Impliquer dans le traitement des patients toutes les personnes concernées permet de gagner en efficacité, de réduire les frais et d’améliorer la qualité. Plus concrètement, il est ainsi possible d’éviter les doublons et de réduire la charge administrative. Résultat: les patients sont satisfaits, les médecins soulagés et les coûts de santé réduits. Si l’on en croit la Confédération, de nouveaux réseaux supplémentaires doivent maintenant être installés. Ce qui était simple va donc devenir plus complexe. Et réduire les coûts. Ce n’est pas convaincant.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? Soins intégrés[1], réseaux coordonnés[2]? Modèle médecin de famille[3]? Centre de santé[4]? Tous ces termes se ressemblent un peu. Et pourtant, il y a des différences.

L’époque où il y avait simplement LE médecin de famille est révolue. On allait le voir quand on était malade. Il posait un diagnostic et traitait ses patients. En cas de besoin seulement, il les adressait à des spécialistes. Il connaissait leur famille, le dossier médical de chacun, ses particularités et ses maux. Il était à la fois personne de contact, diagnosticien, soignant, organisateur et coordinateur. Et c’était bien ainsi.

Mais il faut maintenant des coordinateurs expérimentés et des prestataires de soins intégrés. En cause, les défis de plus en plus complexes auxquels nous sommes confrontés: vieillissement, multimorbidité, augmentation des primes d’assurance maladie, manque de personnel qualifié, croissance démographique, mobilité et santé comme critères de style de vie. Tout cela complique les choses et les rend plus chères, tout en augmentant l’insatisfaction des médecins comme des patients. Selon une vision tout à fait cohérente, il nous faut donc des personnes de contact qui assument la fonction de plaque tournante. Des intermédiaires par lesquels passe la facturation et qui prennent en compte le patient dans sa globalité.

L’approche n’est pas nouvelle, juste vendue différemment

En soi, le sujet n’est pas nouveau. En Suisse, de nombreux réseaux de soins intégrés ont vu le jour au cours des 30 dernières années. Des médecins et d’autres professionnels de la santé se sont ainsi regroupés sur une base volontaire, parce qu’ils ont reconnu la valeur de ces réseaux, tant pour le patient que pour le médecin.

Ces réseaux sont organisés différemment en fonction des conditions régionales et démographiques. Leur succès est dû à l’entretien de partenariats de longue date, à l’innovation et à l’orientation vers des besoins en constante évolution, ce qui permet de réduire les coûts. C’est une success-story.

Une innovation préjudiciable

Dans le cadre du deuxième volet de mesures « pour maîtriser les coûts », le Conseil fédéral propose une nouvelle entité, le «réseau de soins coordonnés», qui consiste en un regroupement de professionnels de la santé sous la direction d’un médecin. Le concept se rapproche de ce qui s’est déjà développé de manière organique par le passé. Et pourtant, ce n’est pas la même chose. Les réseaux de soins coordonnés souhaités par la Confédération doivent garantir une prise en charge globale adaptée aux besoins des patients. Ils doivent en outre être soumis à une autorisation et à une surveillance, et répondre aux exigences de l’État. Par ailleurs, il est prévu que toutes les prestations fournies soient facturées aux assureurs par un seul fournisseur de prestations.

Pour curafutura, la mesure prévue suscite l’incompréhension. Pourquoi faut-il de nouveaux réseaux alors que la base s’est organisée elle-même depuis longtemps? Avec cette mesure, le Conseil fédéral risque de dégrader, voire de saper les réseaux intégrés qui se sont développés avec succès sur plus de deux décennies. Les obstacles bureaucratiques laissent en outre présager un surcroît considérable de travail administratif – exactement le contraire de ce qui est souhaité. Je ne comprends pas en quoi cela pourrait contribuer à la maîtrise des coûts. Il n’est donc pas surprenant qu’aucune donnée ou estimation ne soit disponible à ce sujet.

Selon l’état actuel des débats, la Commission de la santé du Conseil des États entend maintenir ces réseaux dans le deuxième volet de mesures (le Conseil national s’y était opposé), et ce, bien que l’idée de nouveaux réseaux ait suscité de nombreuses critiques de la part des fournisseurs de prestations et des experts.

On peut se demander d’où vient ce besoin de réseaux supplémentaires. Est-ce parce qu’il fallait impérativement ajouter au deuxième volet de mesures une mesure supplémentaire qui ait l’air pertinente? Même si elle n’est pas nécessaire?

Avec le financement uniforme EFAS, nous disposons déjà tous d’un nouveau levier qui permettra de faire progresser les soins intégrés. Et les économies réalisées grâce à des soins intégrés de meilleure qualité pourront être répercutées à 100% sur les personnes assurées. Cela renforcera la demande de produits d’assurance et de réseaux de médecins innovants, et stimulera davantage la concurrence en matière de prix et de qualité dans les modèles d’assurance pour les soins intégrés.

 J’en suis convaincu, il faut renoncer à l’idée de nouveaux réseaux de soins coordonnés . Nous savons tous à quel point cela est difficile en politique. Les activités politiques influencent les conditions-cadres. Il s’agit de mettre en place de nouvelles choses et de réglementer les anciennes. Renoncer à une disposition présentée comme une nouvelle mesure de maîtrise des coûts prometteuse ne s’inscrit pas vraiment dans cette logique. Dans ce cas, le mieux est de prendre du recul et de se fier aux généralistes, qui disposent de la plus grande expérience et exercent précisément le métier de coordinateur depuis des décennies, car ils veulent continuer à bien faire leur travail et à le développer. Mieux vaut renoncer à une nouvelle réglementation, dangereuse en l’occurrence, car elle mettrait en péril l’évolution favorable actuelle et aurait donc un effet contraire à celui que nous recherchions. En conclusion, méfions-nous: l’intention est bonne, mais le résultat sera mauvais.

[1] «Soins intégrés» signifie «intégration dans les soins de santé publics». Diverses initiatives de soins intégrés ont été mises en œuvre en Suisse depuis les années 1990 (voir aussi fiche d’information curafutura).

[2] Réseaux coordonnés: lors du traitement et des soins fournis aux personnes atteintes de maladies chroniques ou multiples, il y a un besoin de coordination. C’est la raison pour laquelle le projet «Soins coordonnés» a été lancé avec des réseaux coordonnés à l’occasion de la conférence Santé2020 du 26 janvier 2015.

[3] En alternative à l’assurance obligatoire des soins, le modèle du médecin de famille demande qu’en cas de problème de santé, on s’adresse en premier lieu à son médecin de famille, qui oriente ensuite, le cas échéant, vers un spécialiste. Ce lien étroit avec le médecin de famille peut entraîner une réduction des coûts des primes, puisqu’une première consultation efficace permet d’éviter des rendez-vous non coordonnés et souvent inutiles chez des spécialistes.

[4] Le centre de santé désigne diverses institutions du système de santé.

Parler sans fin de projets importants sans jamais commencer leur mise en œuvre, c’est transformer des choses indispensables en mirage inatteignable. Ou en un colosse, que l’on finit par craindre d’affronter. Et pourtant, si l’on se met à l’ouvrage et qu’on divise le projet en étapes, on se rend compte que la réalisation est à portée de main.

Vous l’aurez compris, je parle bien sûr du tarif médical et de sa nécessaire révision. Cela fait 10 ans qu’on veut remplacer le Tarmed, et pourtant, il est toujours là. Je suis convaincu que si l’ancien conseiller fédéral Alain Berset (en exercice de 2012 à 2023) avait saisi sa chance et approuvé le tarif TARDOC en juin 2022, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Nous aurions non seulement déjà introduit un nouveau tarif médical avec neutralité des coûts et ainsi ouvert la voie à des économies de 600 millions de francs. Et nous aurions en plus aussi les premiers forfaits ambulatoires. Car la pression aurait été forte pour remplacer autant que possible les positions tarifaires individuelles par des forfaits. Mais nous faisons malheureusement du surplace et continuons à devoir simplement nous contenter de dire à quel point un nouveau tarif médical ambulatoire serait nécessaire.

Un anniversaire navrant

Il y a exactement vingt ans, la Suisse lançait le Tarmed. Aujourd’hui, 13 milliards de francs de prestations sont facturées selon cette grille. Tarmed, le tarif obsolète mais éternel? Lui qui, peu de temps après son entrée en vigueur, générait déjà des maux de ventre et des rapports touffus du Contrôle fédéral des finances?

Chacun des conseillers fédéraux en charge de la santé pendant cette période a été mis au défi d’une manière ou d’une autre par ce tarif. C’est maintenant à la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider, et au Conseil fédéral dans son ensemble, qu’il revient de choisir effectivement quel tarif lui succédera. Sur ce point, les débuts de Mme Baume-Schneider sont très différents de ceux de ses prédécesseurs. Elle se trouve dans la situation confortable d’avoir deux demandes d’approbation de tarif sur son bureau: l’une pour le tarif TARDOC et l’autre composée du TARDOC et de forfaits ambulatoires.

Renforcer les soins de base et faire des économies

Mme Baume-Schneider a donc une chance unique de remplacer enfin le Tarmed et de permettre des économies. Car si le TARDOC voit le jour, les soins de base seront revalorisés. Or, les pédiatres, généralistes, et psychiatres contribuent largement à la maîtrise des coûts. Il n’est même pas nécessaire d’avoir du courage pour faire enfin baisser la tension sur ce sujet douloureux, il suffit d’avoir la ferme volonté de faire réellement évoluer les choses dans le bon sens.

Notre système de santé est-il « malade», comme on pouvait le lire récemment dans le journal allemand Die Zeit ? Il est vrai que, où que l’on se tourne, il est question des coûts de la santé, du prix trop élevé des médicaments, des primes en augmentation et de la surconsommation de prestations ou des hôpitaux qui ont du mal à se maintenir dans les chiffres noirs. Comme si cela ne suffisait pas, ou plutôt en raison de de cela, deux initiatives populaires concernant le système de santé, qui ne s’attaquent toutes deux qu’aux symptômes du problème, seront prochainement soumises au vote.

En lieu et place de ces solutions illusoires, nous disposons de deux instruments concrets qui peuvent améliorer notre système de manière durable. Premièrement, le financement uniforme de l’ambulatoire et du stationnaire EFAS, et, deuxièmement, la révision du tarif médical. Le Parlement a reconnu l’effet positif du financement uniforme en adoptant le projet en décembre 2023 à une large majorité. Cette réforme sera encore soumise au peuple en votation cet automne. Nous espérons un oui dans les urnes afin de lancer ce projet essentiel. S’agissant du tarif médical, la conseillère fédérale Baume-Schneider a le choix entre différentes variantes. Elle a sur sa table le tarif à la prestation TARDOC prêt à l’emploi, approuvé par les quatre partenaires tarifaires, à savoir la FMH, curafutura, H+ et santésuisse, et remplissant tous les critères posés par le Conseil fédéral en juin 2022. En outre, Mme Baume-Schneider a une deuxième demande d’approbation sur sa table concernant un système composé de TARDOC et de forfaits ambulatoires. Elle peut donc soit approuver le TARDOC et le faire entrer en vigueur au 1er janvier 2025, soit approuver le TARDOC ainsi que les forfaits ambulatoires, soit tout reporter.

Un report synonyme de retour à la case départ

Si elle renvoie sa décision à plus tard et qu’elle pose de nouvelles conditions, cela signifierait encore un retard supplémentaire pour le TARDOC. Chacun peut se rendre compte que cela conduirait de facto à un retour à la case départ, nous obligeant à composer encore des années avec un Tarmed désespérément obsolète. Nous nous retrouverions probablement dans dix ans là où nous en sommes aujourd’hui. Sans doute avec de nouvelles discussions et de nouvelles hésitations. Car il est par définition complexe d’élaborer un tarif de cette ampleur.

Enfin, ne soyons pas naïfs. Concernant l’approbation du TARDOC, cela fait bien longtemps que les discussions sur l’adéquation du tarif et la neutralité des coûts ne sont que des prétextes, visant à masquer le fait que nous attendons les forfaits. En d’autres termes, il faut dégonfler cette baudruche. Il serait dans l’intérêt de tous que le Conseil fédéral fasse acte d’autorité. Le président de santésuisse, Martin Landolt, l’a d’ailleurs exprimé très clairement: une décision qui nous permette d’aller de l’avant doit maintenant être prise!

Partout en Suisse, les hôpitaux annoncent des chiffres rouges. Les dernières mauvaises nouvelles : une perte de 49 millions de francs à l’hôpital universitaire de Zurich, une perte de 49 millions également pour l’hôpital de Winterthour et une perte de 39 millions à l’hôpital de la ville de Zurich. Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. La situation est tout aussi mauvaise à Fribourg, Berne, Bâle, en Argovie et en Suisse orientale. Et chaque fois, le canton vient en aide à ses hôpitaux en détresse financière. Rien que ces deux dernières années, des sommes colossales ont été mobilisées pour des hôpitaux de tailles diverses.

Pius Zängerle, directeur de curafutura

Voici les sommes dont il est question, sans prétention à l’exhaustivité: cautionnement de 105 millions et prêt de 70 millions dans le canton de Fribourg; 96 millions de correction de valeur pour l’amortissement du nouveau bâtiment de l’hôpital Felix Plattner à Bâle; 240 millions pour l’Hôpital cantonal d’Aarau en difficulté; conversion d’un crédit de 40 millions en fonds propres pour la région hospitalière Rheintal Werdenberg Sarganserland dans le canton de Saint-Gall, 40 millions pour l’hôpital d’Uznach et 100 millions de crédit de construction supplémentaire pour l’hôpital de Grabs; 15 millions de francs de correction de valeur pour le Stadtspital Triemli de Zurich et une nouvelle fois 176 millions de francs d’amortissement; 4 millions de plus pour les urgences de la clinique pédiatrique universitaire et, récemment, nouvelle injection de 135 millions.

Chaque année, plus de 2 milliards de subventions[1]

De plus, un soutien financier annuel massif a été «instauré», comme l’indique une étude réalisée en 2021, dirigée par l’économiste de la santé Stefan Felder, professeur à l’université de Bâle. Ainsi, environ 2,4 milliards de francs par an sont versés exclusivement aux hôpitaux publics et subventionnés, soit plus de 95% de toutes les subventions cantonales. Les récentes interventions et les sauvetages in extremis d’hôpitaux en difficulté financière ne sont pas pris en compte dans ce montant.

Au vu de la situation, entendre les gouvernements cantonaux prétendre que leurs hôpitaux sont autonomes et qu’ils ont pris leur envol relève du comique. Que faut-il faire? Quelles sont les causes de cette situation? Et cette dynamique dans laquelle certains hôpitaux se retrouvent en difficulté financière est-elle uniquement mauvaise? En réalité, non. Car nous avons, avec 278 établissements, trop d’hôpitaux et nous ne pensons pas assez en termes de régions hospitalières.

Malgré les difficultés financières, la volonté de pratiquer une médecine de pointe ne faiblit pas, comme à Saint-Gall. Il n’est pas non plus judicieux pour les hôpitaux d’investir dans de nouveaux bâtiments somptueux, offrant certes une infrastructure ultramoderne, mais principalement axés sur l’occupation des lits et les séjours stationnaires. Pendant ce temps, le recours à l’ambulatoire, plus avantageux et donc souhaité par les experts et les responsables politiques, doit continuer à être promu.

Il serait opportun de renoncer à de nouvelles constructions surdimensionnées. Le canton d’Argovie est l’ exemple à ne pas suivre: ses deux hôpitaux cantonaux, à Aarau et Baden, proposant des prestations complètes sont à 20 minutes l’un de l’autre. Et un hôpital surdimensionné est en train de voir le jour à Aarau, sans doute pour pouvoir prétendre, ici aussi, au statut d’hôpital universitaire. Le soutien illimité des cantons au détriment des contribuables n’est pas non plus souhaitable. En effet, d’un côté ils réprimandent les responsables hospitaliers pour, de l’autre, leur venir en aide financière à chaque occasion. Comment pourraient-ils apprendre de cette situation?

Il est grand temps de réorganiser les mandats de prestations confiés aux hôpitaux par les cantons. Actuellement, les hôpitaux ayant une offre semblable sont beaucoup trop nombreux. Voici les points prioritaires: les hôpitaux universitaires doivent se concentrer sur la médecine (hautement) spécialisée. Ils doivent confier les soins de base (spécialisés) à d’autres ou les fournir ailleurs en optimisant les coûts. Les centres hospitaliers doivent se consacrer aux soins de base élargis, mais cesser de vouloir pratiquer la médecine universitaire. Il leur revient de confier la médecine hautement spécialisée aux hôpitaux universitaires – et de renoncer à vouloir tout faire en tant que centre. Enfin, la médecine ambulatoire, qui nécessite peu d’infrastructures, doit surtout être dispensée dans les services ambulatoires. Quant aux régions hospitalières, généralement composées de plusieurs cantons, leur rôle est de veiller à ce que les offres soient attribuées de manière différenciée horizontalement afin que des prestations avec des infrastructures coûteuses ne soient pas proposées deux fois ou plusieurs fois à 15 minutes de distance.

Ainsi serait révolue l’époque où l’hôpital universitaire s’occupe d’accidents et de maladies bénins et où le centre hospitalier ou l’hôpital régional gère des opérations cardiaques très complexes avec une infrastructure spécialisée aux prix exorbitants. La population soutiendra un tel développement intelligent. Parce que l’offre serait ainsi clairement définie et que le gaspillage des impôts et des primes prendrait fin.

En matière de financement, nous avons fait un grand pas en avant grâce à l’adoption par le Parlement du financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires EFAS en décembre dernier, une réforme qui accélère le transfert vers les traitements ambulatoires moins coûteux. De ce fait, la pression augmentera sur les planificateurs hospitaliers pour investir davantage dans des structures ambulatoires performantes.

La tarification a également une forte incidence sur la détresse financière des hôpitaux. Nous pensons ici à la structure tarifaire ambulatoire, introduite il y a maintenant 20 ans avec le TARMED. Elle est obsolète et ne reflète plus, depuis longtemps, la médecine actuelle.

Actuellement, il appartient à la conseillère fédérale Baume-Schneider et au Conseil fédéral, de décider si le TARDOC, qui est dans les starting-blocks, peut effectivement entrer en vigueur au 1er janvier 2025. Cela soulagerait enfin les hôpitaux pédiatriques, qui sont confrontés à des difficultés financières. En effet, le TARDOC améliorerait clairement leur situation, tout en étant globalement neutre en termes de coûts.

Le TARDOC a ceci de paradoxal que tous les partenaires tarifaires, c’est-à-dire curafutura, la FMH, H+ et santésuisse, l’approuvent, mais que son application dans les plus brefs délais est loin d’être acquise. Des hésitations voire une manœuvre tactique de la part du Département fédéral de l’intérieur (DFI) serait tout à fait incompréhensible, notamment lorsque l’on tient compte du potentiel d’économie de 600 millions de francs.

[1] Les subventions comprennent les prestations d’intérêt général, les financements croisés exagérés résultant de prix de base (baserate) exagérés ainsi que les frais d’investissement dissimulés

Passage de témoin à la tête de l’association des assureurs-maladie curafutura: le Tessinois Marco Romano (41 ans) est nommé directeur adjoint et responsable de la politique de santé. Marco Romano, diplômé en sciences politiques et sociales, a été membre du Conseil national de 2011 à 2023, où il a notamment présidé la Commission des institutions politiques. Marco Romano succèdera à Sandra Laubscher, qui deviendra au 1er juin 2024 la nouvelle directrice de l’association Médecine Universitaire Suisse.

Marco Romano est nommé directeur adjoint et responsable de la politique de santé

L’association faîtière des assureurs-maladie curafutura a nommé son nouveau directeur adjoint et responsable de la politique de santé en la personne de Marco Romano. Dans cette fonction, il sera également membre de la direction de curafutura.

Marco Romano a été membre du Conseil national pour le canton du Tessin de 2011 à 2023. Il a présidé la Commission des institutions politiques de 2022 à 2023 et a également siégé à la Commission des transports et des télécommunications ainsi qu’à celle de la sécurité.

Marco Romano a de l’expérience dans les exécutifs et a travaillé, en plus de ses mandats politiques, dans l’économie privée au Tessin ainsi qu’en Suisse alémanique et romande. De 2016 à 2020, il a siégé au conseil municipal de Mendrisio pour le Centre. Marco Romano a étudié les sciences politiques et les sciences sociales à l’Université de Berne. «Je suis très heureux d’assumer cette fonction chez curafutura pour faire avancer notre système de santé avec une équipe engagée, surmonter les obstacles et trouver en coopération avec d’autres acteurs les meilleures solutions possibles pour les payeurs de primes. Notre système de santé est confronté à de grands défis : je souhaite m’engager pour un développement qui concrétise les valeurs de curafutura», explique-t-il. Marco Romano occupe actuellement le poste de directeur de la fondation IPT Tessin.

Il succède à Sandra Laubscher, qui prendra la direction de l’association Médecine Universitaire Suisse (unimedsuisse) le 1er juin 2024. Au nom de curafutura et de ses membres, Pius Zängerle remercie Sandra Laubscher pour sa persévérance et son travail ciblé et efficace dans un environnement exigeant, et lui souhaite bonne chance et beaucoup de succès dans son nouveau défi professionnel.

Ce que des entreprises comme UBS ou Crédit Suisse sont – ou ont pendant longtemps été – dans le secteur financier, sont aujourd’hui dans l’industrie pharmaceutique des firmes tels que Novartis, Roche, Johnson & Johnson ou MSD. Mais, alors que la place bancaire a perdu de son rayonnement, l’influence de la pharma en Suisse reste élevée. Les quelque 1’000 entreprises et leurs 75’000 collaborateurs génèrent la moitié du volume des exportations suisses. Leur influence sur le Conseil fédéral et les autorités est à l’avenant.

Pius Zängerle, directeur de curafutura

Cette influence a des répercussions directes pour les payeurs de primes. Les entreprises pharmaceutiques bénéficient de leur place particulière dans le commerce extérieur lorsqu’il s’agit de négocier le prix des médicaments remboursés par l’assurance-maladie. Un nouveau traitement en oncologie coûtait 1’000 francs il y a dix ans, il en coûte aujourd’hui 10’000 francs, soit une augmentation de 900% !

La bonne nouvelle : en Suisse, les patients peuvent accéder rapidement à de nombreuses nouvelles thérapies qui arrivent sur le marché. La mauvaise: le prix des nouveaux médicaments est trop élevé, et ce alors que les dépenses de médicaments représentent déjà près d’un quart des coûts de l’assurance de base.

Le débat parlementaire actuel sur le deuxième volet de mesures « pour maîtriser les coûts » porte précisément sur ce sujet. Et les revendications de l’industrie pharmaceutique devraient inquiéter tous les payeurs de primes. Elle veut court-circuiter les négociations habituelles portant sur le prix d’un médicament entre l’OFSP et le producteur. Son idée: repousser ces négociations à plus tard, voire aux calendes grecques, et donner à tous les nouveaux médicaments un prix « provisoire » dès leur autorisation par Swissmedic.

Le premier problème est que ce prix « provisoire » serait trop élevé, car basé uniquement sur une comparaison avec les prix officiels pratiqués à l’étranger. Or, ceux-ci sont des prix « vitrines » surfaits, car ils ne tiennent pas compte des rabais qu’obtient chaque pays auprès des producteurs dans des négociations à huis clos.

Théoriquement, la négociation sur le prix final viendrait remédier à cette situation, car OFSP et producteur s’entendraient sur un prix adéquat et sur des remboursements de la part du producteur si le prix provisoire était trop haut (ce qu’il sera). Mais, le risque est grand que cette belle mécanique reste lettre morte.

En effet, et c’est le deuxième problème, le prix « provisoire » n’en est pas un et peut de facto s’éterniser. La période de base prévue pour l’application du prix provisoire est déjà très longue, avec 24 mois. De plus, le producteur est le seul acteur habilité à combattre une décision de l’OFSP sur le prix d’un médicament. Une telle bataille juridique repousserait de plusieurs années la décision sur un prix définitif ou la bloquerait complètement. Pendant ce temps, c’est le prix « provisoire » trop élevé qui continuerait de s’appliquer, faisant allègrement gonfler les coûts de l’assurance de base.

Le Parlement semble aujourd’hui disposé à suivre l’argumentation de la branche pharmaceutique. Je souhaite ici y apporter un contrepoids, afin de défendre les payeurs de primes. En effet, si l’intérêt du patient d’accéder le plus rapidement possible à des médicaments qui arrivent sur le marché est compréhensible, il faut rappeler que cela est déjà possible aujourd’hui. C’est notamment ce que permet l’utilisation off-label, à laquelle recourent de plus en plus de patients. L’accès aux traitements très récents est donc bon et il n’est pas correct de le dépeindre comme le parent pauvre du système.

En revanche, l’évolution pour les payeurs de primes est, elle, effectivement tendue. Il est donc d’autant plus important que le Parlement prenne en compte leur point de vue dans la pesée d’intérêts qu’il fera à propos des règles pour fixer le prix des médicaments. Nous pensons pour notre part qu’il ne peut pas être question d’imposer aux assurés de nouvelles hausses de primes massives pour la simple raison que certains politiques souhaitent suivre aveuglément l’industrie pharmaceutique.  

Le vote favorable du Parlement au financement uniforme de l’ambulatoire et du stationnaire EFAS a clôturé une année globalement fructueuse du point de vue de la politique de la santé. Ce 22 décembre 2023, le Parlement, les acteurs de la santé et le Conseil fédéral, tous étaient conscients qu’il fallait saisir l’occasion et se sont engagés pour un oui en faveur de la plus grande réforme depuis l’entrée en vigueur de la LAMal en 1996. Nous pouvons profiter de l’énergie ainsi libérée en 2024. La conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider, nouvelle responsable de la santé, peut elle aussi mettre cette dynamique à profit pour continuer d’améliorer notre système de santé. Les deux demandes d’approbation concernant la révision du tarif médical ambulatoire se trouvent actuellement sur son bureau. L’objectif est de réviser le TARMED au 1er janvier 2025. Pour y parvenir, elle devra se décider pour l’une ou pour l’autre demande d’approbation dans les semaines qui viennent.

Pius Zängerle, directeur de curafutura

En ce début d’année, une atmosphère de renouveau est perceptible dans la politique de la santé à Berne. Le 22 décembre 2023, le Parlement a approuvé le financement uniforme (EFAS) à une large majorité. Les longues années de débats appartiennent désormais au passé et une énergie positive longuement espérée s’est installée.

La nouvelle ministre de la santé Elisabeth Baume-Schneider peut en profiter. J’espère qu’elle le fera! Car cela donne l’élan nécessaire pour persévérer. Et c’est ainsi, étape après étape, que peut réussir la modernisation du système de santé. 

En ligne de mire: le tarif médical

Je pense ici tout spécialement au tarif médical ambulatoire. À l’instar d’EFAS, le tarif médical TARMED, entré en vigueur en 2004, et les tentatives faites pour le réviser ont une histoire longue et sinueuse. Pendant longtemps, les partenaires tarifaires n’ont pas été d’accord sur la nouvelle structure à mettre en place. L’année 2020 a constitué une percée! Le nouveau tarif TARDOC a dès lors réuni une majorité des assureurs, avec les membres de curafutura – CSS, Helsana, Sanitas, KPT – ainsi que SWICA. Un autre progrès décisif a eu lieu en 2022, avec la création de la nouvelle organisation tarifaire nationale pour l’ambulatoire, l’Organisation tarifs médicaux ambulatoires (OTMA), qui réunit tous les partenaires tarifaires à la même table: curafutura, FMH, santésuisse, H+ et la CTM.

À la fin de l’année dernière, le TARDOC a été approuvé par tous les partenaires tarifaires de l’OTMA. Et sa dernière version satisfait aux exigences énoncées en juin 2022 par le Conseil fédéral. En d’autres termes, le TARDOC est prêt. Si l’on veut profiter des efforts faits par les acteurs de la santé, c’est le moment. Et il s’agit du seul moyen d’atteindre l’objectif de réviser le TARMED au 1er janvier 2025.

La décision du Conseil fédéral très attendue

Deux demandes d’approbation pour la révision du TARMED sont actuellement sur le bureau de la conseillère fédérale Baume-Schneider. Nous nous attendons à ce que l’une d’entre elles reçoive le feu vert au premier semestre 2024.

La décision est éminemment politique. Le Conseil fédéral reconnaît-il qu’il est actuellement extrêmement problématique de manœuvrer un paquebot aussi imposant que le domaine médical ambulatoire avec un tarif complètement obsolète? Et qui, ne serait-ce que pour cette raison, doit absolument être révisé? Sans parler du fait que le volume continuera d’augmenter. La conseillère fédérale et son département reconnaissent-ils que le moment est venu? Il faut l’espérer, car sinon, l’énergie positive générée par la création de l’OTMA et intensifiée par l’approbation d’EFAS risque de se dissiper à nouveau.

Prix des médicaments

Les débats au Parlement dans le cadre du deuxième volet de mesures pour maîtriser les coûts, en particulier les discussions sur les médicaments, montrent à quel point le système de santé suisse est devenu complexe. Au vu du climat actuel, je pense que les nouvelles règles de fixation des prix des médicaments risquent d’engendrer des surcoûts et non pas des éconnomies. De nombreux médicaments très onéreux arrivent actuellement sur le marché. Alors qu’un nouveau traitement en oncologie coûtait encore 1000 francs il y a dix ans selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), son coût oscille aujourd’hui entre 8000 et 10’000 francs.

Malgré cela, le Parlement semble aujourd’hui être prêt à répondre positivement aux demandes de l’industrie pharmaceutique; cela aurait de lourdes conséquences pour les payeurs de primes. Selon ce projet, un prix provisoire défini par l’industrie pharmaceutique s’appliquerait une fois un médicament autorisé par Swissmedic. Par la suite, si l’OFSP souhaite revoir le prix vers le bas, le producteur du médicament aurait un droit de veto, ce qui prolongerait la négociation sur les prix. Et le prix provisoire trop élevé pourrait être maintenu extrêmement longtemps. On peut donc se demander dans quelle mesure le deuxième volet de mesures aura réellement pour effet de freiner la hausse des coûts. 

En conclusion, l’année 2024 a commencé de manière passionnante. Nous attendons avec impatience la suite des événements. Je reste optimiste. En fin de compte, en Suisse, dans notre solide démocratie, ce sont souvent de bonnes solutions, fondées sur le sens de la mesure et la raison, qui l’ont emporté. Restons vigilants et confiants, et prenons l’énergie de l’année dernière dans la politique de santé et profitons-en pour mettre en place intelligemment des solutions qui sont prêtes depuis longtemps.

Au cours de ces 14 dernières années, des milliers d’articles ont été écrit au sujet du financement uniforme de l’ambulatoire et du stationnaire (EFAS). Ce vendredi 22 décembre 2023, nous saurons si ce long débat sur la réforme la plus ambitieuse depuis l’entrée en vigueur de LAMal en 1996 aura servi à quelque chose, et si le financement uniforme EFAS est adopté en Suisse. Les parlementaires ont passé des centaines d’heures sur le projet et réussi à trouver des compromis et aplanir toutes leurs divergences. Ne reste plus que la votation finale. 

Pius Zängerle, directeur curafutura

Le temps des débats est désormais révolu. Vendredi, lors du vote final, ce sera l’heure de vérité, avec cette question en trame de fond: la politique suisse veut-elle un système de santé d’avenir, qui soit solidaire et supportable financièrement ? Un système doté d’un financement uniforme qui ferait progresser les traitements ambulatoires, modernes et moins coûteux. (Le taux de transfert vers l’ambulatoire est actuellement de 23% en Suisse, tandis qu’il dépasse la barre des 80% aux États-Unis.) Les responsables politiques suisses veulent-ils promouvoir les soins coordonnés et soulager les payeurs de primes en faisant participer également les cantons au financement de l’ambulatoire. En d’autres termes, la politique suisse reconnaît-elle la dynamique et l’effet de levier qu’apportera cette réforme importante de notre système de santé ?

En analysant les débats de la semaine dernière, on constate qu’il y a une volonté débloquer les réformes du système de santé. On souhaite aller de l’avant dans le système de santé. Parce qu’on sait qu’il le faut.

Lorenz Hess : « Ce n’est pas le moment de lancer des menaces »

J’ai ainsi trouvé l’intervention du conseiller national du centre Lorenz Hess très juste: « Ce n’est pas le moment de couler le projet, ce n’est pas le moment de menacer de référendum, et ce n’est pas le moment de parler de lignes rouges ». Si l’on est sérieux, on doit apporter le point final à cette réforme qui est en discussion depuis longtemps.

curafutura et ses membres souhaitaient que les factures du domaine stationnaire aussi soient exclusivement contrôlées par les assureurs à l’avenir, et que les soins de longue durée ne soient intégrés au financement uniforme EFAS que sous certaines conditions. Cependant, avec une aussi grande réforme, qui donne une nouvelle responsabilité financière aux cantons pour le domaine ambulatoire, il est indispensable de prendre au sérieux leurs préoccupations. Des concessions ont donc dues être faites. Les cantons continueront ainsi d’avoir un droit de regard sur les factures stationnaires. Il ne s’agit certes pas d’une amélioration du système, mais pas non plus d’une détérioration. Je sais que les conseillers nationaux et conseillers aux États ont conscience de la portée de leur vote et j’espère qu’ils mettront sous le sapin des payeurs de primes le plus beau cadeau de Noël depuis des années, cadeau qui bénéficie en outre du soutien de 22 acteurs du système de santé, à savoir un «oui» à EFAS.

Deux évolutions positives pour le système de santé

Ainsi s’achève une année riche en événements dans le domaine de la politique de la santé. En automne, le président sortant Alain Berset a annoncé une forte augmentation des primes pour 2024. Cette annonce a entraîné de nombreux appels à réformer le système. Deux succès importants ont été remportés depuis lors. D’une part, le Conseil fédéral a adopté en décembre la révision des marges de distribution des médicaments et a ainsi donné un signal clair: à l’avenir, les génériques auront la priorité par rapport aux médicaux originaux. Cela permettra des économies immédiates de 60 millions de francs et plusieurs centaines de millions de francs à long terme. curafutura, FMH/APA, pharmaSuisse et H+ ont travaillé d’arrache-pied jusqu’à ce qu’un compromis soit trouvé. En juillet 2024, cette révision deviendra réalité et aura un impact positif sur les coûts des médicaments.

D’autre part, les quatre partenaires tarifaires curafutura, FMH, H+ et santésuisse ont approuvé le tarif médical ambulatoire TARDOC. La demande d’approbation du TARDOC et celle relative aux forfaits ambulatoires ont maintenant été déposées sur le bureau de la nouvelle cheffe du Département fédéral de l’intérieur Elisabeth Baume-Schneider. Dès janvier, il lui appartiendra d’examiner ces tarifs importants qui représentent un volume de 13 milliards de francs, de les évaluer durant le premier semestre, puis de les soumettre pour décision au Conseil fédéral. L’objectif est de mettre en place un nouveau tarif médical au 1er janvier 2025, comme tous les partenaires tarifaires l’ont prévu ensemble.

La conseillère fédérale Baume-Schneider devra faire un démarrage rapide au DFI, au vu des nombreux dossiers en cours. Nous espérons que, dans le sens de la continuité, elle poursuivra ce qui a déjà été mis sur les rails, mais qui n’a pas encore pu aboutir. Nous espérons aussi qu’elle définira clairement les conditions-cadres devant être remplies pour atteindre les objectifs, sans les modifier et les adapter en cours de route. Nous comptons sur des échanges réguliers avec les principaux acteurs dans le but d’impliquer des interlocuteurs constructifs pour parvenir avec eux, les responsables politiques et le DFI/l’OFSP, aux meilleures solutions possibles, au bénéfice de l’ensemble de la population.

curafutura continuera de s’engager activement et de faire ce qu’elle sait faire le mieux: œuvrer de façon ciblée et constructive à l’amélioration et au développement de notre système de santé pour l’avenir. Nous nous engagerons sans relâche pour que le système de santé suisse reste aussi bon qu’il l’est actuellement, pour qu’il soit amélioré en permanence et afin que les primes restes supportables.

Nous vous souhaitons un joyeux Noël et une bonne année. Prenez soin de vous! C’est le plus important.

Début octobre, le magazine du Tages Anzeiger a publié un reportage visant à découvrir ce qui préoccupait les Suisses avant les élections. Les journalistes ont pour cela entrepris une tournée des cafés. Conclusion: les Suisses vont bien. La politique de la santé n’est quasiment pas abordée, alors qu’il s’agit du thème numéro 1 de la campagne électorale. Comment est-ce possible?

Pius Zängerle, directeur de curafutura

D’un côté, une augmentation significative des primes de 8,7 % est annoncée pour 2024; elle pèse sur chaque assuré, représente une évolution désagréable et monopolise l’attention des médias. D’un autre côté, les Suisses s’intéressent beaucoup moins à la politique de la santé que ne le laisse supposer la couverture médiatique. Dans un article paru mi-octobre dans le Bulletin des médecins suisses BMS, Yvonne Gilli, présidente de la FMH, a qualifié de toxique le fait que la hausse des primes intervienne juste avant les élections fédérales. De nombreuses prises de position ne sont mues, selon elle, que par l’idéologie, ou la recherche de coupables, et n’apportent pas de solutions adéquates.

Que reste-t-il après les élections?

Dans ce contexte, une question me préoccupe avant tout: que restera-t-il de toutes ces idées après les élections? Car quitte à faire du bruit, attirons au moins l’attention à juste titre. Le but: trouver une démarche qui renforce le système de santé, bon en soi, en améliorant la qualité ET en réduisant les coûts. Cette combinaison est, par nature, exigeante. Souvent, la maîtrise des coûts s’accompagne d’une bureaucratie inutile. Et il n’est pas rare qu’une amélioration du système entraîne des dépenses supplémentaires.

Les bonnes réformes apportent les deux. VOILÀ ce qui doit être notre indicateur. À cet égard, je m’interroge beaucoup sur les propositions actuelles. L’initiative des 10% peut apporter un soulagement sur le plan de la politique sociale, mais elle n’améliore pas le système de santé en soi et ne permet pas de maîtriser les coûts. La proposition de primes d’assurance en fonction du revenu est elle aussi synonyme de complexité et de bureaucratie. L’initiative pour un frein aux coûts n’améliore rien et ne conduit pas non plus à une optimisation. Le contre-projet indirect à lui seul devrait engendrer encore plus de blocages. Le nouveau débat sur la caisse unique n’apporte pas non plus de nouveaux enseignements; malgré les critiques envers les assureurs-maladie, ceux-ci affichent en réalité des frais administratifs bas par rapport à d’autres assurances sociale. Une caisse unique entraînerait davantage de bureaucratie sans pour autant modifier le problème fondamental de l’augmentation des primes, qui est liée aux dépenses de prestations.

Il existe actuellement trois réformes qui apportent une réelle maîtrise des coûts et une amélioration du système: il s’agit de l’introduction du tarif médical ambulatoire TARDOC avec des forfaits (pour autant que ces tarifs soient approuvés). Du financement uniforme EFAS. Et de la révision des marges pour que le pharmacien ne gagne pas plus à vendre un médicament original plutôt qu’un générique. Les trois réformes éliminent d’importantes mauvaises incitations et améliorent ainsi le système. Toutes trois permettent de maîtriser les coûts. Le TARDOC en raison de la neutralité des coûts durant trois ans (600 millions). EFAS, car nous aurons davantage recours aux prestations ambulatoires à moindres coûts et donnons un coup de pouce aux soins coordonnés, ce qui évite les doublons (1 à 3 milliards selon les études). La révision des marges du fait qu’elle permet de favoriser les génériques (60 millions d’économies immédiates auxquelles s’ajoutent plusieurs centaines de millions de francs en raison de l’utilisation plus large des génériques).

Les trois réformes ont des points communs: elles existent depuis plus de 10 ans. Elles sont nécessaires et prêtes, mais ne sont pas extravagantes. Il en est tout autre des propositions actuelles des partis. Ici, les émotions sont fortes. L’accent y est mis sur l’auteur de l’idée. Une démarche optimale en termes électoraux.

A.Tegnell: «Je suis profondément sceptique vis-à-vis des solutions simples»

Anders Tegnell, ancien épidémiologiste des autorités suédoises, a déclaré un jour quelque chose qui m’a interpellé: «Je suis profondément sceptique vis-à-vis des solutions simples.» Parce qu’elles révèlent souvent de nombreuses erreurs lors de leur mise en œuvre. Je suis d’accord avec M. Tegnell. J’aime la simplicité du fait qu’elle se comprend rapidement. Mais les débats sur EFAS, TARDOC et la révision des marges montrent justement que les défis ne deviennent clairs que lorsqu’on aborde le sujet en détail. Et à quel point il est difficile de trouver une solution coopérative dans un système comme la Suisse, où de nombreux intervenants veulent tous être entendus et ont leur mot à dire.

Au final, c’est le compromis qui l’emporte et tous doivent faire des concessions en faveur de la nouveauté. curafutura a réussi une percée dans la révision des marges avec pharmaSuisse, la FMH et H+, avec 22 associations renommées pour EFAS, ainsi qu’avec la FMH, la CTM et SWICA pour le TARDOC – et, depuis peu, avec Santésuisse et H+ dans le cadre d’une collaboration au sein d’un bureau national de tarification. La longue période de maturation des projets montre qu’il n’y a pas de solutions rapides obtenues sur simple pression d’un bouton. Et surtout pas en Suisse, où l’on soupèse tous les avantages et les inconvénients jusqu’à ce qu’une solution «intelligente» soit trouvée. Par le passé, peser le pour et le contre en a valu la peine. Et aujourd’hui? Je reste convaincu que notre système fédéral présente de nombreux avantages, même si le monde va de plus en plus vite. Mais à un moment ou à un autre, dans chaque débat, il faut franchir le pas. Je pense que ce moment est venu pour les trois réformes. Sinon, ce sera la chute.

Malgré toutes les prévisions alarmantes et les reportages négatifs, la Suisse possède toujours l’un des meilleurs systèmes de santé au monde. Cela a un prix. Si nous bricolons et courons dans toutes les directions, nous risquons de perdre plus que nous ne le souhaitons. Sous la direction du nouveau Conseil fédéral, le nouveau Parlement doit reprendre des projets tels qu’EFAS. Et un nouveau Conseil fédéral devra bientôt se prononcer sur le tarif médical ambulatoire. Aller de l’avant sur ces réformes-ci permettra de faire de la place dans l’agenda politique à des nouveautés, qui seront prêtes à entrer en vigueur en 2030, 2040 ou seulement en 2050 (!). Quelle bonne surprise s’il en allait autrement.

En avril 2013, les quatre assureurs CSS, Helsana, Sanitas et KPT ont décidé de poursuivre leur propre chemin. Ils ont alors créé curafutura. Dix années déjà ont passé. L’heure est aux célébrations chez curafutura, à l’heure où Josef Dittli remet la présidence à Konrad Graber.
Pius Zängerle, directeur

Le nouveau président Konrad Graber est une personnalité bien connue. De 2007 à 2019, il a été conseiller aux États du canton de Lucerne et a notamment présidé la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique. Jusqu’en avril 2023, il a aussi présidé le conseil d’administration d’Emmi et a siégé par le passé au conseil d’administration de CSS.

En considérant le chemin parcouru, et en repensant à nos débuts, nous nous souvenons évidemment aussi du premier président de curafutura, l’actuel conseiller fédéral Ignazio Cassis. En 2014, il déclarait à la presse, à propos de la fondation de curafutura: «Avec plus de 40% des assurés, nous avons une taille suffisante pour influencer le système de santé. (…).» Les fournisseurs de prestations ont aussi apprécié l’apparition de curafutura, puisqu’ils ont pu négocier avec un partenaire parlant clairement et ne repoussant pas d’emblée les propositions. L’espoir était permis, car les objectifs étaient identiques à ceux de nombreux fournisseurs de prestations.

Aujourd’hui, dix ans plus tard, nous pouvons en effet considérer avec fierté notre place dans le système de santé et ce que nous avons accompli. Après dix années de dur labeur, les réformes que nous visions sont à bout touchant. 

Un solide réseau

Ces dernières années, nous avons également tissé un solide réseau à l’échelon national. Aujourd’hui, nous sommes un partenaire apprécié sur le plan politique et un acteur incontournable en politique de la santé, dans tous les organes nationaux en matière de tarifs et de données. Actuellement, d’autres associations louent notre collaboration constructive. Cela me réjouit.

Au cours de mes huit années d’activité pour curafutura, il m’a souvent été demandé pourquoi deux faîtières étaient nécessaires. Voici certains des éléments qui me semblent répondre à cette question. Premièrement: car les assureurs n’ont pas tous le même ADN, ce qui offre le choix. Deuxièmement: car deux faîtières favorisent la concurrence et, dans le meilleur des cas, se complètent sur le plan stratégique. Cela nous amène au troisième point, à savoir à la réussite des réformes si celles-ci sont approuvées, car il est nécessaire d’enfin en finir avec les blocages pour pouvoir progresser.

Où en serions-nous aujourd’hui sans curafutura?

La réponse que je donne toutefois le plus volontiers à mes interlocuteurs est formulée sous forme de question: où en serions-nous aujourd’hui sans curafutura? Où en seraient le nouveau tarif médical, le financement uniforme et la révision des marges? Où en serait-on en ce qui concerne les psychothérapies psychologiques, un domaine où nous avons développé en un rien de temps une structure tarifaire qui est désormais appliquée? Y aurait-il une plateforme avec des notations d’études pour les art. 71a – 71d OAMal en matière d’usage hors étiquette pour l’évaluation au cas par cas de médicaments ne figurant pas sur la liste des médicaments à charge de l’assurance de base?

Le plus souvent, on répond à ma question par un haussement d’épaules. Ou un silence, parce qu’il semble difficile de donner une réponse.

Notre nouveau président Konrad Graber, un politicien très expérimenté et dont la réputation de bâtisseur de pont n’est plus à faire, a déclaré aux médias, quant à son objectif à la tête de curafutura, vouloir continuer à renforcer la position de curafutura comme acteur essentiel. Il va s’engager pour l’amélioration de l’efficacité du système de santé et pour la garantie d’un rapport équilibré entre des prestations de haute qualité et une évolution adéquate des coûts.

Il n’y pas grand-chose à ajouter à cela, chères lectrices, chers lecteurs. Après dix ans de travail acharné, il est l’heure pour moi de vous remercier vivement de votre confiance à l’égard de curafutura. Et de trinquer à une collaboration toujours orientée vers l’avenir et privilégiant la coopération et la transparence pour un système de santé moderne.

Konrad Graber, nouveau président
Afficher des positions extrêmes permet d’attirer l’attention médiatique et de pousser un agenda. La réalité se situe cependant souvent plutôt dans les nuances de gris que dans des déclarations à l’emporte-pièce. Ce fut le cas l’année dernière au cours du débat sur les coûts et c’est aussi le cas dans les discussions actuelles concernant les problèmes d’approvisionnement en soins.
Pius Zängerle, directeur curafutura

On se souvient ainsi que les acteurs les plus pessimistes annonçaient l’année passée des augmentations de primes pour 2023 supérieures à 10%. Elles ont finalement été de 6,6%. Cette année, le débat prend la direction opposée. Les coûts ne sont plus prioritaires: l’accent est mis sur l’approvisionnement en soins avec un alarmisme généralisé. Dans les deux cas, hélas, les peurs de la population sont attisées.

En ce qui concerne l’évolution des coûts, nous savons désormais qu’en 2022, nous nous sommes stabilisés au niveau d’avant le coronavirus à partir du second semestre. La demande en prestations n’a pas diminué, voire a augmenté dans certains domaines. Pourtant, l’expression «explosion des coûts» est déplacée. L’année dernière, nous avons enregistré une augmentation des coûts par personne de 2,6% dans l’AOS, soit le niveau moyen observé ces 10 dernières années (+2,8%). Et par rapport à l’estimation du groupe d’experts du DFI, qui parle d’une augmentation maximale de 2,7% des coûts dans l’AOS par an avant que des mesures de maîtrise des coûts ne soient prises, nous nous trouvons dans la fourchette visée.

Pénurie ou problèmes de livraison?

La vigilance est également de mise en ce qui concerne la notion de «pénurie» dans l’approvisionnement en soins. Il s’agit parfois plutôt de problèmes de livraison. Ce ne sont pas les mêmes mesures qui doivent être prises selon les cas de figure. Et pour la plupart d’entre elles, il n’est pas nécessaire de réinventer la roue. En effet, la question a surgi à intervalles réguliers ces dernières années sur l’échiquier politique et chaque fois, le catalogue de mesures a été réévalué pour s’assurer qu’il était adéquat.

Il me semble essentiel que chacun assume ses responsabilités. C’est ainsi que l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays (OFAE) exerce la haute surveillance sur le stock de médicaments obligatoire. Il tient également à jour une liste des médicaments destinés à l’être humain autorisés et disponibles. Les fournisseurs de prestations peuvent y recourir. Le médecin, quant à lui, remet une ordonnance à ses patients. Le pharmacien conseille ces derniers, notamment sur la question de la remise d’un générique ou d’un biosimilaire. En d’autres termes, les médicaments en réserve sont suffisants. Mais tirons-nous pleinement parti des possibilités existantes et faisons-nous preuve de souplesse dans nos actions?

Je suis sceptique lorsque j’entend que le manque de certains médicaments serait expliqué par des prix trop bas et des mesures d’économies. La Suisse est en tête de tous les pays européens en termes d’approvisionnement en médicaments, mais aussi en termes de prix. Les médicaments originaux y sont nettement plus chers et les prix des médicaments génériques y sont même deux fois plus onéreux qu’à l’étranger. Le prix n’est donc pas la raison principale.

Les positions extrêmes génèrent de l’attention

Comment comprendre la situation? À l’heure actuelle, ce sont les voix les plus fortes et les plus polémiques qui attirent l’attention. Les voix nuancées sont quant à elles peu entendues. Pourtant, la Suisse s’est souvent démarquée par le passé en prenant des décisions réfléchies, ce qui lui a plutôt bien réussi. On voit où l’inverse peut mener avec l’exemple de la réglementation sur l’admission des médecins étrangers, que le Parlement vient de modifier à nouveau. Le fait qu’il revienne ainsi sur sa propre décision après seulement quelques mois doit nous interpeller et ne pas devenir une habitude. La politique y perdrait sa crédibilité.

Il me semble donc beaucoup plus important que les réformes prévues et planifiées de longue date concernant les tarifs médicaux ambulatoires, le financement uniforme EFAS et la révision des marges des médicaments franchissent enfin la ligne d’arrivée. Cela peut ma foi paraître peu exaltant pour ceux qui sont déjà familiers avec ces réformes et nous ont souvent entendu les mettre en avant; mais leur impact sur le système de santé sera bien réel et cela mérite une certaine insistance et quelques répétitions.