La coopération est l’une des valeurs fondamentales de curafutura : les meilleures solutions naissent souvent de partenariats entre les acteurs. C’est dans cet esprit que nous donnons la parole aux acteurs du système de santé dans une série d’interviews.

Stefan Felder estime qu’il est trompeur de parler d’assurance de base en Suisse: «Dans les faits, nous avons une assurance intégrale obligatoire.» L’économiste de la santé de l’Université de Bâle insiste sur l’importance d’éditer des règles claires et de réduire les prestations dans l’assurance obligatoire des soins (AOS).
Stefan Felder est professeur d’économie de la santé à l’Université de Bâle et directeur du Basel Center for Health Economics. Ses recherches portent notamment sur la concurrence et la régulation dans l’assurance-maladie ainsi que sur la définition de priorités pour les prestations médicales.
Comment caractériseriez-vous le catalogue de prestations de l’assurance de base?

Parler d’assurance de base est en fait trompeur. Si l’on regarde le catalogue de prestations de l’AOS, nous avons tout le contraire d’une assurance de base. C’est une assurance intégrale pour tout et pour tous, comme il n’en existe nulle part ailleurs dans le monde. Elle a été votée par le peuple en 1994 et depuis, l’étendue de sa couverture ne cesse d’augmenter, avec les progrès techniques de la médecine et les besoins croissants des assurés. L’assurance de base couvre 97 à 98% de ce qui est aujourd’hui médicalement possible.

Faudrait-il restreindre le catalogue?

Il est urgent de limiter le catalogue de prestations – mais personne ne veut en entendre parler. Les fournisseurs de prestations sont aujourd’hui libres d’essayer des nouveautés, sans devoir généralement obtenir au préalable une garantie de prise en charge des coûts. Ainsi, le catalogue de prestations se développe de manière dynamique. La croissance provient moins de l’évolution des prix que de celle des quantités.

Quel est le rôle des assurances complémentaires?

Le domaine de l’assurance complémentaire est peu dynamique; il est phagocyté par l’AOS qui absorbe en permanence toutes les nouveautés. La part de l’assurance privée dans le financement des dépenses de santé est d’à peine 6,5% – et la tendance est à la baisse. L’accès au médecin-chef et à une chambre à un lit à l’hôpital ne signifient pas une meilleure prise en charge médicale – dans l’assurance complémentaire, on paie surtout pour un meilleur confort. Cette évolution est absurde. C’est l’inverse qui devrait se produire: plus une société est riche, plus la part de l’assurance maladie privée dans les coûts totaux des soins de santé devrait être élevée.

Chaque automne, nous débattons de l’augmentation des primes d’assurance-maladie. Le reste de l’année, de nombreux acteurs, politiciens et médias font pression pour que de nouvelles prestations soient intégrées au catalogue de l’AOS.

Personne ou presque ne sait que les primes, compte tenu des réductions individuelles, ne financent qu’environ 30% des dépenses de santé. La politique et l’administration distribuent des cadeaux et les assureurs sont limités dans leurs possibilités. Les nombreuses sources de financement qui se superposent brouillent les responsabilités.

Vous semblez résigné.

Je suis réaliste. Si nous considérons l’avenir, cette tendance va se poursuivre. Chaque année, nous avons 3 ou 4% de dépenses supplémentaires. Le problème fondamental dans le domaine de la santé est que la responsabilité de l’État n’est pas réglée. Où s’arrête la responsabilité de l’État? Tout le monde a-t-il droit à une «médecine présidentielle», digne de celle prodiguée au président américain? Bien sûr que non: il doit y avoir une limite où s’arrête la responsabilité de l’État et où commence celle des particuliers. Cette discussion n’est pas agréable et elle n’est pas menée.

Le catalogue de prestations de l’AOS doit être taillé et élagué. L’obstacle: chacun s’évertue à défendre son pré carré.
Comment briser cette spirale?

En 2010, le Tribunal fédéral déplorait déjà que le monde politique n’ait pas défini les critères d’évaluation du rapport coût-efficacité des prestations médicales. Il faut des règles explicites sur la manière de mesurer l’utilité d’une thérapie et de la comparer aux coûts, et déterminer ce que la société est prête à payer pour cela. C’est ce que font depuis longtemps l’Angleterre et les pays scandinaves.

Où nous situons-nous par rapport aux autres pays?

Nous sommes à la pointe, surtout en ce qui concerne l’accès aux services médicaux. La densité de médecins établis, notamment de spécialistes, est très élevée. Contrairement aux pays voisins, il n’y a pratiquement pas de temps d’attente pour les traitements électifs. Il y a actuellement un engorgement en matière d’autorisation et de remboursement de nouveaux médicaments coûteux. Le fait que nous n’ayons pas de base légale convaincante pour mesurer l’utilité des prestations médicales se retourne contre nous.

Si vous pouviez apporter un changement à la loi, quel serait-il?

Bientôt trente ans après la votation populaire sur l’AOS, il manque un cadre légal quant à l’exécution des trois critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité. J’y ajouterais un passage comme dans la loi allemande: «L’évaluation du rapport coût-efficacité se fait sur la base de normes internationales de médecine basée sur des preuves et d’économie de la santé, reconnues dans les milieux professionnels concernés.»

Les bases sont là, il suffit de les utiliser: pourquoi la discussion sur les coûts et les bénéfices des thérapies médicales est-elle mal vue?
Qu’est-ce qui vous incite à participer au débat sur les frais médicaux?

Ma motivation repose sur un constat simple: nous pouvons organiser notre système de santé de manière plus efficace et plus performante sans que la qualité n’en pâtisse. Dans le débat sur les coûts de la santé, nombre d’arguments sont fallacieux et uniquement destinés à garantir le maintien du pouvoir et des prébendes. Et là, je me suis donné pour mission d’agacer les médecins.

Pour quelle raison?

Parce qu’en règle générale, ils ne veulent pas mener la discussion sur l’établissement de règles claires. Disons-le clairement: l’hôpital universitaire de Bâle réalise un chiffre d’affaires annuel de 1,3 milliard de francs – et est géré comme une coalition de royaumes. On dispose des appareils les plus modernes et, en même temps, de méthodes de gestion et de processus désuets. Conséquence: tout est terriblement cher.

Les coûts liés à notre système de santé évoluent dans la mauvaise direction. Une forte hausse se dessine au deuxième trimestre également, à quelques exceptions près. L’automne s’annonce donc rigoureux au niveau des primes.

De juillet 2022 à juin 2023, chaque personne assurée en Suisse a bénéficié en moyenne pour 4447 francs de prestations à charge de l’assurance obligatoire des soins. Cela correspond à une hausse de 4,2% par rapport à la même période l’année précédente (de juillet 2021 à juin 2022). À cet égard, la physiothérapie (6%), le domaine hospitalier stationnaire (5,4%), les services d’aide et de soins à domicile (5,4%), les EMS (5%) et les pharmacies (4,6%)  – donc les médicaments – affichent une hausse supérieure à la moyenne.

Cette évolution est de mauvaise augure pour cet automne, lorsqu’il faudra communiquer les nouvelles primes d’assurance. «De nombreux éléments indiquent qu’il y aura une hausse des primes d’une ampleur rarement vue», affirme Pius Zängerle, directeur de curafutura. L’année passée déjà, le Conseil fédéral avait été dans l’obligation de communiquer une hausse des primes de 6,6%. Voilà qui tendrait à faire oublier les quatre années précédentes, au cours desquelles les hausses de prime effectives ont été de 1,0% en 2019, de 0,1% en 2020, de 0,3% en 2021 et de -0,7% en 2022, ce qui a contribué à stabiliser la situation. Les assureurs font tout leur possible pour contenir la hausse des primes. Leur motivation est de ne pas devoir soumettre pour approbation des primes plus élevées, dans le but d’attirer le plus de nouveaux assurés ou de garder leur clientèle. Toutefois, les primes doivent couvrir les coûts. Ce qui, pour l’instant, ne semble pas être le cas.

Pour curafutura, l’association des quatre assureurs CSS, Helsana, Sanitas et KPT, les grandes réformes sont le meilleur moyen de garder la maîtrise des coûts en éliminant les incitatifs erronés du système: parmi elles, citons le tarif médical ambulatoire, le financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS) et la révision des marges des pharmaciens pour la remise de génériques. curafutura s’engage également en faveur d’une intervention tarifaire pour la physiothérapie, «car certaines positions tarifaires favorisent un décompte injuste», précise Pius Zängerle.

Parmi les hausses, relevons celle des traitements ambulatoires dans les cabinets médicaux, qui de juillet 2022 à juin 2023 est en hausse de 2,7%, et celle des traitements hospitaliers en ambulatoire, qui a augmenté de 2,6%. Ces deux groupes de coûts sont donc dans les limites acceptées par l’Office fédéral de la santé publique. Seuls les laboratoires sont en recul, à -9,2%. Cette évolution est le résultat de la baisse des tarifs de laboratoire de 10% ordonnée par le DFI en 2022. Cette révision avait été justifiée notamment par les tarifs de laboratoire dans les cabinets médicaux, qui, d’après le Surveillant des prix, étaient en moyenne 4,5 fois supérieurs à ceux pratiqués dans des pays comparables. Voilà qui prouve que le potentiel d’économie sur les prix administrés (p. ex. laboratoire, pharmacie, LiMA) doit être mis à profit au fur et à mesure et de manière récurrente afin d’atténuer la hausse des coûts.

curafutura propose que le réexamen des prix se fasse chaque année pour les médicaments les plus vendus

Le réexamen triennal des médicaments devrait générer des économies de près de 150 millions de francs pour l’année 2023, selon une nouvelle analyse réalisée par curafutura. Cependant, le potentiel de cette mesure est loin d’être entièrement exploité. curafutura pose par conséquent une nouvelle nouvelle revendication afin que le contrôle des prix se fasse plus souvent. Concrètement, nous demandons que les médicaments ayant un chiffre d’affaires d’au moins 10 millions de francs fassent l’objet d’un réexamen non pas triennal, mais annuel. Avec cette mesure, des économies supplémentaires de près de 100 millions de francs pourraient être réalisées en 2023. Ce sont les payeurs de primes qui en profiteraient.

 Parmi les différentes mesures concernant les prix des médicaments, le réexamen triennal est celle qui contribue le plus à freiner la hausse des coûts. Selon les calculs de curafutura, le réexamen triennal des prix des médicaments générera, pour l’année 2023, des économies de près de 150 millions de francs.

Des économies particulièrement importantes sont attendues pour le Remicade. Ce médicament appartenant au groupe des immunosuppresseurs devrait voir son prix diminuer de 32% en 2023. Cette baisse entraînera des économies durables de 27,9 millions de francs par an. Autre exemple, le médicament Humira, qui fait également partie du groupe des immunosuppresseurs: son prix devrait baisser de 23%, conduisant à des économies de 26,3 millions de francs par an.

Néanmoins, le potentiel est loin d’être entièrement épuisé. Si le réexamen des prix de tous les médicaments était effectué chaque année – au lieu de tous les trois ans – les économies seraient nettement plus élevées.

Réexamen annuel à partir d’un chiffre d’affaires de 10 millions de francs

Les demandes visant à accélérer le rythme du réexamen des prix des médicaments et à passer à un réexamen annuel plutôt que triennal sont restées lettre morte jusqu’à présent, notamment en raison de la charge de travail supplémentaire que cela représenterait pour l’administration. curafutura propose donc aujourd’hui une solution intermédiaire avec un réexamen annuel uniquemenrt pour les médicaments dont les ventes atteignent au moins 10 millions de francs par an. Il s’agirait de 200 produits sur un total de 3000 médicaments. Ce réexamen annuel pour les médicaments ayant les chiffres d’affaires les plus importants permettrait, pour la seule année 2023, d’économiser près de 100 millions de francs supplémentaires.

Cette requête a été intégrée au message concernant la modification de la loi sur l’assurance-maladie et le 2e volet de mesures visant à maîtriser les coûts. Ce volet prévoit un réexamen différencié des critères EAE  prévus à l’article 32 LAMal. Selon celui-ci, le Conseil fédéral est habilité à déterminer comment et quand le réexamen périodique des prestations doit être effectué selon les critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité (EAE).

« Nous défendons cette mesure, car son effet sur la maîtrise des coûts serait considérable », souligne Pius Zängerle, directeur de curafutura. Il ajoute qu’il est important, pour les assurés, de payer leurs médicaments à un prix économique, comme la loi le stipule depuis très longtemps déjà. curafutura estime qu’il ne faut pas céder sur ce thème. «Il suffit déjà d’observer le grand impact de l’examen triennal sur les prix des médicaments», affirme Pius Zängerle. « Nous devons donc mieux exploiter ce potentiel ».

Objectif du réexamen triennal: vérifier et adapter les prix des médicaments

L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) effectue chaque année l’examen triennal par tranches. Cet examen sert à vérifier régulièrement les prix des médicaments et à les adapter le cas échéant.

Ce processus permet de garantir que les critères d’admission suivants sont constamment remplis. Les médicaments doivent être efficaces, adéquats et économiques. Les médicaments qui sont pris en charge par l’assurance obligatoire des soins sont vérifiés régulièrement. Tous les médicaments ne sont pas examinés en une fois, mais à tour de rôle, à raison d’un tiers des groupes thérapeutiques à chaque fois.

La tranche 2023 concerne des médicaments représentant environ la moitié des dépenses de médicaments dans l’assurance de base. La difficulté actuelle réside dans le fait que, souvent, le tour de certains médicaments ne vient pas, alors qu’ils devraient normalement être véri-fiés. Il s’agit de produits qui, à cause de réglementations exceptionnelles, échappent à l’examen systématique parce que les indications ou les limitations changent. curafutura de-mande que les règles soient adaptées pour que tous les médicaments dont c’est le tour d’être examinés le soient effectivement.

curafutura procède chaque année à une estimation du potentiel d’économies de la tranche de médicaments à examiner et la communique à l’OFSP comme élément de référence.

CONTEXTE

Le financement des prestations ambulatoires et stationnaires dans l’assurance obligatoire des soins est actuellement inégal: les prestations stationnaires sont payées conjointement selon un système dual-fixe par les assureurs-maladie (45%) et les cantons (55%), alors que les prestations ambulatoires sont entièrement financées par les payeurs de primes. Ce financement inégal engendre de mauvaises incitations qui ont pour conséquences des soins inappropriés et excédentaires. Grâce à la réforme du financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS), les cantons et les assureurs-maladie financeront ensemble tous les coûts selon une même clé de répartition, ce qui permettra d’éliminer les mauvaises incitations.

POSITION DE CURAFUTURA

curafutura est favorable à l’introduction du financement uniforme EFAS, avec intégration des soins de longue durée à des conditions claires, pour les raisons suivantes:

(1) EFAS crée les mêmes incitations pour tous les acteurs

EFAS incite les cantons et les assureurs à choisir les soins les plus efficaces, sans perdre en qualité des soins. Ainsi, les deux porteurs de coûts s’engagent pour que les coûts de la santé restent supportables, ce qui profite à l’ensemble du système.

(2) EFAS donne un nouvel élan aux soins coordonnés

Aujourd’hui déjà, les assurés peuvent bénéficier, grâce aux modèles de soins intégrés, de rabais de primes par rapport au modèle d’assurance standard, car les soins coordonnés permettent d’éviter des séjours hospitaliers inutiles et de réduire les coûts. Avec EFAS, les économies réalisées par les modèles d’assurance alternatifs (MAA) seront plus importantes, car les contributions cantonales seront réparties de manière égale entre les différents MAA. Les primes baisseront donc davantage dans ces modèles, ce qui les rendra encore plus attrayants pour les assurés.

(3) EFAS permet de rendre socialement acceptable le transfert du domaine stationnaire vers le domaine ambulatoire

Le transfert du stationnaire vers l’ambulatoire, qui est médicalement possible, judicieux pour l’ensemble de l’économie et souhaité politiquement, pèse proportionnellement plus lourdement sur les assurés aux revenus faibles et moyens puisque les primes ne dépendent pas du revenu, à la différence des impôts. Avec EFAS, ce transfert est rendu socialement acceptable grâce à la participation financière des cantons dans le domaine ambulatoire.

(4) Intégration à EFAS des soins de longue durée à des conditions claires

Le financement des soins de longue durée nécessite une transparence complète sur les coûts obligatoirement à charge de l’AOS et une délimitation univoque des prestations de soins par rapport aux prestations d’assistance. Afin de permettre à EFAS en tant que réforme cruciale d’être adoptée plus facilement, curafutura soutient l’intégration des soins de longue durée si celle-ci est soumise à des conditions claires et applicables. La transparence des coûts dans le secteur des soins en fait partie. De plus, l’entrée en vigueur d’EFAS dans le domaine des soins aigus ne doit pas être retardée en raison de l’intégration des soins des soins de longue durée. Enfin, EFAS ne doit pas entraîner de surcoûts pour les assurés. Ce n’est que si ces conditions sont pleinement satisfaites que l’intégration des soins de longue durée peut être réalisée.

(5) Même avec EFAS, le contrôle des factures est une tâche centrale des assureurs

Pour curafutura, les cantons ne doivent pas pouvoir refuser la prise en charge des coûts si les conditions formelles ne sont pas remplies. Ils ne sauraient non plus avoir accès à la totalité des factures originales concernant le domaine hospitalier. Cela entraînerait des doublons inutiles et contredirait l’esprit fondamental de la réforme EFAS. De plus, la question de la protection des données de la personne assurée se pose si plusieurs instances disposent des données la concernant. curafutura estime que les cantons n’ont pas besoin d’avoir accès aux données de facturation individuelles dans le domaine stationnaire pour s’acquitter de leurs tâches.

(6) Pas d’extension de la restriction des admissions dans le domaine ambulatoire

curafutura estime que les prestations qui ne sont pas nécessaires peuvent déjà être évitées en recourant aux dispositifs de contrôle de l’économicité (critères EAE) et de développement de la qualité existants. De plus, il est préférable d’attendre les expériences qui découleront de la mise en œuvre de l’art. 55a LAMal avant de soumettre trop rapidement d’autres secteurs à la restriction des admissions. curafutura est opposée à la création de possibilités de pilotage pour les cantons en cas de forte hausse des coûts dans le domaine ambulatoire, car cela ne reviendrait en réalité qu’à instaurer une réglementation inutile de plus.

Le concept de neutralité des coûts du TARDOC garantit une évolution des coûts inférieure à la moyenne et soulage durablement les payeurs de primes

 curafutura a analysé l’impact qu’aura le nouveau tarif médical TARDOC sur l’évolution des coûts de la santé. Les payeurs de primes seront considérablement soulagés grâce à un plafond de coûts contraignant. L’analyse montre que sur une phase de neutralité des coûts de trois ans, les économies se montent à 600 millions de francs – récurrentes chaque année. TARDOC peut donc apporter une contribution importante à la maîtrise des coûts. Cela est d’autant plus nécessaire après la hausse marquée des primes en 2023 et au vu de la forte évolution actuelle des coûts.

 Le nouveau tarif médical ambulatoire TARDOC contribue de manière significative à la maîtrise des coûts. Le concept de neutralité des coûts (lien) fait partie intégrante du nouveau tarif médical TARDOC. Il a été convenu contractuellement entre les partenaires tarifaires et permet de contrôler les coûts après l’entrée en vigueur du tarif TARDOC, qui doit remplacer le TARMED. L’élément central du concept de neutralité des coûts est la définition d’un corridor contraignant pour l’évolution des coûts par rapport à l’année précédant le changement de tarif. La limite inférieure du corridor est de -1% par an (baisse des coûts) et la limite supérieure de +2% par an (hausse des coûts). Toutes les prestations facturées via TARDOC y sont incluses.

Cela signifie que si les coûts évoluent en dehors de ce corridor, des mécanismes de correction tarifaire et de compensation sont déclenchés afin de ramener les coûts dans le corridor. En revanche, si les coûts évoluent à l’intérieur du corridor (entre -1% et +2%), aucune correction n’est nécessaire.

Un potentiel d’économies d’au moins 187 millions de francs en un an

A titre d’illustration, curafutura présente aujourd’hui une analyse basée sur les dernières données relatives à l’évolution des coûts en 2022. Cette analyse montre comment les coûts auraient évolué si le nouveau tarif médical TARDOC était déjà en vigueur et donc si son le concept de neutralité des coûts était déjà appliqué.

Les coûts ambulatoires ont augmenté de 3,5% en 2022 (lien). Comme cette évolution des coûts se situe en dehors du corridor de neutralité des coûts (trop élevé), le TARDOC aurait déclenché des mesures de correction tarifaire et de compensation afin de repasser sous la limite supérieure de +2%. De cette manière, on aurait économisé 1,5% de points de pourcentage, ce qui correspond à 187 millions de francs d’économies en une seule année.

Économies annuelles récurrentes de 600 millions de francs au bout de trois ans

Le concept de neutralité des coûts ne s’applique pas seulement pendant une année: la phase de neutralité des coûts dure au moins trois ans après l’entrée en vigueur du tarif. Le Conseil fédéral peut en outre décider de prolonger cette phase si les conditions qu’il a fixées ne sont pas encore remplies et un monitoring à long terme a été convenu. Lorsque l’on calcule l’impact du TARDOC sur l’évolution des coûts de la santé, il faut donc se baser sur la durée minimale de la phase de neutralité des coûts, c’est-à-dire trois ans.

Sur une phase de neutralité des coûts de trois ans, les économies atteindront 600 millions de francs si la croissance dans le secteur ambulatoire reste de 3,5% par année. Cette hypothèse de croissance est modeste, étant donné que le volume du secteur ambulatoire a augmenté de plus de 4% au cours des années « normales » (à l’exception des années Covid par exemple). Si c’était également le cas dans les années à venir, les économies seraient encore plus élevées que 600 millions de francs.

Le TARDOC jouera un rôle central de stabilisateur des coûts de l’assurance de base

Avec son concept de neutralité des coûts, le TARDOC apporte donc dans le domaine ambulatoire – en plus de l’objectif principal de la révision attendue du tarif médical – une prévisibilité et un frein aux coûts pour plusieurs années. « Après l’augmentation des primes en 2023 et au vu de l’évolution actuelle des coûts, il s’agit là d’une nouvelle bienvenue », déclare Pius Zängerle, directeur de curafutura.

Le TARDOC joue aussi un rôle de frein pour les coûts globaux de l’assurance de base (AOS). En effet, le tarif médical est de loin le tarif le plus important de l’AOS : il représente un tiers des dépenses de l’AOS, soit environ 13 milliards de francs par an. La maîtrise des coûts apportée par un tarif actualisé sur le plan médical et économique a donc une influence considérable sur les coûts globaux de l’AOS et donc sur les primes des assurés.

Neutralité des coûts: les exigences doivent être les mêmes pour tous

curafutura attend avec intérêt le concept de neutralité des coûts des forfaits ambulatoires. Dans ce contexte, il sera important que le Conseil fédéral pose les mêmes exigences aux deux projets et qu’il les évalue selon les mêmes critères. Cela permettra d’éviter une situation où l’on ferait des économies d’un côté tout en dépensant trop de moyens financiers de l’autre. Tous les documents relatifs aux futurs tarifs médicaux doivent être transmis à l’Organisation pour les tarifs médicaux ambulatoires (OTMA) jusqu’au 30 juin 2023.

Fonctionnement du concept de neutralité des coûts

L’exigence de neutralité des coûts découle de l’art. 59c, al. 1, let. c, de l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal) : « un changement de modèle tarifaire ne doit pas entraîner de coûts supplémentaires ». L’objectif de cette disposition est que le passage de l’ancien tarif au nouveau tarif n’entraîne pas une augmentation artificielle des coûts qui serait uniquement due au changement de tarif.
curafutura publie le concept de neutralité des coûts du TARDOC afin d’apporter de la transpa-rence dans ce débat (lien). Le concept repose sur les bases économiques et techniques suivantes :
1) La combinaison des effets de prix et de quantité est pleinement prise en compte.
2) L’évolution des coûts est observée sur une période définie.
3) Les coûts supplémentaires ou moindres qui apparaissent dans d’autres tarifs sont pris en compte.
4) Les chocs exogènes, les interventions politiques ou les changements de structure et de prix dans d’autres tarifs ne doivent pas être imputés au changement de modèle tarifaire.

Jugement à la même aune pour le tarif à la prestation et les forfaits?

Il ne s’agit que d’une courte phrase dans l’ordonnance sur l’assurance-maladie; à peine huit mots (art. 59c al. 1 let. c OAMal) qui décrivent une condition – parmi d’autres – de la révision d’un tarif. Et pourtant, la neutralité des coûts est devenue l’un des enjeux majeurs et l’une des questions les plus âprement débattues dans la révision du TARMED. Ce faisant, on en oublierait presque que le but premier de la révision est tout autre… curafutura ne remet pas en question cette focalisation, mais il faudra s’assurer que tous les projets soient jugés à la même aune.
L’autorité d’approbation évaluera également la neutralité des coûts lors de la vérification des nouveaux tarifs.

Comment en sommes-nous arrivés là? En grande partie à cause de la pression politique. Inquiets de l’évolution des coûts de la santé, le Conseil fédéral, le DFI, mais aussi le Parlement ont fait de la neutralité des coûts l’alpha et l’oméga de cette révision tarifaire.

On peut comprendre cette focalisation. D’une part, le TARMED est de loin le plus grand tarif du système de santé avec 12 milliards de francs de prestations, soit un tiers de l’AOS. S’agissant d’un tel tarif « systémique », on tient à avoir de solides garanties lors d’une modification ; tous craignent de jouer aux apprentis sorciers en faisant le pas de la révision.

D’autre part, il existe un effet d’aubaine. Alors que différentes idées circulent actuellement sur la planification des coûts (pilotage des coûts et objectifs en matière de coûts; initiative pour un frein aux coûts), leurs partisans naturellement séduits par la perspective d’une phase de neutralité des coûts. En effet, la neutralité des coûts s’accompagne par définition d’une certaine prévisibilité de l’évolution des coûts, d’ordinaire assez volatile. Ce besoin de sécurité s’exprime également dans les demandes du Conseil fédéral qui a invité les partenaires tarifaires FMH, curafutura et SWICA à resserer le corridor du concept de neutralité des coûts du TARDOC. Nous l’avons fait. La limite supérieure d’évolution des coûts a ainsi été abaissée et est passée de +3% par année initialement à +2% dans la version définitive.

La neutralité des coûts doit être jugée partout à la même aune

La ténacité – certains diraient la sévérité – du Conseil fédéral concernant la neutralité des coûts du TARDOC se retrouve également dans les exigences adressées aux forfaits ambulatoires.

Dans ce contexte, nous saluons les explications du DFI et de l’OFSP, selon lesquelles le critère de neutralité des coûts est valable pour tous et dans la même mesure. Ce rappel peut sembler évident, mais il n’est sans doute pas inutile au vu des déclarations récentes de H+. La faîtière des hôpitaux semblait en effet prendre la question avec une certaine légèreté dans une newsletter: «Si les deux structures tarifaires sont remises et approuvées simultanément, la phase de neutralité des coûts dynamiques est caduque.» Ce n’est bien entendu pas le cas. Une neutralité des coûts statique et une neutralité des coûts dynamique doivent être garanties aussi bien pour le TARDOC que pour les forfaits ambulatoires. Pour le TARDOC, cette phase durera au moins trois ans.

Les hôpitaux trouveront-ils une voie médiane?

Nous attendons donc avec intérêt la soumission du concept définitif de neutralité des coûts pour les forfaits ambulatoires. Les hôpitaux devront s’accorder sur un concept contraignant bien en deçà de leurs exigences quant à une augmentation de tarif générale de 5%. À cela vient s’ajouter l’attente des hôpitaux universitaires selon laquelle la solution de leurs problèmes réside dans une augmentation sensible du tarif et non dans un accroissement de l’efficacité.

Nous en saurons bientôt plus. En effet, le délai fixé dans le cadre de l’organisation des tarifs médicaux ambulatoires (OTMA) pour la remise du TARDOC et des forfaits ambulatoires, soit le 30 juin 2023, approche à grands pas. C’est une bonne nouvelle.

Aucun pas en direction de la révision du tarif médical ne peut être trop rapide. Nous ne cessons de le réaliser dans nos discussions avec les médecins de famille et les pédiatres, qui nous parlent des problèmes que pose un tarif inapproprié pour les soins de base. Ou lorsque nous échangeons avec des psychiatres. Ou encore lorsque l’on parle de sous- et surtarification et des effets dramatiques des tarifs obsolètes sur l’approvisionnement en soins.

En avril 2013, les quatre assureurs CSS, Helsana, Sanitas et KPT ont décidé de poursuivre leur propre chemin. Ils ont alors créé curafutura. Dix années déjà ont passé. L’heure est aux célébrations chez curafutura, à l’heure où Josef Dittli remet la présidence à Konrad Graber.
Pius Zängerle, directeur

Le nouveau président Konrad Graber est une personnalité bien connue. De 2007 à 2019, il a été conseiller aux États du canton de Lucerne et a notamment présidé la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique. Jusqu’en avril 2023, il a aussi présidé le conseil d’administration d’Emmi et a siégé par le passé au conseil d’administration de CSS.

En considérant le chemin parcouru, et en repensant à nos débuts, nous nous souvenons évidemment aussi du premier président de curafutura, l’actuel conseiller fédéral Ignazio Cassis. En 2014, il déclarait à la presse, à propos de la fondation de curafutura: «Avec plus de 40% des assurés, nous avons une taille suffisante pour influencer le système de santé. (…).» Les fournisseurs de prestations ont aussi apprécié l’apparition de curafutura, puisqu’ils ont pu négocier avec un partenaire parlant clairement et ne repoussant pas d’emblée les propositions. L’espoir était permis, car les objectifs étaient identiques à ceux de nombreux fournisseurs de prestations.

Aujourd’hui, dix ans plus tard, nous pouvons en effet considérer avec fierté notre place dans le système de santé et ce que nous avons accompli. Après dix années de dur labeur, les réformes que nous visions sont à bout touchant. 

Un solide réseau

Ces dernières années, nous avons également tissé un solide réseau à l’échelon national. Aujourd’hui, nous sommes un partenaire apprécié sur le plan politique et un acteur incontournable en politique de la santé, dans tous les organes nationaux en matière de tarifs et de données. Actuellement, d’autres associations louent notre collaboration constructive. Cela me réjouit.

Au cours de mes huit années d’activité pour curafutura, il m’a souvent été demandé pourquoi deux faîtières étaient nécessaires. Voici certains des éléments qui me semblent répondre à cette question. Premièrement: car les assureurs n’ont pas tous le même ADN, ce qui offre le choix. Deuxièmement: car deux faîtières favorisent la concurrence et, dans le meilleur des cas, se complètent sur le plan stratégique. Cela nous amène au troisième point, à savoir à la réussite des réformes si celles-ci sont approuvées, car il est nécessaire d’enfin en finir avec les blocages pour pouvoir progresser.

Où en serions-nous aujourd’hui sans curafutura?

La réponse que je donne toutefois le plus volontiers à mes interlocuteurs est formulée sous forme de question: où en serions-nous aujourd’hui sans curafutura? Où en seraient le nouveau tarif médical, le financement uniforme et la révision des marges? Où en serait-on en ce qui concerne les psychothérapies psychologiques, un domaine où nous avons développé en un rien de temps une structure tarifaire qui est désormais appliquée? Y aurait-il une plateforme avec des notations d’études pour les art. 71a – 71d OAMal en matière d’usage hors étiquette pour l’évaluation au cas par cas de médicaments ne figurant pas sur la liste des médicaments à charge de l’assurance de base?

Le plus souvent, on répond à ma question par un haussement d’épaules. Ou un silence, parce qu’il semble difficile de donner une réponse.

Notre nouveau président Konrad Graber, un politicien très expérimenté et dont la réputation de bâtisseur de pont n’est plus à faire, a déclaré aux médias, quant à son objectif à la tête de curafutura, vouloir continuer à renforcer la position de curafutura comme acteur essentiel. Il va s’engager pour l’amélioration de l’efficacité du système de santé et pour la garantie d’un rapport équilibré entre des prestations de haute qualité et une évolution adéquate des coûts.

Il n’y pas grand-chose à ajouter à cela, chères lectrices, chers lecteurs. Après dix ans de travail acharné, il est l’heure pour moi de vous remercier vivement de votre confiance à l’égard de curafutura. Et de trinquer à une collaboration toujours orientée vers l’avenir et privilégiant la coopération et la transparence pour un système de santé moderne.

Konrad Graber, nouveau président
Le système de santé ne doit pas être complété par un nouveau type de réseaux de soins coordonnés. Il s’agit plutôt de revaloriser les modèles d’assurance alternatifs existants, qui sont aujourd’hui déjà performants. curafutura salue cette décision prudente de la Commission de la santé publique du Conseil national. La CSSS-N semble également consciente de la portée des décisions prises concernant le financement uniforme des prestations (EFAS) et cherche autant que possible des solutions viables à long terme. Cela va dans le bon sens, même si curafutura considère que le contrôle des factures incombe clairement aux assureurs et plaide pour la plus légère des variantes.

Ne pas modifier ce qui fonctionne bien, n’introduire des nouveautés que là où elles sont vraiment utiles et se donner le temps de la réflexion: c’est ainsi que l’on pourrait interpréter les décisions de la Commission de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) concernant le deuxième volet de mesures visant à freiner la hausse des coûts et le financement uniforme des prestations (EFAS). curafutura considère qu’il est positif d’assortir de conditions l’intégration des soins de longue durée dans le système de financement uniforme des prestations EFAS. En effet, sans transparence des coûts, l’intégration des soins de longue durée reste une boîte noire. Avec la transparence sur les coûts obligatoirement à charge de l’AOS, les soins pourront être intégrés de manière positive pour le système.

Les décisions prises en matière de contrôle des factures vont également dans la bonne direction. Ainsi, curafutura considère qu’il est essentiel que le contrôle des factures reste du ressort des assureurs et qu’il demeure leur cœur de métier. La proposition actuelle veut certes garantir aux cantons l’accès aux données du domaine hospitalier, mais il s’agit clairement d’éviter que des blocages ne surviennent sur le dos des patientes et des patients en raison du refus de prise en charge des coûts.

Le fait que la CSSS-N veuille examiner une nouvelle fois sa décision en toute sérénité et ne prendre une décision finale concernant EFAS que lors d’une prochaine séance témoigne de sa prudence. La commission semble consciente de la portée de sa décision. Pour curafutura, il s’agit toutefois d’une ombre au tableau, car le débat dure depuis longtemps et cette réforme importante doit enfin être menée à bon port.

Pas de réglementation supplémentaire inutile des réseaux

curafutura salue les décisions de la CSSS-N en lien avec le deuxième volet de mesures visant à freiner la hausse des coûts, en particulier concernant les réseaux de soins coordonnés. La commission s’oppose à la création d’une nouvelle catégorie de fournisseurs de prestations qui seraient chargés de gérer ces réseaux. Cette mesure n’aboutirait qu’à une lourdeur administrative, sans apporter aucun avantage supplémentaire. «Nous sommes convaincus qu’il n’est pas nécessaire de réglementer un domaine qui fonctionne déjà très bien, car les réseaux liés aux modèles alternatifs d’assurance se développent bien et de manière continue depuis des années», déclare Pius Zängerle, directeur de curafutura.

La CSSS-N a bien compris le succès et les avantages de la situation actuelle puisqu’elle demande, plutôt que de créer une nouvelle catégorie de fournisseurs de prestations, de faciliter le développement de modèles d’assurance alternatifs auxquels les assurés adhèrent volontairement (notamment en permettant la conclusion de contrats pluriannuels et un nouveau calcul des rabais sur les primes).

Les rhumatologues prescrivent plus souvent des biosimilaires que les gastroentérologues ou les dermatologues. Tel est le constat d’une étude mandatée par biosimilar.ch à l’OFAC et portant sur le comportement de prescription de l’adalimumab chez les patients qui commencent un traitement – aussi appelés patients naïfs dans la terminologie médicale. Les causes de ces différences parfois marquées sont difficiles à déterminer. En particulier pour les premiers traitements, des motifs d’ordre médical ne sauraient expliquer ces différences.

Dans l’ensemble, les biosimilaires affichent une croissance supérieure à la moyenne et se montant à +13% en 2022. Cette évolution est bénéfique pour freiner la hausse des coûts du système de santé suisse, car les biosimilaires ont une qualité et une efficacité équivalentes aux originaux, mais à un prix nettement inférieur. Toutefois, ce pas dans la bonne direction est loin de suffire: tant que les biosimilaires ne seront pas prescrits plus fréquemment, un énorme potentiel d’économies restera inexploité. Ainsi, près de 87 millions de francs continuent d’être dépensés inutilement – chaque année! Il est donc d’autant plus important d’éliminer rapidement l’incitatif financier erroné engendré par le système actuel de marges de distribution.

L’étude a porté sur les habitudes en matière de prescription de l’adalimumab par les rhumatologues, gastroentérologues et dermatologues en ce qui concerne l’utilisation de biosimilaires chez des patients qui commencent un traitement – aussi appelés patients naïfs dans la terminologie médicale. Les données concernant les prescriptions ont été analysées par la coopérative professionnelle des pharmaciens suisses, OFAC. Il s’avère que les rhumatologues sont exemplaires pour la prescription de biosimilaires: environ 68% des patients nouvellement traités à l’adalimumab ont reçu un biosimilaire en 2022, tendance à la hausse. En comparaison, le potentiel d’amélioration des gastroentérologues et dermatologues est encore significatif, avec respectivement 39% et 24% de biosimilaires prescrits pour les patients nouvellement traités. Les économies potentielles sont donc considérables.

Un potentiel d’économies inexploité toujours élevé

L’objectif doit être d’inciter davantage de spécialistes à suivre le mouvement. En effet, le potentiel d’économies représenté par les biosimilaires reste important. Comme le montre le baromètre des biosimilaires Suisse créé par biosimilar.ch, curafutura et Intergenerika, des coûts supplémentaires de 87 millions de francs ont grevé l’année dernière l’assurance de base obligatoire parce que les biosimilaires n’ont pas été prescrits de manière généralisée.

Néanmoins, en dépit de réticences persistantes, le marché des biosimilaires a augmenté de 30% en termes de volume. En 2022, 39 biosimilaires ont été commercialisés en Suisse, parmi lesquels les 7 biosimilaires de l’adalimumab, le médicament biologique le plus vendu, occupent une place notoire. Depuis novembre 2019, plusieurs millions de francs ont ainsi pu être économisés. Rien qu’en 2022, les économies ainsi réalisées en faveur de l’assurance de base obligatoire ont représenté plus de 10 millions de francs.

Toutefois, l’objectif d’une utilisation généralisée des biosimilaires est encore loin d’être atteint. Des différences notables dans le secteur hospitalier sont ainsi constatées. L’utilisation des biosimilaires de l’infliximab dans la région hospitalière de Berne/Soleure n’atteint par exemple même pas la moitié du niveau du Tessin ou de la Suisse romande.

La Confédération a les cartes en main

Des incitatifs erronés tels que le système actuel de marge de distribution des médicaments ont jusqu’à présent empêché une utilisation à plus large échelle des biosimilaires et des génériques. Le Département fédéral de l’intérieur l’a reconnu et propose, dans le cadre des modifications d’ordonnances actuellement prévues, que la marge soit identique pour des principes actifs identiques. Intergenerika et curafutura sont favorables à cette partie de la réforme, combinée à une révision du système de marges réclamée depuis longtemps afin d’éliminer les différences de marges entre les préparations originales et les biosimilaires ou génériques.

La mise en œuvre rapide d’un système de marges indépendantes du prix pour les mêmes principes actifs permettra d’éviter des coûts supplémentaires d’environ 1 milliard de francs d’ici 2030.

Afficher des positions extrêmes permet d’attirer l’attention médiatique et de pousser un agenda. La réalité se situe cependant souvent plutôt dans les nuances de gris que dans des déclarations à l’emporte-pièce. Ce fut le cas l’année dernière au cours du débat sur les coûts et c’est aussi le cas dans les discussions actuelles concernant les problèmes d’approvisionnement en soins.
Pius Zängerle, directeur curafutura

On se souvient ainsi que les acteurs les plus pessimistes annonçaient l’année passée des augmentations de primes pour 2023 supérieures à 10%. Elles ont finalement été de 6,6%. Cette année, le débat prend la direction opposée. Les coûts ne sont plus prioritaires: l’accent est mis sur l’approvisionnement en soins avec un alarmisme généralisé. Dans les deux cas, hélas, les peurs de la population sont attisées.

En ce qui concerne l’évolution des coûts, nous savons désormais qu’en 2022, nous nous sommes stabilisés au niveau d’avant le coronavirus à partir du second semestre. La demande en prestations n’a pas diminué, voire a augmenté dans certains domaines. Pourtant, l’expression «explosion des coûts» est déplacée. L’année dernière, nous avons enregistré une augmentation des coûts par personne de 2,6% dans l’AOS, soit le niveau moyen observé ces 10 dernières années (+2,8%). Et par rapport à l’estimation du groupe d’experts du DFI, qui parle d’une augmentation maximale de 2,7% des coûts dans l’AOS par an avant que des mesures de maîtrise des coûts ne soient prises, nous nous trouvons dans la fourchette visée.

Pénurie ou problèmes de livraison?

La vigilance est également de mise en ce qui concerne la notion de «pénurie» dans l’approvisionnement en soins. Il s’agit parfois plutôt de problèmes de livraison. Ce ne sont pas les mêmes mesures qui doivent être prises selon les cas de figure. Et pour la plupart d’entre elles, il n’est pas nécessaire de réinventer la roue. En effet, la question a surgi à intervalles réguliers ces dernières années sur l’échiquier politique et chaque fois, le catalogue de mesures a été réévalué pour s’assurer qu’il était adéquat.

Il me semble essentiel que chacun assume ses responsabilités. C’est ainsi que l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays (OFAE) exerce la haute surveillance sur le stock de médicaments obligatoire. Il tient également à jour une liste des médicaments destinés à l’être humain autorisés et disponibles. Les fournisseurs de prestations peuvent y recourir. Le médecin, quant à lui, remet une ordonnance à ses patients. Le pharmacien conseille ces derniers, notamment sur la question de la remise d’un générique ou d’un biosimilaire. En d’autres termes, les médicaments en réserve sont suffisants. Mais tirons-nous pleinement parti des possibilités existantes et faisons-nous preuve de souplesse dans nos actions?

Je suis sceptique lorsque j’entend que le manque de certains médicaments serait expliqué par des prix trop bas et des mesures d’économies. La Suisse est en tête de tous les pays européens en termes d’approvisionnement en médicaments, mais aussi en termes de prix. Les médicaments originaux y sont nettement plus chers et les prix des médicaments génériques y sont même deux fois plus onéreux qu’à l’étranger. Le prix n’est donc pas la raison principale.

Les positions extrêmes génèrent de l’attention

Comment comprendre la situation? À l’heure actuelle, ce sont les voix les plus fortes et les plus polémiques qui attirent l’attention. Les voix nuancées sont quant à elles peu entendues. Pourtant, la Suisse s’est souvent démarquée par le passé en prenant des décisions réfléchies, ce qui lui a plutôt bien réussi. On voit où l’inverse peut mener avec l’exemple de la réglementation sur l’admission des médecins étrangers, que le Parlement vient de modifier à nouveau. Le fait qu’il revienne ainsi sur sa propre décision après seulement quelques mois doit nous interpeller et ne pas devenir une habitude. La politique y perdrait sa crédibilité.

Il me semble donc beaucoup plus important que les réformes prévues et planifiées de longue date concernant les tarifs médicaux ambulatoires, le financement uniforme EFAS et la révision des marges des médicaments franchissent enfin la ligne d’arrivée. Cela peut ma foi paraître peu exaltant pour ceux qui sont déjà familiers avec ces réformes et nous ont souvent entendu les mettre en avant; mais leur impact sur le système de santé sera bien réel et cela mérite une certaine insistance et quelques répétitions.