Après bientôt 20 ans, le Conseil fédéral a enfin la possibilité de remplacer le tarif médical.

Aujourd’hui, les partenaires tarifaires curafutura (avec SWICA) et FMH ont remis pour approbation au Conseil fédéral la version 1.3 de la structure tarifaire pour les prestations médicales ambulatoires TARDOC, qui a été entièrement remaniée. Au cours de l’été, le Conseil fédéral avait demandé aux partenaires tarifaires diverses adaptations du tarif sur le plan matériel. Les partenaires tarifaires ont mis en œuvre ces demandes dans les délais. Dans la nouvelle version, la neutralité des coûts est prolongée, le tarif est simplifié et la transparence accrue. Pour la révision tarifaire, il n’y a pas d’alternative au TARDOC, car aucun autre tarif n’est suffisamment développé pour refléter l’ensemble des prestations médicales. Avec la nouvelle version du TARDOC, le Conseil fédéral a enfin la possibilité de remplacer le TARMED, obsolète depuis longtemps.

La Fédération des médecins FMH représente 95 % du corps médical exerçant en Suisse. curafutura, les assureurs-maladie innovants, représente les assureurs-maladie CSS, Helsana, Sanitas et KPT. Avec eux et SWICA, le TARDOC bénéficie du soutien de la majorité des assureurs. Ainsi, le TARDOC est soutenu par la majorité des fournisseurs de prestations et par la majorité des porteurs de coûts.

Pour réviser le tarif ambulatoire, il n’y a pas d’alternative au TARDOC à court ou moyen terme
Actuellement, seul le TARDOC offre une structure tarifaire ambulatoire générale, qui reflète les prestations médicales de manière globale, complète et conforme à l’état actuel des connaissances scientifiques. Il n’existe donc aucun autre moyen rapide de remplacer le TARMED, car le développement des forfaits ambulatoires n’est pas encore suffisamment avancé. curafutura et la FMH sont toutes deux favorables aux forfaits. Dès que ceux-ci seront disponibles et qu’ils auront été approuvés par le Conseil fédéral, ils pourront remplacer les prestations individuelles correspondantes du TARDOC.

Le TARDOC devrait être introduit le plus rapidement possible, car toutes les prestations médicales ambulatoires continuent aujourd’hui d’être facturées selon un tarif obsolète, qui n’est plus approprié. Avec la troisième remise complémentaire du tarif aujourd’hui, les partenaires tarifaires espèrent enfin une approbation par le Conseil fédéral au premier trimestre 2022 et une entrée en vigueur au 1er janvier 2023.

Les partenaires tarifaires espèrent un examen et une approbation rapides
Les deux partenaires tarifaires H+ et santésuisse, qui n’étaient pas impliqués précédemment, ont eu la possibilité de participer activement à la révision du TARDOC, comme demandé par le Conseil fédéral. H+ a partiellement répondu à cette demande en fournissant des données actualisées. Parallèlement, H+ a signalé qu’elle était prête à s’engager en faveur du TARDOC en plus des forfaits.

Afin de ne pas compromettre le calendrier du TARDOC, les deux partenaires tarifaires curafutura et FMH ont mis en œuvre dans le délai imparti les améliorations souhaitées par le Conseil fédéral et ils ont remis aujourd’hui la version révisée du TARDOC au Conseil fédéral. Le TARDOC a encore été simplifié, renuméroté et restructuré pour faciliter au maximum l’utilisation du tarif et la navigation dans celui-ci. Par ailleurs, le concept de neutralité des coûts a été remanié et prolongé à trois ans. Enfin, les données des modèles de coûts ont été actualisées. Afin d’accroître la transparence, les partenaires tarifaires ont mis à la disposition de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) une documentation complète sur le TARDOC sous une forme structurée.

Enfin, d’importants instruments et des applications spécialisées sont disponibles, ce qui permet d’automatiser davantage le contrôle et le traitement des factures, ce qui entraîne des simplifications considérables. Cette étape de numérisation importante avec l’introduction du TARDOC renforce à la fois la qualité et l’économicité des prestations.

Les partenaires tarifaires curafutura (avec SWICA), FMH et la CTM (pour l’AA, l’AI et l’AM) espèrent que les efforts importants qu’ils ont fournis ensemble au cours de ces huit dernières années seront reconnus grâce à l’approbation du TARDOC.

Des mesures de gestion des coûts conduiraient à des blocages dans les négociations entre partenaires tarifaires et mènerait à l’intervention accrue du Conseil fédéral. Cela saperait les efforts des partenaires tarifaires pour prendre des décisions efficaces, appropriées et économiques sur la base de standards de qualité. curafutura salue par conséquent la décision claire du Conseil des États, qui s’est prononcé, comme le Conseil national, pour la suppression de l’article 47c P-LAMal dans le premier volet de mesures visant à freiner la hausse des coûts. Ce faisant, le Conseil des États exprime sa confiance dans le partenariat tarifaire, dans les réformes du système de santé et dans le développement de standards de qualité.

Les mesures de gestion des coûts partent d’une bonne intention, mais elles manquent leur cible. En effet, elles entraîneraient automatiquement des blocages dans les négociations entre partenaires tarifaires. En outre, les mesures de gestion des coûts ne permettent pas d’atteindre le véritable objectif, qui est freiner l’évolution des coûts.

curafutura considère donc comme un signal important le fait que le Conseil des Etats retire l’article 47c P-LAMal du premier volet de mesures, comme l’avait déjà fait le Conseil national. En effet, ces outils de pilotage des coûts auraient engendré de mauvaises incitations en diminuant l’intérêt des acteurs à se pencher sur des normes de qualité et à développer le système de santé selon les critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité. De plus, cette mesure aurait de profondes conséquences sur l’offre en soins pour les patients.

Suite au rejet des mesures de gestion des coûts, il est d’autant plus important de faire avancer les réformes en cours du système de santé. Celles-ci contribueront fortement à freiner l’évolution des coûts. Plusieurs grandes réformes sont dans le pipeline. Le financement uniforme des soins ambulatoires et stationnaires (EFAS) devrait avancer rapidement l’année prochaine. Le tarif médical TARDOC est quant à lui prêt à être lancé. Enfin la sensibilité pour la question de la qualité ainsi que pour les prix trop élevés des médicaments s’est accrue. Dans tous ces domaines, des projets sont déjà très avancés ou à bout touchant. Il s’agit désormais de leur donner l’impulsion politique nécessaire pour que ces réformes majeures du système de santé aboutissent.

Le nouveau tarif améliore la transparence des prestations et la comparabilité entre les établissements de réadaptation

La réadaptation dispose enfin d’un tarif uniforme lié aux prestations pour l’ensemble de la Suisse. curafutura salue l’approbation aujourd’hui par le Conseil fédéral de la nouvelle structure tarifaire ST-Reha et se réjouit de ce résultat positif pour le partenariat tarifaire. Le nouveau tarif pour la réadaptation stationnaire augmente la transparence et permet de comparer les prestations et les coûts entre les différents établissements. Avec ST-Reha, le nouveau financement hospitalier est enfin achevé, dix ans après l’introduction des forfaits SwissDRG dans le domaine des soins aigus.

Jusqu’à présent, chaque établissement de réadaptation négociait ses propres tarifs avec les assureurs-maladie. Le nouveau tarif national uniforme ST-Reha représente une amélioration considérable car il permet de comparer les établissements par rapport à leurs données de prestations et de coûts, ce qui accroît la transparence. Parallèlement, les données permettent un développement périodique du tarif afin de tenir compte de manière adéquate des évolutions futures dans le domaine de la réadaptation.

La réadaptation stationnaire est un domaine qui génère chaque année environ 550 millions de francs de coûts à la charge de l’assurance-maladie de base – ceci sans compter les coûts supportés par les autres acteurs que sont les cantons et les assureurs-accidents.

curafutura demande son intégration dans l’organisation tarifaire SwissDRG SA

Bien que curafutura soit un partenaire contractuel du nouveau tarif et qu’elle ait contribué à l’introduction de ST-Reha par sa participation aux organes de travail de SwissDRG SA, elle n’est toujours pas représentée officiellement au sein de SwissDRG SA. curafutura exige enfin son intégration dans SwissDRG SA, afin qu’elle puisse y défendre les intérêts de ses assurés lors de décisions stratégiques importantes en rapport avec la tarification dans le domaine stationnaire. curafutura représente 43 % des assurés en Suisse et doit être intégrée à SwissDRG SA pour des raisons de représentativité.

Mathias Früh est statisticien et économiste. Il dirige l’équipe Politique de santé & Public Affairs chez Helsana.

Mathias Früh est responsable du rapport d’Helsana sur les médicaments, qui pointe depuis des années un immense potentiel d’économie: les génériques et biosimilaires. En tant qu’économiste de la santé, il trouve scandaleux que ce potentiel reste inutilisé.

curafutura est l’association des assureurs-maladie innovants. Mais les génériques et biosimilaires sont-ils encore vraiment synonymes d’innovation aujourd’hui?
Pour curafutura et ses membres, il est essentiel de faire progresser le système de santé suisse grâce à des propositions innovantes. Or, les médicaments sont un élément important de ce système. C’est un secteur qui ne cesse de se développer. Nous faisons donc des propositions concrètes pour que le système de santé s’améliore dans ce secteur aussi et ne soit pas en retard face à la force d’innovation du marché.

Quel est le rôle des médicaments dans le système de santé?
Le secteur pharmaceutique joue un rôle déterminant. Et il va encore gagner en importance à l’avenir. En Suisse, 7,7 milliards de francs sont dépensés chaque année en médicaments. Ce segment affiche une forte croissance, probablement la plus forte actuellement dans le domaine de la santé. Des médicaments permettent désormais de traiter de nombreuses maladies qui nécessitaient autrefois une intervention chirurgicale ou pour lesquelles il n’y avait pas de traitement.

Chez Helsana, vous êtes responsable du rapport sur les médicaments. Quels sont les enseignements à tirer de l’édition qui vient de paraître?
Il y en a beaucoup. Le rapport compte quand même plus de 100 pages. Si l’on considère l’ensemble du marché, les coûts ne cessent d’augmenter. En oncologie par exemple, nous observons une croissance du chiffre d’affaires d’environ 100 millions de francs par an. Certains médicaments sont extrêmement onéreux ; un seul paquet peut parfois coûter plusieurs milliers de francs.

Pour connaître les faits: les rapports annuels sur les médicaments de Helsana.

Est-ce beaucoup ou trop?
Pour moi, il est évident que les prix sont trop élevés en Suisse, surtout pour les nouveaux médicaments. Les règles de fixation des prix doivent être revues. Par exemple, on ne prend aujourd’hui pas en compte l’impact d’un médicament sur les coûts globaux du système de santé lorsqu’on fixe son prix. Conséquence directe : une augmentation des coûts galopante. Il y a donc un potentiel d’économie avéré, non seulement en ce qui concerne les nouveaux médicaments mais aussi pour les médicaments dont le brevet a expiré.

Ce qui nous amène aux génériques et biosimilaires…
… et donc à un potentiel d’économie connu depuis des années, mais qui reste inexploité. Les génériques et biosimilaires sont des produits de remplacement qui sont mis sur le marché après l’expiration du brevet de la préparation originale. Ils sont moins chers, tout en étant sûrs et efficaces. Mais en Suisse, ils n’arrivent pas à s’imposer. Nous voulons y remédier.

Pourquoi ce potentiel d’économie n’est-il pas exploité?
Le problème principal, c’est la marge de distribution. Le système actuel n’incite pas les pharmaciens, médecins et hôpitaux à remettre le médicament le moins cher. Ils gagnent en effet davantage en remettant le produit original, plus cher, au lieu d’un générique ou d’un biosimilaire. Il faut donc réviser le système pour éliminer cette mauvaise incitation.

Quelle serait pour vous la solution?
Une marge fixe, indépendante du prix, pour la remise de médicaments. Le médecin reçoit la même somme, qu’il s’agisse d’un original ou d’un produit de remplacement. La mauvaise incitation est ainsi supprimée. Nous le demandons depuis longtemps déjà.

Et rien n’a changé?
Rien! On relève cependant que cette proposition est désormais soutenue non seulement par les assureurs, mais aussi par les pharmaciens et la politique.

Cet immobilisme est-il frustrant?
Oui, effectivement. Surtout que nous avons une solution efficace qui pourrait être mise en œuvre rapidement. Elle entraînerait immédiatement des économies de plusieurs centaines de millions de francs. Pendant ce temps, on débat à Berne de plusieurs volets de mesures pour freiner les coûts, un processus qui prend des années et qui, à mon avis, ne débouchera sur aucune économie tangible. C’est le jeu politique.

Si l’on sait compter, on achète des génériques. Sauf que si l’on sait compter, on n’en vend pas. Les deux sont vrais, en raison des mauvaises incitations existant aujourd’hui dans le système de santé.

Combien permettraient d’économiser les génériques et biosimilaires?
Plusieurs centaines de millions de francs. Chaque année. Rien que pour les biosimilaires, ce chiffre était déjà d’environ 100 millions en 2020 pour seulement 13 médicaments dont on trouve aujourd’hui des produits de remplacement sur le marché. Or, de nombreux brevets vont arriver à expiration ces prochaines années, et le potentiel d’économies va augmenter en conséquence.

Quelle est la part des génériques et des biosimilaires sur l’ensemble des médicaments remis?
Elle est de 23% pour les génériques et de 13% pour les biosimilaires. En Allemagne, ces taux sont trois à quatre fois plus élevés, soit plus de 80% pour les génériques. Et il y a un effet collatéral: en Allemagne, il y a beaucoup plus de génériques et de biosimilaires sur le marché, car ce marché est plus attrayant pour les producteurs.

Le fait que ce potentiel d’économie soit délaissé
… est un véritable scandale !

Le système de santé a une forte inertie. Mais cela ne fait-il pas partie du jeu?
Nous nous engageons pour un système efficace dans l’intérêt de nos assurés. Notre rôle, c’est d’informer et d’expliquer le fonctionnement du système de santé, afin que les politiques et, en fin de compte, la population comprennent pourquoi les assureurs formulent des exigences et en quoi celles-ci peuvent être judicieuses. Les autres intervenants du système de santé en font de même. Donc oui, cette inertie est inhérente au système et obtenir des améliorations est complexe et prend du temps. Mais la situation est différente en ce qui concerne les génériques et biosimilaires, car il y a là un vaste consensus sur le diagnostic et sur la solution. Malgré cela, force est de constater que ça n’avance pas ou très peu.

Qu’est ce qui vous motive à vous engager ?
Je pense que nous avons en Suisse un bon système de santé, mais qu’il peut encore être optimisé à bien des égards. C’est mon devoir d’identifier le potentiel de telles améliorations et de contribuer à le réaliser. Il ne s’agit pas seulement de réduire les coûts. Ce serait une approche erronée. Il s’agit d’abord de déceler une certaine inefficacité, puis d’y remédier. Et dans ce contexte, il n’est même pas nécessaire de modifier les lois pour faire progresser le système de santé.

Les cantons et les assureurs-maladie se sont accordés sur une convention tarifaire concernant la rémunération de la vaccination contre le COVID-19 par l’assurance obligatoire des soins (AOS). La convention a été remise aujourd’hui au Conseil fédéral pour approbation.

La convention prévoit que l’AOS verse un forfait de CHF 20.00 pour chaque vaccination effectuée dans un centre de vaccination ou par une équipe mobile. Pour la vaccination en cabinet médical, le forfait convenu est de CHF 29.00 par vaccination. La vaccination plus complexe des enfants de moins de 12 ans, qui doit encore être autorisée, peut être facturée par les cabinets médicaux au moyen d’un forfait de CHF 40.45 par vaccination.

Les coûts supplémentaires pour la logistique, l’organisation et l’infrastructure ainsi que la quote-part de 10 % restent à la charge des cantons. L’AOS verse quant à elle une contribution forfaitaire pour le vaccin, dont le Conseil fédéral fixera ultérieurement le montant pour l’année prochaine. Le Conseil fédéral prend en charge les coûts dépassant ce forfait ainsi que les coûts du transport et de la distribution du vaccin dans les cantons.

Comme la convention tarifaire 2021 et ses avenants, la présente convention, dont la durée est limitée à fin 2022, a été négociée entre la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) et les communautés d’achat des assureurs-maladie. La Fédération des médecins suisses (FMH) et l’association professionnelle Médecins de famille et de l’enfance Suisse (mfe) ont été impliquées lors des négociations sur la question de la rémunération des cabinets médicaux et soutiennent le résultat obtenu.

Le forfait de vaccination couvre toutes les prestations de base liées à la vaccination, à savoir l’information générale, le contrôle du statut et de l’historique de la vaccination, la vérification des contre-indications, l’obtention du consentement, l’administration du vaccin et la surveillance de la patiente ou du patient, la délivrance du certificat de vaccination et la documentation.

L’année prochaine, la vaccination contre le COVID-19 restera gratuite pour la population. Un conseil médical personnalisé et approfondi relatif à la vaccination n’est toutefois pas compris dans le forfait. C’est pourquoi une rémunération supplémentaire de la charge des cabinets médicaux est possible selon la structure tarifaire TARMED pour les cas nécessitant des conseils étendus. Cette rémunération supplémentaire est soumise à la participation aux coûts (franchise et quote-part) et doit être justifiée du point de vue médical.

Le montant de la rémunération des vaccinations dans les pharmacies pour l’année à venir devra encore être fixé par le Conseil fédéral.

Sanjay Singh, responsable de la division Prestations et Produits à la CSS

Les assureurs-maladie jouent un rôle central dans le contrôle des coûts de la santé. Pour mener à bien cette mission, des spécialistes des tarifs, des experts médicaux, des analystes de données, mais aussi d’anciens policiers travaillent ensemble pour traquer les erreurs de facturation ou les abus. Le responsable de la division Prestations et Produits à la CSS, Sanjay Singh nous explique les différents axes de sa stratégie.

La masse de factures que vous devez contrôler est énorme. Comment vous y prenez-vous pour faire face à un tel volume de données ?
Nous avons reçu 19,2 millions de factures l’année passée. La digitalisation est un allié pour traiter cette masse d’informations : la majeure partie des factures de prestataires nous parvient par voie électronique. Mais nous devons tout de même encore scanner plusieurs millions de factures papiers chaque année.  

A quelle rapidité se fait cette évolution vers le digital. Arrivera-t-on bientôt à tout automatiser au niveau de la réception des données de facturation?
C’est une évolution rapide. En 2013, le taux d’automatisation du contrôle était de 63% et nous en sommes à plus de 83% aujourd’hui. Cela dit, on atteindra à un moment donné un plafond dans cette progression ; nos spécialistes devront toujours contrôler une partie des factures eux-mêmes.

Quel est le retour sur investissement de ce contrôle des factures ? Peut-on chiffrer les économies réalisées ?
Oui, l’année passée, nous avons pu détecter 649 millions de francs de prestations facturées de manière erronée ou superflue. Il faut certes prendre ces chiffres avec un certain recul, car les variations d’année en année sont importantes. Mais cela montre bien la nécessité d’un contrôle.

Vous dites que les chiffres sont à prendre avec des pincettes. Le but n’est-il pas de détecter un maximum d’erreurs, pour pouvoir économiser le plus possible?
Pas nécessairement. Car ces contrôles ont aussi un rôle préventif. Si nous remarquons qu’un prestataire fait toujours les mêmes erreurs de facturation, nous cherchons le dialogue pour trouver une solution durable, plutôt que de devoir systématiquement contester ses factures. Le but n’est donc pas d’économiser à tout prix, mais de nous assurer que ce qui est payé correspond effectivement aux prestations réalisées. Le contrôle permet en cela aussi de modifier les pratiques des prestataires pour qu’elles soient conformes à la loi

Certains prestataires se plaignent parfois de ce contrôle, et parlent d’une pression importante. Mais qu’arriverait-il si on se passait du contrôle des factures ?
Cela aurait pour effet de renchérir massivement le système de santé. La situation se dégraderait très vite puisque comme évoqué, il y a les sommes effectivement économisés, mais aussi l’effet préventif. En outre, il n’y a pas que les prestataires, mais aussi les assurés qui envoient parfois des factures sans savoir qu’il s’agit de prestations qui ne sont pas remboursées.

Justement, quels sont les problèmes les plus courants. Des erreurs ou des abus ?
Ce sont les erreurs de facturation qui représentent la plus grande partie. Mais il y a aussi de la surmédicalisation, soit des prestations inutiles – un problème que nous pouvons par exemple détecter en évaluant les coûts par prestataire et en les comparant à la moyenne. Et puis il y a bien sûr les fraudes avec une réelle intention de tromper et de s’enrichir indûment sur le dos des payeurs de primes.

Comment détecte-t-on de tels abus ? N’est-ce pas mission impossible, dès lors qu’il y a une volonté de tromper, par exemple en fabriquant des faux ?
Nous avons heureusement une large palette d’outils qui nous permettent de voir beaucoup de choses. D’une part, les avancées technologiques, avec l’analysée de donnée, le machine learning ou l’IA. Et parfois, le plus efficace est aussi de s’en remettre à des techniques toutes simples, comme p.ex. de poser des questions au patient, ce qui peut mettre en évidence des incohérences qui ne sont pas du tout visibles sur une facture qui apparaît comme formellement « correcte ».

Que peut-on encore améliorer dans le contrôle des coûts et des factures ?
D’un côté évidemment la technique. Mais je dirais surtout qu’aujourd’hui, le rôle du patient et de l’assuré est sous-exploité. Car le contrôle le plus efficace d’une facture est en réalité celui effectué par le patient, puisqu’il sait exactement ce qui s’est passé (ou pas) chez tel prestataire. Et d’autre part, il faut informer et sensibiliser à la question des coûts. Cela ne veut pas nécessairement dire renoncer à des prestations. Mais savoir où et quand recourir à quelle offre de soins. Je pense par exemple aux urgences, qui sont nettement trop fréquentées par rapport aux besoins réels, engendrant des coûts inutiles.

Les réserves de l’assurance de base correspondent à quatre fois les dépenses mensuelles. Ce niveau est approprié et ne justifie pas une réglementation supplémentaire. curafutura est donc déçue des décisions prises aujourd’hui par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N). Celle-ci recommande de donner suite à une initiative visant à fixer un plafond contraignant pour les réserves.

Les réserves des assureurs-maladie garantissent la stabilité financière du système de santé et permettent à tout moment le remboursement des prestations de santé. Il n’est donc pas judicieux de les réduire à tout prix. Il est d’autant plus regrettable que l’initiative Nantermod ait été suivie aujourd’hui. Celle-ci exige que les réserves des assureurs soient limitées à un maximum de 150 % du taux de solvabilité. Une telle réglementation est critique tant pour la stabilité du système (financement des prestations) que pour les assurés (augmentations de primes et effets yoyo sur les primes). curafutura regrette donc le résultat et salue le fait que la commission n’ait tout de même pas donné suite aux deux initiatives cantonales matériellement identiques.

L’intervention Nantermod ne tient notamment pas compte du fait que l’ordonnance sur la surveillance de l’assurance-maladie (OSAMal) a déjà été modifiée en avril 2021. Il existe désormais plus de flexibilité pour réduire les réserves. Grâce à la révision, les assureurs-maladie peuvent, à partir d’un taux de solvabilité minimal de 100 %, réduire volontairement leurs réserves et « calculer au plus juste » les primes pour leur plan de réduction ou prendre plus de risques dans leurs calculs de primes. Il apparaît d’ores et déjà que les nouvelles modifications portent leurs fruits : dans le cadre de la communication des primes 2022, les assureurs- maladie ont restitué 380 millions de francs aux assurés. De nouvelles modifications réglementaires ne sont donc pas nécessaires.

curafutura prend acte de la décision de modifier la procédure en cas de non-paiement des primes. La confirmation de la décision du Conseil des États de ne pas transférer les dettes aux mineurs et la possibilité pour les cantons de reprendre les actes de défaut de biens est positive. curafutura salue le fait que, contrairement à l’avis du Conseil des États, l’obligation d’admettre les mauvais payeurs dans un modèle d’assurance avec choix restreint du fournisseur de prestations (MAA) ait été supprimée. Cela n’aurait que des conséquences indésirables pour les assurés qui ont opté de leur plein gré pour un MAA.

Position curafutura

Selon l’article 61, alinéa 2bis LAMal, les assureurs peuvent échelonner les primes à l’intérieur d’un canton s’il existe des différences de coûts entre les régions de primes. Conformément à cette disposition légale, curafutura prend acte de la réduction prévue des différences maximales de primes dans les cantons de Fribourg, Lucerne et Saint-Gall.

curafutura rejette les deux nouvelles dispositions de l’ordonnance du DFI (art. 2, al. 2 et 3), à savoir le plafonnement de la différence maximale de primes pour les formes particulières d’assurance et la condition selon laquelle les primes peuvent être échelonnées exclusivement par ordre décroissant entre les régions de primes.

Raisons

La modification de l’ordonnance du DFI sur les régions de primes fait suite au fait que dans trois cantons, les différences maximales de primes entre les régions de primes actuellement en vigueur ne sont plus conformes à la loi. curafutura estime que cette mesure est compréhensible. Afin de garantir une certaine stabilité des primes, de telles adaptations ne devraient toutefois pas être trop fréquentes à l’avenir. Du point de vue de curafutura, aucune modification ne devrait être effectuée pendant une phase d’au moins cinq ans dans les cantons concernés. Pour les deux nouvelles dispositions de l’ordonnance, curafutura remet en question la base légale : la LAMal ne prescrit ni un plafonnement de la différence maximale de primes, ni un ordre précis pour les régions de primes. Elle stipule simplement que des différences de primes sont possibles sur la base des différences de coûts effectives et des régions de primes définies par le département.

Les différences régionales de coûts entre les collectifs des formes particulières d’assurance peuvent, dans certains cas, être plus élevées qu’entre les collectifs des assurances ordinaires. Un plafonnement de la différence de prime maximale (art. 2, al. 2) ne tiendrait pas compte de cette situation. Il est également possible que, pour un assureur donné dans un canton donné, le collectif de la région de primes 1 présente des coûts plus avantageux que le collectif de la région de primes 2. L’introduction d’une hiérarchie fixe pour les régions de primes (art. 2, al. 3) a toutefois pour conséquence que, dans de tels cas, il n’est pas possible de proposer des primes plus basses dans la région 1 que dans la région 2, bien que la différence de coûts observée le justifierait. Les assurés de la région 1 seraient par conséquent désavantagés par rapport aux assurés de la région 2.

D’un point de vue juridique, il faut encore mentionner les arguments suivants :

Pour ces raisons, curafutura est d’avis que les deux nouvelles dispositions du projet d’ordonnance outrepassent en partie la volonté légale d’autoriser des différences de primes en raison de différences de coûts et entraînent une restriction injustifiée pour certains collectifs d’assurés. De plus, ces dispositions constituent une intervention inutile dans la fixation des primes par les assureurs. curafutura demande donc la suppression de l’art. 2, al. 2 et 3.

La révision du système de marges de distribution et les autres mesures permettront des centaines de millions de francs d’économies chaque année

curafutura salue les décisions prises par la Commission de la santé du Conseil des États visant à réduire les dépenses dans le domaine des médicaments. Le paquet de mesures soutenu par la CSSS-E comprend tout d’abord la révision du système de marges de distribution, qui permettra d’accroître le recours aux médicaments génériques et biosimilaires. Il prévoit en outre de faire baisser les prix de fabrique des médicaments génériques ainsi que la création d’incitations tarifaires amenant les pharmaciens et les médecins à remettre davantage de médicaments génériques à la place d’originaux plus onéreux. Ces mesures remplacent un système de prix de référence dont le projet était nettement trop rigide et qui aurait pu engendrer des problèmes d’approvisionnement.

curafutura se félicite que l’importance de la révision du système de marges de distribution soit enfin reconnue. La situation actuelle est contre-productive : les pharmaciens et les médecins ont aujourd’hui un intérêt direct à remettre des médicaments originaux, car la marge est nettement plus élevée que pour les médicaments génériques et les biosimilaires. Il convient d’éliminer cette mauvaise incitation connue de longue date et largement responsable de la très faible part de marché des génériques (seulement 20%) et des biosimilaires en Suisse.

La révision du système de marges de distribution ainsi que la baisse du prix de fabrique des génériques permettront des économies de plusieurs centaines de millions de francs chaque année. En outre, les mesures peuvent être mises en oeuvre par voie d’ordonnance et donc rapidement applicables. Cette voie pragmatique confirmée par la CSSS-E, après le Conseil national, est judicieuse et préférable à un système de prix de référence dont les modalités étaient beaucoup trop rigides qui aurait mis en péril la sécurité de l’approvisionnement.

Droit de recours des assureurs contre les planifications hospitalières
curafutura salue par ailleurs la décision de la CSSS-E pour l’instauration d’un droit de recours en matière de planification hospitalière. Les assureurs pourront ainsi recourir contre les planifications hospitalières et les listes d’hôpitaux des cantons et pourront faire valoir la question de l’évolution des coûts, qui est parfois trop peu prise en compte.

Mesures de gestion des coûts
En revanche, curafutura regrette une autre décision de la CSSS-E, qui soutient de justesse les mesures proposées de gestion des coûts. Cet instrument est entièrement étranger au système de santé, impraticable et risque d’entraîner une sous-médicalisation ou d’encourager des prestations inadaptées, ce qui est contraire à l’intérêt des patients.

Les primes baisseront en moyenne de 0,2% en 2022. curafutura salue cette évolution, qui confirme la stabilisation observée les trois années précédentes (+1,2% en 2019 ; +0,2% en 2020 ; +0,5% en 2021). Pour que cette évolution des primes modérée se poursuive, des réformes urgentes sont nécessaires pour améliorer le système de santé, telles que l’entrée en vigueur du nouveau tarif médical TARDOC et du financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS).

Le Département fédéral de l’intérieur a annoncé mardi une baisse des primes de 0,2% pour l’année 2022. Cette évolution réjouissante confirme la tendance à la stabilisation observée depuis 2019. En outre, les assureurs procèderont en 2022 à une réduction volontaire des réserves à hauteur de 380 millions de francs. Les baisses cumulées de la prime moyenne et des réserves signifient que la charge des primes diminuera globalement de 1,3%.

La stabilisation des primes depuis 2019 et la baisse des primes en 2022 ne doit cependant pas nous faire oublier que des réformes du système de santé sont encore nécessaires pour améliorer l’efficience, sans quoi les primes repartiront à la hausse. Premièrement, il faut faire aboutir rapidement la réforme du financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires. Celui-ci favorisera le transfert des prestations vers l’ambulatoire et porte un potentiel d’économies de 1 milliard de francs par année. Deuxièmement, le tarif médical doit enfin être révisé grâce au nouveau tarif TARDOC. A l’heure actuelle, un tiers des primes, soit environ 12 milliards de francs par année, est utilisé selon le tarif obsolète TARMED, ce qui entraîne un gaspillage financier considérable et crée de mauvaises incitations médicales au détriment des patients.

Troisièmement, dans le domaine des médicaments, le recours aux génériques et aux biosimilaires doit être accru. La solution pour ce faire est connue de longue date, mais toujours pas appliquée. Il faut revoir le système de marges de distribution. Dans le système actuel, les médecins et pharmaciens ont une incitation directe à remettre un original, car cela est plus avantageux financièrement pour eux, ce qui explique le faible taux de substitution par des génériques ou des biosimilaires.