Voici à quoi ressemblera la nouvelle tour que l’hôpital universitaire de Bâle compte construire. Source image: USB

L’Hôpital universitaire de Bâle construit une nouvelle tour. D’autres hôpitaux investissent aussi dans leur infrastructure. La tendance est pourtant à une baisse des traitements stationnaires et tout le monde ne jure que par l’ambulatoire. Comment expliquer cette apparente contradiction? Quelles conséquences ont les listes hospitalières? Et que penser du droit de recours des associations d’assureurs-maladie, qui vient d’être approuvé au Parlement, contre les décisions cantonales en matière de planification hospitalière?

Le Parlement a adopté, fin février, une disposition qui pourrait faire date. Les associations d’assureurs devraient obtenir un droit de recours par rapport à la planification hospitalière des cantons. Si les deux Chambres approuvent le premier volet de mesures pour freiner la hausse des coûts en votation finale, cette décision donnera un signal fort.

En Suisse, près d’un million de personnes doivent être hospitalisées chaque année. Pour elles, seul le meilleur traitement compte. Le choix de l’hôpital dépend parfois de la complexité de l’intervention, de la prestation d’assurance, de la proximité du domicile et de la liste des hôpitaux du canton concerné.

Le choix est vaste. La Suisse affiche l’une des plus fortes densités hospitalières au monde. Un canton compte souvent plusieurs hôpitaux, ce qui est automatiquement synonyme de concurrence. Pour subsister sur le marché, il faut du personnel bien formé, une organisation hospitalière dynamique, une infrastructure moderne et un marketing performant. De nombreux bâtiments, construits dans les années 1970-1980, présentent des signes de fatigue. Et la population suisse a de fortes attentes en matière de qualité.

Besoin d’investissement de 20 milliards de francs

Rien d’étonnant donc à ce que de nombreux hôpitaux se soient modernisés ces dernières années. Et cette tendance ne va pas s’inverser de sitôt. Selon une étude récente de la Banque cantonale de Zurich (ZKB), le besoin d’investissement actuel est estimé à 20 milliards de francs. Les mesures d’amélioration en matière de rentabilité et de cash-flow sont la préoccupation majeure, écrit la ZKB; le baserate de Swiss DRG augmente en plus la pression sur les coûts et la concurrence. Et pour mettre des barrières à l’entrée sur marché, les positions respectives sont renforcées par une course aux équipements.

Compte tenu de ces éléments, il n’est pas étonnant que l’Hôpital universitaire de Bâle prévoie la construction d’un nouveau bâtiment. La tour de 68 mètres de haut, dessinée par les architectes Herzog & de Meuron doit servir d’interface pour la rénovation complète de la clinique. Le nouveau bâtiment fait couler beaucoup d’encre – en raison de sa hauteur et de la stratégie qui préside à sa construction. S’agit-il d’un besoin d’investissement ou d’une augmentation du volume? L’Hôpital universitaire de Bâle a d’ores et déjà une longueur d’avance. Dans le classement des hôpitaux du magazine américain Newsweek, l’Hôpital universitaire de Bâle est passé il y a quelques semaines de la 35e place en 2021 à la 14e place (le CHUV figure à la 11e place et l’Hôpital universitaire de Zurich, à la 15e). Cette 14e place en comparaison mondiale est bonne pour la réputation de la Suisse, pour Bâle, pour notre système de santé et pour les patients qui se savent entre de bonnes mains.

Mais la fuite en avant dans le secteur hospitalier soulève aussi des questions. Est-ce bien judicieux à l’heure actuelle, dans la mesure où l’ambulatoire est de plus en plus prépondérant? C’est que, pour les hôpitaux, le transfert vers l’ambulatoire est à double tranchant. Il est certes voulu politiquement et avantageux pour les patients, mais il apporte aussi nettement moins de rentrées financières. Et cette évolution devrait encore s’accélérer, avec l’introduction du financement uniforme de l’ambulatoire et du stationnaire EFAS.

L’avis d’un expert: une planification générale des investissements fait défaut

L’expert immobilier Christian Elsener, qui a déjà rédigé une étude à ce sujet pour la société de conseil PwC, connaît parfaitement les rouages de l’activité immobilière dans le secteur hospitalier. «Une offre excédentaire reste le plus grand risque, de même que des coûts trop élevés par unité de production», explique-t-il avant d’ajouter qu’il a toujours mis en garde contre le fait que les hôpitaux construisent une capacité de lits trop importante alors que le passage à l’ambulatoire se fait en toile de fond. Toutefois, selon Christian Elsener, la plupart des hôpitaux font preuve d’une prudence nettement plus grande qu’en 2015 en matière d’investissements et accordent beaucoup d’importance à la viabilité de leurs investissements.

La compétence en matière de planification hospitalière incombe aux cantons. La loi sur l’assurance-maladie (LAMal) précise que, dans le cadre de cette planification, les cantons contrôlent l’admission des hôpitaux à l’AOS au moyen de listes hospitalières et tiennent compte des critères de planification selon l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal, articles 58a à 58e). Il est clair qu’ils entendent tirer parti de leurs avantages en termes d’implantation. L’enjeu est de taille: un hôpital attractif est un atout majeur pour chaque canton. Les cantons en viennent même parfois à subventionner leurs hôpitaux – de manière plus ou moins dissimulée.

Soutien vigoureux des cantons

En 2019, les cantons ont ainsi versé un total de 2583 millions de francs aux hôpitaux, soit 365 millions de francs de plus qu’en 2013. L’addition est également payée par les assurés qui, en 2019, ont participé aux frais hospitaliers stationnaires à hauteur de 1051 francs par personne en moyenne. Et les frais d’hospitalisation continuent d’augmenter. Aujourd’hui, ils représentent 37% des dépenses de santé, soit le poste de coûts le plus important. La pression en faveur du transfert vers l’ambulatoire va donc continuer d’augmenter.

Cette tendance a des effets positifs: les considérations d’ordre stratégique jouent un rôle de plus en plus important. Les hôpitaux doivent penser en se focalisant plus clairement sur leurs clients. Les processus d’exploitation sont optimisés et des doublons éliminés. Les cantons envisagent de se regrouper en régions hospitalières. Cinq cantons de Suisse orientale ont annoncé en 2020 qu’ils souhaitaient à l’avenir aborder ensemble les soins hospitaliers. À Zurich, la direction de la santé n’attribue plus qu’un mandat de prestations limité dans le temps à trois petits hôpitaux. En Suisse centrale, le regroupement des systèmes hospitaliers de Lucerne et de Nidwald a réussi. Un bémol à ces développements: à Bâle, la fusion entre l’hôpital universitaire et l’hôpital cantonal a été refusée en 2019 en votation.

Pius Zängerle: «c’est un signal positif»

«Il va de soi que les assureurs-maladie sont pleinement concernés par cette problématique», explique Pius Zängerle, directeur de curafutura et ancien président du conseil d’administration d’un hôpital. L’objectif des assureurs est de garantir aux patients le meilleur traitement possible selon les critères de l’efficacité, de l’adéquation et de l’économicité. Dans cette perspective, il serait souhaitable qu’un nombre plus important de cantons se regroupent en régions hospitalières et que tous les hôpitaux ne proposent pas tous les traitements.

Sans cela, on assiste à une cannibalisation réciproque. «À cet égard, le Parlement a envoyé un signal positif en indiquant qu’il entend donner plus de compétences aux assureurs dans ce domaine. Il s’agit maintenant de faire en sorte que le résultat obtenu par les Chambres franchisse la ligne d’arrivée lors du vote final. En fin de compte, il est ici aussi question de s’assurer que l’argent des primes soit utilisé à bon escient.»

Josef Dittli, Conseiller aux États et président de curafutura

Les partisans du nouveau tarif médical TARDOC affirment qu’il est prêt à remplacer le tarif obsolète TARMED dès 2023. D’autres acteurs le contestent et affirment que le TARDOC ne remplit le critère de neutralité des coûts. Comment expliquer ces interprétations divergentes?

Définissons d’abord de quoi on parle. La neutralité des coûts est un des critères centraux devant être remplis par un nouveau tarif (OAMal, art. 59c, al. 1, let. c). Elle signifie que le passage d’un ancien tarif à un nouveau tarif ne doit pas entraîner de surcoûts qui seraient dus uniquement au changement de grille tarifaire. Dans le cas du tarif médical, cela signifie que les prestations facturées actuellement selon TARMED, qui représentent 12 milliards de francs par année, représenteraient aussi une enveloppe globale de 12 milliards de francs si elles étaient facturées selon TARDOC.

Comment peut-on être certain que c’est bien ce qui se passera? Des simulations sont-elles suffisantes lorsqu’on parle d’un tarif représentant un tiers de primes?

Nous avons pleinement confiance dans ces simulations puisqu’elles ont été confirmées autant par la FMH que par curafutura et donc par des acteurs qui ont des intérêts opposés s’agissant de l’évolution des coûts.
Mais il y a une sécurité supplémentaire prévue par le concept de neutralité des coûts. Un monitoring des coûts sera fait dès l’entrée en vigueur du TARDOC et le tarif sera adapté via des mesures déjà décidées dans le cas où l’évolution des coûts dépasse un certain seuil.
Ou plutôt que de seuil, il faut parler de corridor, car il s’agit autant d’éviter une hausse excessive des coûts, que devraient supporter les payeurs de primes, que d’éviter une forte baisse, qui pénaliserait les prestataires.

Pendant combien de temps le monitoring et le dispositif de correction du tarif seront-ils en place?

La phase de neutralité des coûts durera trois ans, durant lesquels l’évolution des coûts devra se trouver dans un corridor compris entre -1% et +3% par année.
Soulignons que ces trois ans correspondent à une prolongation par rapport à la durée de deux ans, initialement prévue. Il s’agit de l’un des nombreux gestes faits par les partenaires tarifaires (FMH, curafutura et SWICA) pour aller dans le sens des recommandations faites par l’OFSP.
Il est donc étonnant d’entendre encore des voix mettre en doute le concept de neutralité des coûts, alors que celui-ci n’a cessé d’être adapté dans le sens souhaité par l’autorité d’approbation.

Certains auraient sans doute préféré un corridor plus étroit? Par exemple un corridor allant de -1% à +2%?

Oui, il est possible que certains acteurs le souhaitent. Et d’ailleurs, dans cette logique, pourquoi ne pas fixer un corridor encore plus étroit, entre -1% et +1%?
Sauf que cela ne correspondrait plus au critère fixé par la loi. En effet, l’OAMal exige simplement qu’un changement tarifaire n’entraîne pas, par lui-même et de manière indépendante, de coûts supplémentaires. Mais, avec LAMal telle qu’elle existe aujourd’hui, il n’est pas question d’intervenir dans l’évolution des coûts du domaine tarifaire en question. Cette évolution des coûts dépend de facteurs exogènes, tels que la croissance démographique, le vieillissement de la population et le progrès technologique. Ces facteurs agissent en toute logique avant le changement de tarif, mais aussi après le changement de tarif. Il ne serait donc pas légitime de prendre prétexte du changement de tarif pour geler indéfiniment l’évolution des coûts.

C’est la raison pour laquelle les paramètres du corridor ont été fixés entre -1% et +3%. Dans le cadre du partenariat tarifaire, nous nous sommes mis d’accord sur cet étroit corridor en nous basant sur l’évolution passée du domaine médical ambulatoire. Notons que le TARMED a connu une croissance de 3% par an entre 2015 et 2019, malgré l’intervention tarifaire.

Vous dites que chercher à geler l’évolution des coûts serait illégitime. Freiner leur hausse est pourtant un objectif louable, non?

Bien entendu, mais cela ne doit pas se faire par des voies détournées et avec des outils qui n’ont pas été prévus pour cela.
La neutralité des coûts lors d’un changement de tarif ne doit donc pas être dévoyée pour introduire un budget global permanent par la petite porte. Pour cela, il faudrait d’abord adapter la loi et les ordonnances.  C’est précisément de cela qu’il s’agit dans le débat actuel au Parlement sur les mesures de gestion des coûts et sur les objectifs en matière de coûts. Ces discussions ne doivent cependant pas retarder davantage l’introduction du TARDOC. Car le TARMED risquerait alors de rester en vigueur pendant des années, au détriment du système de santé.

Le Parlement examine actuellement l’initiative du Centre pour un frein aux coûts ainsi que le contre-projet indirect (objectifs en matière de coûts). Il s’agit d’objectifs contraignants, c’est-à-dire de plafonds de coûts dans le système de santé. De nos jours, en Suisse, chaque personne bénéficie d’un accès pratiquement sans restriction aux traitements médicaux. Les objectifs en matière de coûts y mettraient un terme. Il en résulterait une détérioration des soins médicaux de base et un risque de soins inappropriés ou insuffisants. La FMH, economiesuisse, curafutura et scienceindustries s’opposent à une telle évolution.

Les associations FMH, economiesuisse, curafutura et scienceindustries ont informé mardi des parlementaires et des personnes intéressées de leur position sur les objectifs en matière de coûts et ont échangé sur ce sujet important.

Le Département fédéral de l’intérieur souhaite freiner l’évolution des coûts dans le système de santé au moyen de différentes mesures. Dans ce contexte, il est essentiel de peser avec prudence les mesures de régulation. La prise en charge médicale de tous les patients en Suisse ne doit pas être mise en péril par des expérimentations.

Les objectifs en matière de coûts mettent en péril la couverture en soins des patients

Les objectifs en matière de coûts consistent à définir à l’avance ce qu’est une « croissance justifiée » pour le système de santé. La mise en place, le contrôle et la gestion de ces objectifs en matière de coûts entraîneraient une augmentation considérable de la charge administrative. Celle-ci génèrerait des coûts élevés sans plus-value pour les patientes et patients.

En cas de dépassement des objectifs en matière de coûts, des mesures correctives seraient prises. Les objectifs fixés sont toutefois purement quantitatifs et concernent donc toutes les prestations et tous les fournisseurs de prestations d’un bloc de coûts. Les mesures correctives entraîneraient ainsi une restriction des soins médicaux financés solidairement pour tous et qui ont fait leurs preuves.

L’innovation serait entravée et une médecine à deux vitesses verrait le jour.

Des limitations au niveau des coûts restreindraient en outre l’accès au progrès médical et empêcheraient l’innovation. La prise en charge des patients se détériorerait, que ce soit avec des objectifs en matière de coûts, des plafonds de coûts ou des budgets globaux. Une médecine à deux vitesses serait créée.

Concrètement, une partie des patients pourrait continuer à financer les soins médicaux de base sans restriction par le biais d’assurances complémentaires privées. Ceux qui n’en ont pas les moyens devraient renoncer au traitement optimal d’un point de vue médical ou attendre plus longtemps.

Le droit des assurés doit être pris en compte

Outre les coûts financiers directs des traitements médicaux, les maladies entraînent également des coûts et des charges pour la société, comme une augmentation de la mortalité et de la morbidité et la perte de temps de travail chez les patients et leurs proches. Bon nombre de ces coûts non pris en compte sont directement supportés par les patients, mais certains sont également supportés par l’économie dans son ensemble. Si les coûts médicaux directs sont plafonnés, cela entraînerait des coûts plus élevés dans ces autres domaines.

Il existe de bonnes mesures pour freiner la hausse des coûts, qui font l’objet d’un large consensus et ne limitent pas la prise en charge des patients. Citons par exemple le financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS). Il est également important de renforcer la médecine ambulatoire en cabinet, qui est plus économique, de même que les soins intégrés. Un tarif médical ambulatoire équilibré et moderne constitue un pilier essentiel à cet égard. Avec le TARDOC, une proposition est sur la table depuis longtemps. Il est également nécessaire d’intégrer plus rapidement les thérapies innovantes sur les listes de remboursement. Les nouveaux modèles de prix doivent permettre de les mettre plus rapidement à la disposition des patients.

Selon l’art. 59c, al. 1, let. c OAMal, un changement de modèle tarifaire ne doit pas entraîner de coûts supplémentaires. Les partenaires tarifaires TARDOC curafutura et FMH ont donc négocié un concept commun pour le passage du TARMED au TARDOC sans incidence sur les coûts.

Les éléments centraux suivants caractérisent le concept de neutralité des coûts TARDOC V1.3 (version de la remise complémentaire du 20 décembre 2021 à l’attention du Conseil fédéral):

Principe de séparation de la structure et du prix:

Les partenaires tarifaires gèrent au sein d’une organisation commune à l’échelle nationale la structure tarifaire qui contient les différentes positions tarifaires avec leur poids relatif (points tarifaires). La convention relative aux valeurs du point tarifaire (prix) incombe aux sociétés d’achat et aux sociétés de médecins. Lors du passage au nouveau tarif, les cantons, en leur qualité d’autorité de fixation et d’approbation, ont donc l’obligation de garantir la neutralité des coûts pour la partie prix.

Garantie ex ante du transfert neutre en termes de volume de points tarifaires via le facteur de décote:

Au moyen d’une comparaison des modèles TARMED et TARDOC V1.3, il a été estimé à quelle modification du volume de points tarifaires on devait s’attendre. C’est sur cette base que l’on a déterminé l’external factor (EF), qui maintient le volume TARDOC constant par rapport au volume TARMED. L’EF calculé est de 0,82 (valeur négociée: 0,83). Chaque position tarifaire est réduite avec cette valeur EF. L’EF fait donc partie intégrante de la structure tarifaire et est convenu dans l’annexe au contrat de base TARDOC.

Garantie ex post du transfert neutre en termes de volume de points tarifaires:

Monitoring à long terme:

Il est prévu de continuer à surveiller l’évolution du volume des prestations même après la phase de neutralité des coûts. Les mécanismes et processus correspondants sont consignés dans le manuel de tarification.

Illustration 1: Représentation schématique des volumes de points tarifaires déduits en 2023, 2024 et 2025, y compris corridor de tolérance

Position curafutura

Le Conseil national s’est prononcé en faveur des mesures de gestion des coûts, alors que le Parlement les avait déjà rejetées en 2021. curafutura regrette cette décision car cet outil remet en question certains principes centraux du système de santé, tels que le partenariat tarifaire, le principe d’assurance et le droit aux prestations. En outre, les mesures de gestion des coûts ont un caractère extrêmement bureaucratique et accroîtront la centralisation et l’étatisation déjà rampante du système de santé. 

Un changement complet de la philosophie du système de santé n’est pourtant pas justifié alors que celui-ci fonctionne et vient de faire ses preuves durant une crise d’une ampleur inédite. Premièrement, l’évolution des coûts sur les dix dernières années est restée en dessous de la cible de +2,7% par année, proposée par le Groupe d’experts du Conseil fédéral. Ensuite, plusieurs réformes majeures ont été faites ou sont en cours et déploieront des effets positifs pour freiner davantage la hausse des coûts et accroître l’efficience (financement uniforme EFAS, tarif médical TARDOC, réforme de la qualité, pilotage des admissions).

Dans ce contexte, il n’est pas judicieux de chambouler le système en recourant à un mécanisme aussi radical que les mesures de gestion des coûts. Celles-ci ne sont pas applicables dans la pratique. Une obligation de prendre des mesures de gestion des coûts mènera donc inévitablement à un accroissement des blocages des négociations entre partenaires tarifaires. Cela entraînera à son tour une hausse des décisions imposées par le Conseil fédéral. Or, une extension des compétences subsidiaires du Conseil fédéral n’est pas souhaitable, car elle renforcerait encore l’étatisation et la centralisation du système de santé, sans pour autant permettre de réduire les coûts.

Vigilance aussi face aux objectifs en matière de coûts

curafutura continuera de s’engager dans le débat et appelle le Conseil des États à revenir sur la décision du Conseil national en rejettant les mesures de gestion des coûts. En outre, curafutura restera vigilant face aux propositions similaires aux mesures de gestion des coûts, telles que l’introduction d’objectifs en matière de coûts, proposés en tant que contre-projet indirect à l’initiaitive « frein aux coûts » du Centre. Tout comme les mesures de gestion des coûts, les objectifs en matière de coûts saperaient le principe d’assurance et le droit aux prestations, risqueraient de restreindre les prestations au détriment des assurés et créeraient de mauvais incitatifs.

La gestion des coûts est un sujet complexe. C’est ce que montre le débat tortueux aux Parlement. curafutura salue la décision prise aujourd’hui par la Commission de la santé publique du Conseil national (CSSS-N). Elle est restée fidèle à la ligne décidée initialement et se prononce contre des mesures de gestion des coûts top-down, comme l’ont déjà décidé les deux Chambres. Elle a aussi trouvé une solution judicieuse en ce qui concerne la loi sur la réglementation de l’activité des intermédiaires. Le Conseil fédéral pourra ainsi obtenir la compétence de déclarer l’accord de branche de force obligatoire.

Il est aujourd’hui déjà du devoir des partenaires tarifaires de se baser sur les critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité. La décision prise aujourd’hui par la CSSS-N est donc réjouissante. Il ne revient en effet pas à la Confédération de prendre le relais via des mesures de gestion des coûts.

Un bon signal pour l’activité des intermédiaires

De même, curafutura salue la décision de la CSSS-N en rapport avec l’accord de branche sur les intermédiaires, qui règlemente l’activité des intermédiaires depuis le 1er janvier 2021. Le projet de loi vise à donner au Conseil fédéral la compétence de déclarer l’accord de branche de force obligatoire, afin qu’il s’applique à tous les assureurs. Une majorité des membres de curafutura soutient cet objectif et salue le fait que la CSSS-N veuille donner cette compétence au Conseil fédéral grâce à l’adoption du projet de loi.

D’autres éléments du projet allaient cependant nettement plus loin que ce qui était demandé dans la motion initiale. Le projet prévoyait ainsi de mettre sur un pied d’égalité les intermédiaires externes et les employés des assureurs et de les soumettre à la même réglementation. Cela aurait entraîné des problèmes considérables. curafutura se réjouit donc que la CSSS-N ait limité les nouvelles règles concernant la rémunération et la formation aux seuls intermédiaires externes.

Mario Morger est économiste, membre de la direction de curafutura et est responsable du département Tarifs. Il siège en outre à la Commission fédérale pour la qualité.

Mario Morger demande la transparence dans le domaine médical. La concurrence peut ainsi jouer à plein et la qualité du système de santé suisse, être améliorée, argue le responsable Tarifs de curafutura.

Quelle est votre définition de la qualité?
Pour moi, qualité signifie qu’un patient atteint d’une maladie bénéficie du traitement optimal pour sa situation spécifique. Cela commence avec le diagnostic et continue par la prise des bonnes décisions pour le meilleur résultat possible en faveur du patient.

Nous sommes très fiers de notre système de santé. À bon droit?
Il est fréquent d’entendre deux avis sur le système de santé suisse: il est l’un des plus chers et l’un des meilleurs au monde. En ce qui concerne la cherté, c’est exact. En ce qui concerne la qualité, nous ne pouvons l’affirmer. La transparence manque à cet effet. Nous n’avons actuellement ni les outils ni les moyens pour inventorier la qualité. À cet égard, le potentiel est énorme. Des études scientifiques indiquent que 20% des prestations fournies par le système sont inutiles.

Qu’est-ce que cela signifie?
Des prestations sont fournies qui n’aident en rien le patient, voire qui lui portent préjudice. L’arthroscopie du genou est un excellent exemple. Dans le canton de Schwytz, ce type d’intervention est réalisé presque sept fois plus que dans le Bas-Valais. Une telle différence ne saurait être expliquée sur le plan médical, même en tenant compte de facteurs démographiques. En d’autres termes, soit il y a trop d’arthroscopies à Schwytz, soit pas assez dans le Bas-Valais. Mais la qualité de l’indication ne peut pas être optimale en même temps aux deux endroits.

Récemment, le Tages Anzeiger a titré: «Tentative d’économiser sur les thérapies inutiles – un échec»
Nous devons revoir notre copie et instaurer la transparence. Certains fournisseurs de prestations mettent l’accent sur la qualité. Il y a par exemple plusieurs réseaux de médecins qui font preuve d’une grande force d’innovation et qui montrent à une échelle réduite ce qu’il est possible de réaliser. De l’autre côté, il y a une «terra incognita»: pour la plupart des fournisseurs de prestations, nous ne savons pas vraiment voire pas du tout s’ils fournissent de bonnes prestations.

La question des coûts est omniprésente dans le système de santé. La pression des coûts et la qualité ne se font-elles pas concurrence?
Des prestations fournies dans une bonne qualité ont un effet de frein sur les coûts, par exemple pour les opérations. Si la qualité est bonne, il y a moins de complications, moins de réadmissions à l’hôpital, moins de douleurs consécutives, moins de prestations de physiothérapie et une meilleure adéquation dans la médication. Nous estimons que les objectifs en la matière ne sont pas contradictoires, bien au contraire: une qualité élevée profite au patient comme à l’ensemble du système.

Ce qui vaut pour un verre d’eau vaut aussi pour le système de santé: sans transparence, pas de vision claire.

Que faut-il pour une bonne qualité?
En premier lieu, la transparence. Nous avons besoin d’indicateurs de qualité transparents à tous les niveaux des fournisseurs de prestations. Cela permet de déduire la qualité des traitements et, les fournisseurs de prestations peuvent ainsi se comparer entre eux. La transparence enclenche automatiquement un processus de concurrence et d’amélioration. D’autre part, les patients ont un besoin important de pouvoir s’informer sur la clinique dans laquelle ils vont se faire opérer ou avec quel médecin ils souhaitent effectuer l’opération.

Peut-on attendre des patients qu’ils assument cette responsabilité?
Bien sûr. Le système de santé doit compter sur le fait que les patients sont responsables. sur le plan politique, nous considérons de la même manière que les citoyennes et citoyens sont responsables. Les consommateurs réservent leurs vacances et leurs hôtels en se fiant à des évaluations et achète des appareils de la même manière. Et cela ne devrait pas être le cas pour ce qu’il y a de plus précieux, à savoir la santé? Je ne vois pas les choses ainsi. La question n’est pas de savoir si l’on propose de telles informations mais comment.

Quels sont les outils que vous proposez aux patients à cet égard?
En premier lieu, il faut des informations compréhensibles pour les patients. Il n’est pas possible d’affirmer simplement que ceux-ci n’y comprennent rien. Il faut leur proposer un soutien adéquat. Nous en revenons à la numérisation, qui nous fournit des outils ou qui permet de développer des outils qui nous orientent en conséquence.

Quel est le rôle de curafutura dans cette discussion?
Notre rôle est défini légalement: nous élaborons avec les fournisseurs de prestations des conventions nationales en matière de qualité et jetons ainsi les bases pour le développement de la qualité.

Comment faire?
Tout en respectant le cadre légal, nous voulons surtout de bonnes conditions et créer une incitation pour que les fournisseurs de prestations favorisent d’eux-mêmes la qualité. Au final, ce qui prime pour nous, ce sont de bons résultats pour les patients, ce que nous mesurons sous le terme «outcome». Il faut cependant veiller à ne pas tomber dans une sorte d’activisme sous la pression croissante du législateur. Il s’agit d’être prudent et de ne pas trop intervenir à des fins de réglementation dans la discussion en cours sur les coûts. Il ne peut y avoir d’innovation que s’il y a une certaine marge de manœuvre pour faire progresser la qualité.

curafutura est l’association des assureurs-maladie innovants. Que signifie innovation en lien avec la qualité de la médecine?
Pour nous, innovation signifie en premier lieu nous maintenir à niveau avec le progrès médical. Lorsque de nouvelles méthodes de traitement font leur entrée sur le marché, nous cherchons des solutions avec les partenaires tarifaires afin de progresser ensemble. Dans la pratique, ce n’est pas toujours aussi simple, car nous évoluons dans un cadre légal assez rigide. Celui-ci ne doit pas trop fortement limiter les fournisseurs de prestations ni les assureurs-maladie. En effet, de nouvelles opportunités se présentent sans cesse en matière de qualité justement.

Par exemple?
Certains groupements de fournisseurs de prestations font preuve d’un plus grand sens de l’innovation que d’autres. Ils voient en la numérisation des possibilités et des opportunités favorables à la qualité.

Le rôle de curafutura dans le débat en matière de qualité: observer et vérifier en restant prévoyant.

Parlons numérisation: en quoi peut-elle être favorable à la qualité?
La numérisation a un grand potentiel. Dans la médecine en générale et pour la qualité de la médecine en particulier. En effet, la qualité passe tout d’abord par la transparence. Et pour obtenir cette transparence, nous devons pouvoir saisir, évaluer et comparer des données correspondantes. Prenons le seul exemple du dossier électronique du patient afin de mettre en lumière tout le potentiel qu’il recèle. Si l’on parvenait enfin à le réaliser de manière correcte, cela constituerait un grand pas en faveur de la numérisation. Si les fournisseurs de prestations étaient en réseau, il y aurait une perte d’informations nettement moindre. Il en résulterait aussi un atout immédiat au quotidien et une base de données pour monitorer la qualité et l’améliorer.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour les patients?
Prenons par exemple une personne en traitement auprès de plusieurs médecins, un médecin de famille, une spécialiste, et dans certains cas, avec un séjour à l’hôpital. Ces trois fournisseurs de prestations prescrivent des médicaments. Il se peut que personne n’ait une vue d’ensemble complète sur les médicaments pris par le patient. En plus d’être inefficace, c’est aussi dangereux, car des complications peuvent survenir, qui occasionnent alors d’autres coûts. Le dossier du patient améliorerait donc la qualité et contribuerait à réduire les coûts.

Cela semble simple, en fait.
En principe, oui. Mais il n’a pour l’heure pas réussi à s’imposer.

La médecine est une branche portée sur l’innovation. Les partenaires tarifaires et le législateur sont quant à eux à la traîne. Comment évolue-t-on dans ce champ de tension?
Nous sommes au beau milieu. Il va de soi que nous le ressentons. Le nouveau tarif médical, Tardoc, en est le parfait exemple. Un nouveau tarif dynamique revêt une importance capitale, car l’évolution tarifaire est étroitement liée à la qualité. Le nouveau tarif élimine des incitations erronées et indemnise de manière équitable et juste les prestations requises.

Une large alliance des représentants du secteur de la santé s’engage pour une mise en œuvre rapide du financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS). EFAS est sans équivoque l’une des plus importantes réformes du système de santé. Grâce à l’élimination des mauvaises incitations et une répartition optimale entre les traitements stationnaires et ambulatoires, il soulage les assurés et les contribuables sans nuire à l’excellence des soins fournis ni à la satisfaction des patients envers les prestations médicales. L’alliance EFAS s’engage par conséquent pour faire avancer rapidement les choses au Parlement – et tout d’abord au sein de la Commission de la santé du Conseil des États (CSSS-E).

Les prestations ambulatoires et stationnaires doivent être financées de manière uniforme. Bon nombre d’importantes institutions du paysage suisse de la santé en sont convaincues. EFAS est donc bien accueillie par la majorité des acteurs du système de santé. Afin de souligner l’importance de cette réforme et de faire avancer la question, ils se sont regroupés au sein de l’alliance EFAS (voir encadré). En effet, les prestations ambulatoires et stationnaires continuent aujourd’hui d’être financées différemment, ce qui génère de mauvaises incitations.

Grâce au progrès technologique, de plus en plus de traitements stationnaires peuvent être réalisés en ambulatoire. Cependant, les traitements ambulatoires sont financés à 100% par les primes d’assurance-maladie, alors que les traitements stationnaires sont financés conjointement par les cantons et les assureurs, repectivement à 55% et 45%. Le fort transfert vers les prestations ambulatoires entraîne par conséquent l’augmentation de la part des dépenses de santé financées par les primes d’assurance-maladie. Il en résulte une augmentation des coûts à charge des payeurs de primes, alors que l’évolution des coûts des traitements dans le domaine stationnaire est modérée.

EFAS permettrait de soulager les assurés et les contribuables
Un financement uniforme permetttrait de remédier à ce déséquilibre et contribuerait à ce que les incitations soient fixées de manière opportune. Cela aurait une influence positive sur les coûts de traitement globaux, car le transfert du stationnaire vers l’ambulatoire continuerait d’être encouragé. Tout ceci sans nuire à la bonne qualité des soins médicaux ni à la satisfaction des patients.

Les avantages d’EFAS sont évidents. Le Conseil national a adopté le projet il y a déjà plus de deux ans, et le Conseil fédéral souhaite aussi sa mise en œuvre. Malgré une large approbation, le dosssier n’a plus avancé ces derniers temps. En plus de l’examen des questions techniques détaillées, des investigations approfondies sur une éventuelle intégration des soins de longue durée ont été menées à la demande de la CSSS-E.

L’alliance est convaincue qu’il n’est pas judicieux de surcharger le projet, car cela retarderait EFAS de manière considérable. EFAS doit être mis en œuvre de manière pragmatique et rapide dans le domaine médical des soins aigus. La discussion sur l’intégration des soins de longue durée pourra seulement être menée dans une deuxième étape, après une clarification complète des coûts obligatoirement à charge de l’AOS (transparence des coûts). Une transparence des coûts instaurée le plus tôt possible dans le domaine des soins de longue durée est dans l’intérêt de l’alliance EFAS  et des soins de longue durée eux-mêmes.

Il s’agit à présent de lancer un signal clair, afin de conférer à EFAS l’élan requis. Dans le cas contraire, un échec menace l’une des plus importantes réformes du système de santé suisse, qui risquerait d’être mise en pièces pour des questions de détail, alors qu’elle présente des avantages incontestables pour la population et que sa mise en œuvre rapide est donc tout indiquée.

Large soutien en faveur d’EFAS
L’alliance EFAS compte curafutura, ASA, FMH, fmc, FMCH, l’Entente Système de santé libéral, le Forum Santé Suisse, H+, Interpharma, medswiss.net, mfe Médecins de famille et de l’enfance Suisse, pharmaSuisse, RVK, santésuisse, la FSA, le Forum suisse des consommateurs kf et vip

La Commission de la santé du Conseil national est entrée en matière aujourd’hui sur le contre-projet indirect à l’initiative « frein au coûts ». curafutura rejette le mécanisme prévu par le contre-projet: les objectifs en matière de coûts. Ceux-ci entraîneraient inévitablement un rationnement des prestations de santé au détriment des assurés et mettraient ainsi en péril la couverture en soins médicaux de base. Il convient plutôt de mener à bout les autres projets concrets qui existent déjà pour freiner la hausse des coûts avec la réforme du tarif médical grâce à TARDOC et le passage au financement uniforme de l’ambulatoire et du stationnaire.

Les objectifs en matière de coûts prévoient de fixer a priori des budgets globaux pour chaque secteur de la santé. En pratique, ce mécanisme conduirait inévitablement à un rationnement des prestations. En effet, une fois atteint le budget global alloué dans un domaine, les prestataires seraient obligés de renoncer à certains traitements ou de les remettre à plus tard. Cela entraînerait une inégalité de traitement inacceptable pour les assurés, selon qu’ils sont confrontés à des problèmes de santé en début d’année ou en fin d’année.

Les objectifs en matière de coûts sont un instrument trop grossier pour atteindre le but visé, à savoir la réduction des prestations inutiles et superflues. En effet, les objectifs en matière de coûts entraînent un rationnement généralisé des prestations, au lieu de permettre de distinguer entre ce qui est nécessaire et efficace et ce qui ne l’est pas.

Les objectifs en matière de coûts sont inefficaces et n’apporteraient aucune réduction des coûts

Le mécanisme d’objectifs en matière de coûts prévoit de donner la compétence au Conseil fédéral de fixer les tarifs au cas où les budgets prévus seraient dépassés. Or, il existe déjà aujourd’hui de nombreux domaines où les prix sont administrés, tels que celui des médicaments ou celui des laboratoires. Le fait est que les coûts croissent davantage dans ces domaines que dans les domaines où les prix et tarifs sont fixés par les acteurs dans le cadre du partenariat tarifaire.

Enfin, les objectifs en matière de coûts engendreraient une énorme bureaucratie, avec des objectifs fixés selon une approche top-down, par secteur et par canton. Cette approche est en contradiction totale avec le partenariat tarifaire actuel. Autrement dit, les objectifs de coûts méneraient à une étatisation irréversible de la politique de santé.