence de coûts observée le justifierait. Les assurés de la région 1 seraient par conséquent désavantagés par rapport aux assurés de la région 2.
D’un point de vue juridique, il faut encore mentionner les arguments suivants :
Pour ces raisons, curafutura est d’avis que les deux nouvelles dispositions du projet d’ordonnance outrepassent en partie la volonté légale d’autoriser des différences de primes en raison de différences de coûts et entraînent une restriction injustifiée pour certains collectifs d’assurés. De plus, ces dispositions constituent une intervention inutile dans la fixation des primes par les assureurs. curafutura demande donc la suppression de l’art. 2, al. 2 et 3.
Les assureurs ont besoin d’un accès illimité aux informations du registre afin de pouvoir continuer à exécuter efficacement les tâches qui leur sont confiées par la LAMal. L’ordonnance sur le registre doit donc être améliorée.
Les nombres maximums doivent être fixés de manière à réduire les offres excédentaires régionales. curafutura renvoie à cet égard à deux problèmes méthodologiques possibles dans l’ordonnance sur la fixation des nombres maximums de médecins dans le secteur ambulatoire (art. 5, al. 1, et art. 8) et demande que des mesures soient prises contre une éventuelle évolution indésirable.
Une personne qui peut bénéficier d’une prestation sans devoir y participer financièrement aura tendance à le faire davantage que si elle contribue au financement de ladite prestation. En économie d’assurance, ce comportement est appelé moral hazard (en français: aléa moral).
Pour éviter un tel comportement, les assurances appliquent une mesure appelée participation aux coûts. En matière d’assurance obligatoire des soins (AOS), il y a différentes formes de participation aux coûts: au cours d’une année civile, les premiers frais de traitement médical sont pris en charge par l’assuré à concurrence d’un certain montant (franchise). Lorsque le montant de la franchise est atteint, l’assuré s’acquitte d’une participation proportionnelle aux coûts (quote-part de 10% et contribution pendant un séjour hospitalier).
Le montant de la franchise peut être choisi par la personne assurée avant le début de la couverture d’assurance. Les assurés adultes peuvent choisir entre une franchise annuelle minimum de 300 francs et d’autres franchises dites à option de 500 à 2500 francs (par tranche de 500 francs). La prime d’assurance dépend du montant de la franchise: plus la franchise est élevée, plus la prime est basse. La quote-part de 10% est au maximum de 700 francs par année et la contribution aux frais d’hospitalisation est de 15 francs par jour. Les montants exacts en francs ainsi que d’autres détails sur les participations aux coûts sont définis par le Conseil fédéral dans l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal).
curafutura est favorable au système actuel de participation aux coûts. Ce système a fait ses preuves et permet de renforcer la conscience des coûts et donc de réduire les coûts de la santé. curafutura refuse catégoriquement une baisse des franchises. Les franchises doivent en outre être ajustées en fonction de l’évolution des coûts et donc révisées périodiquement.
Plusieurs études nationales et internationales confirment l’effet qu’ont les participations aux coûts en matière d’économies. Selon l’une de ces études, les assurés avec une franchise élevée permettent d’économiser 1,1 milliard de francs par année en Suisse.[1] La suppression des franchises à option entraînerait une hausse des primes de 5%. L’aléa moral n’est pas qu’un concept théorique; il a été prouvé. La conscience des coûts dans l’AOS engendrée par les participations aux coûts apparaît clairement.
La solidarité du collectif envers l’individu est un élément central de l’assurance-maladie sociale. Une solidarité totale sans participation aux coûts est toutefois synonyme de hausse des coûts de la santé et de primes plus élevées (cf. ci-dessus). Une participation directe de l’assuré aux coûts de la santé qu’il génère est donc essentielle. Ce mécanisme lui fait en effet assumer une plus grande responsabilité et adopter un comportement plus responsable en matière de coûts. La solidarité dans l’assurance-maladie sociale doit reposer sur le principe de la réciprocité: du collectif envers l’individu et de l’individu envers le collectif.
Les franchises actuelles n’ont plus été modifiées depuis 2004. Durant ce laps de temps, les coûts assumés par les assureurs-maladie ont plus fortement augmenté que les participations aux coûts des assurés. La part des coûts pouvant être influencée par une personne est ainsi réduite et l’effet de frein sur les coûts globaux correspondant l’est également. Une augmentation des franchises est donc nécessaire. À l’avenir, il convient de les vérifier périodiquement et de les ajuster en fonction de l’évolution générale des coûts.
[1] Schmid Christian & Konstantin Beck (2015). Les franchises élevées entraînent-elles une réduction des coûts? Bulletin des médecins suisses, 96(35): 1238-1239.