La révision du tarif médical peut sembler abstraite à certains : célébrée depuis longtemps comme une réforme prioritaire sans que rien ne soit décidé, on peut en venir à douter de sa réalité ou de son urgence. Mais les débats au Conseil des États lors de cette session de printemps l’ont rappelé: tout cela est très concret et a des conséquences marquantes sur le terrain. Plusieurs parlementaires ont ainsi souligné la situation catastrophique de la médecine pédiatrique aujourd’hui dans le cadre du TARMED. Les hôpitaux pédiatriques sont particulièrement touchés par les distorsions de ce tarif obsolète et leur situation s’améliorerait nettement avec le TARDOC.
La révision du tarif médical est en vue. Reste à savoir quel chemin y mènera.

Dans ce contexte, la question principale que se posent plusieurs parlementaires est celle du calendrier : quand la page du TARMED sera-elle enfin tournée ? Le Conseiller aux États Benedikt Würth a ainsi demandé au Conseil fédéral ce qui pouvait être fait pour accélérer la manœuvre et faire avancer la révision du tarif médical le plus vite possible. Son souhait : une révision du TARMED au 1er janvier 2024 déjà.

Le TARDOC dans les starting-blocks

Qu’en est-il de cette exigence ? Tout d’abord, il faut souligner que la version finale du TARDOC est désormais prête. curafutura et la FMH ont procédé aux adaptations demandées par le Conseil fédéral (neutralité des coûts et concepts de développement continu) et ont transmis la version finale à l’Organisation des tarifs médicaux ambulatoires (OAAT) le 17 février 2023 (voir communiqué). Cela signifie que le TARDOC peut désormais être remis à tout moment au Conseil fédéral pour approbation.

Il est prévu de faire cette remise au Conseil fédéral en même temps que les forfaits ambulatoires, si ceux-ci sont prêts pour le 30 juin 2023. Les forfaits font actuellement l’objet d’une consultation auprès des partenaires tarifaires. Cette consultation sera riche d’enseignements quant au degré de maturité du projet.

Procédure de consultation sur les forfaits

La consultation se déroule jusqu’à fin mars 2023. L’avis des fournisseurs de prestations qui travailleront avec les forfaits, à savoir les médecins, sera notamment très important. Outre la position de l’association faîtière (FMH), celle des sociétés médicales spécialisées et celle des différents hôpitaux seront également déterminantes. En ce qui concerne la position des assureurs, la question de la neutralité des coûts sera soigneusement examinée de leur côté.

Si les points soulevés lors de la consultation sur les forfaits ambulatoires peuvent être adaptés à temps, les différents acteurs pourront se préparer au premier scénario prévu par l’OTMA, à savoir une remise simultanée du TARDOC et des forfaits au Conseil fédéral pour approbation. En revanche, si des questions plus fondamentales se posent lors de la consultation, le deuxième scénario pourrait se dessiner, à savoir une remise du seul TARDOC au Conseil fédéral pour approbation.

Si ce deuxième scénario se profilait à l’horizon, les questions soulevées hier au Conseil des États auraient une résonance particulière. En effet, s’il est déjà probable début avril 2023 que seul le TARDOC sera remis au Conseil fédéral, l’OFSP pourrait, de manière pragmatique, déjà commencer l’examen technique de la demande d’autorisation sans attendre le second semestre 2023. Toute autre démarche serait une perte de temps.

Il appartiendra au département de se positionner lorsque, début avril, on en saura plus sur le degré de maturité des forfaits ambulatoires. Dans sa pesée d’intérêts, il devra tenir compte d’une part des capacités en tant qu’autorité d’approbation, mais aussi du mécontentement croissant des fournisseurs de prestations qui exigent une révision du TARMED dans les meilleurs délais.

Les soins coordonnés ont progressé très rapidement ces dernières années. Felix Huber, pionnier des réseaux médicaux, craint toutefois aujourd’hui que le deuxième volet de mesures du Conseil fédéral réduise à néant les succès obtenus. Dans une interview accordée à curafutura, il plaide pour la patience au lieu d’une frénésie de réforme. Les bons modèles performants s’imposeraient alors d’eux-mêmes.
Felix Huber, médecin généraliste, a fondé en 1998 le réseau Medix qui regroupe aujourd’hui dix réseaux de soins régionaux auxquels sont affiliés plus de 700 médecins de famille.
Monsieur Huber, vous avez émis des critiques sur le deuxième volet de mesures du Conseil fédéral. Qu’est-ce qui vous dérange dans ce projet ?

Le conseiller fédéral Berset veut renforcer les soins coordonnés avec ce deuxième volet de mesures en les réglementant de bout en bout ce domaine. Il s’agit d’une démarche dangereuse et totalement inutile. Les soins coordonnés ont connu un développement formidable et s’améliorent sans cesse. Des règles légales étoufferaient cette force d’innovation. La situation est grotesque: la politique activiste est obsédée par d’incessantes interventions et prescriptions. La manière dont M. Berset gère son département conduit à une frénésie de réformes, qui est loin d’être terminée – et dont nous, médecins, ainsi que tout le système, souffrons.

À quoi pensez-vous ?

À la révision concernant la qualité, qui est une véritable catastrophe. Ou à la réglementation indigente en matière d’admission: à peine entrée en vigueur, elle doit déjà être revue.

Quel est le danger en ce qui concerne les soins coordonnés?

Les mesures mettent en danger le développement des soins coordonnés par les médecins de famille avec d’innombrables prescriptions – qui sont déjà destructrices de par leur formulation dans le texte de loi. Si l’on y ajoute en plus l’ordonnance de l’OFSP, l’histoire à succès des modèles d’assurance alternatifs sera tout simplement étouffée. Selon ce modèle, les réseaux devraient en effet être organisés et composés d’après un schéma complètement surréglementé. Tout deviendrait lourd et soumis une autorisation. Les cantons devraient attribuer aux réseaux des mandats de prestations cantonaux assortis de nombreuses conditions encore et contrôler leur qualité. C’est un cauchemar pour les soins coordonnés. Ils n’ont pu prospérer aussi bien jusqu’à maintenant que parce qu’ils bénéficient d’un terrain dégagé.

La Confédération fait-elle de la politique sans tenir compte de la pratique?

La politique et l’administration réagissent toujours à des situations insatisfaisantes par de nouvelles lois et ordonnances qui dépassent leur objectif. Tous les projets de politique de la santé de ces dernières années en témoignent tristement. L’ordonnance sur l’intégrité et la transparence dans le domaine des produits thérapeutiques (OITPTh) empêche avec les conditions qu’elle impose toute possibilité de négocier des rabais avec l’industrie. La nouvelle loi sur la qualité tarde à être mise en œuvre en raison de contraintes hors sol et ne trouve que peu de projets alors que des millions de francs sont à disposition. Le dossier électronique du patient (DEP) ne présente pas d’utilité et doit littéralement imposé aux hôpitaux et fournisseurs de prestations. Il va échouer sur toute la ligne. La réglementation des admissions met en péril la sécurité de l’approvisionnement en soins et va conduire à une cascade de procédures juridiques. Beaucoup de choses ont introduites à la hâte et n’engendrent que des coûts et des ennuis.

Par exemple?

La copie obligatoire de la facture au patient. Elle a été imposée au système sans s’assurer qu’elle était praticable. Aucun intermédiaire ni aucun système informatique de cabinet n’a pu la mettre en œuvre. La confusion règne aussi chez de nombreux patients âgés. Seule la Poste en tire parti: elle peut acheminer des millions de courriers, et les fournisseurs de prestations doivent payer.

Comment inverser la vapeur?

Nous avons besoin, d’une part, de calme dans cette frénésie de réforme et, d’autre part, du déblocage de réformes importantes et incontestées comme EFAS et TARDOC. S’agissant des soins coordonnés, deux interventions très peu invasives suffisent: les médecins de famille travaillant sérieusement dans des réseaux conventionnés ne veulent pas figurer sur des listes qui sont présentées de manière trompeuse aux patients comme des modèles de médecin de famille. Ils doivent donc avoir la possibilité de demander leur radiation de modèles de listes (art. 41, al. 4 LAMal). En outre, je suis favorable à ce que l’OFSP cesse de contrôler les primes des modèles alternatifs d’assurance. Les assureurs doivent pouvoir fixer librement leurs primes (art. 101 OAMal).

Deuxième volet de mesures – la position de curafutura:

curafutura rejette les modifications de la LAMal proposées par le Conseil fédéral au titre de deuxième volet de mesures visant à freiner la hausse des coûts. Le rapport du Conseil fédéral ne contient aucune estimation réaliste des conséquences de la réglementation, ni d’ailleurs d’éléments concrets quant au montant des conséquences qu’aurait ce volet sur les coûts. curafutura relève en outre l’absence de subdivision logique. L’objectif premier du volet, à savoir freiner la hausse des coûts, n’est pas atteint: les modifications prévues de la LAMal réduisent uniquement la marge de manœuvre dont disposent actuellement les assurés quant au choix de leur assurance de base.

Le projet détériore en particulier, au détriment des assurés, les conditions permettant de poursuivre le développement de nouveaux modèles de soins intégrés. En outre, il affaiblit le partenariat tarifaire et représente une nouvelle étape importante vers l’étatisation du système de santé.
Dix assureurs-maladie se coordonnent dans le domaine de l’utilisation hors étiquette de médicaments grâce à une plate-forme commune, que d’autres parties souhaitent déjà rejoindre. Une réussite exemplaire à bien des égards.
L’utilisation hors étiquette des médicaments est en hausse constante ces dernières années.

Les bonnes solutions suscitent rapidement l’intérêt. Et ce d’autant plus lorsque le statu quo fait régulièrement l’objet de débats houleux. Ce qui est assurément le cas de l’utilisation hors étiquette des médicaments.

Ainsi dix assureurs participent à la nouvelle plateforme OLU et représentent ensemble plus de 80% des assurés. Cette plateforme rassemble des ratings d’études et permet de faciliter l’évaluation des demandes d’utilisation hors étiquette de médicaments au cas par cas.

L’utilisation hors étiquette des médicaments selon les articles 71a-d de l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal) regroupe différents cas de figure, tels que par exemple :

Lorsqu’ils reçoivent une demande pour l’utilisation hors étiquette d’un médicament, la tâche des assureurs-maladie est d’évaluer, selon des critères clairement définis aux art. 71a-d OAMal, dans quelle mesure le traitement peut être pris en charge au cas par cas.

Le rapport de monitoring 2019 de l’Office fédéral de la santé publique montre qu’environ 80% des demandes sont acceptées et 20%, rejetées. Un refus peut être justifié par le fait qu’il ne s’agit pas d’une maladie grave menaçant le pronostic vital, qu’il existe d’autres traitements ou que le bénéfice thérapeutique attendu n’est pas suffisamment important, c’est-à-dire que le rapport coûts/bénéfice n’est pas approprié.

Prendre les devants

Il y a un an, les quatre assureurs-maladie de curafutura CSS, Helsana, Sanitas et KPT ont décidé, également avec SWICA, de passer à l’action. Ensemble, ils ont mis sur pied la plateforme OLU, qui rassemble des ratings d’études scientifiques portant sur les différents médicaments.

D’autres assureurs ont rapidement suivi le mouvement, ce qui est souvent le cas lorsqu’une bonne solution est trouvée à un problème soulevant de nombreuses critiques. Un an après le lancement, Concordia, Groupe Mutuel, Visana, Sympany et Atupri ont rejoint la plate-forme. D’autres parties vont vraisemblablement en faire de même, ce qui signifie que la couverture sera presque complète.

Les avantages de la plate-forme sont évidents: contexte identique pour toutes les évaluations, accès équitable pour les patients grâce à une évaluation scientifique d’études, uniforme et largement étayée dans toute la Suisse, intégration dans le domaine clinique, présentation transparente des décisions et processus numérisés.

Dans la pratique, la coopération fonctionne de la manière suivante: le principe actif, l’indication et les études sont enregistrés sur la plate-forme par les médecins-conseils des assureurs affiliés. Les médecins-conseils des assureurs participants remettent leur notation; celle-ci fait l’objet d’une discussion commune. Le résultat: une évaluation commune et uniforme. La notation est ensuite enregistrée sur la plate-forme. Les médecins-conseils s’en servent comme base pour évaluer chaque cas individuel.

À nouveau un enjeu politique et médiatique

La plateforme améliore la situation pour toutes les parties prenantes. Les patients d’abord, car ils peuvent être sûrs que l’évaluation est étayée à large échelle. Les médecins-conseils ensuite, car ils peuvent prendre leurs décisions plus rapidement et sur des bases solides. Cette action commune prouve aussi que la branche peut se coordonner facilement lorsque de bonnes idées sont sur la table. «Les assureurs affiliés sont convaincus du résultat, car des notations d’études uniformes sont disponibles à l’échelon national», explique Andreas Schiesser, chef de projet Pharma et médicaments chez curafutura.

Éviter les doublons

Pour curafutura, les appels de certains à former un autre groupe d’experts chargé de procéder aux évaluations, doit être accueillie avec circonspection. En effet, c’est déjà ce qui se passe dans le cadre de la plateforme OLU : où «des experts sont déjà consultés aujourd’hui dans le cadre d’un échange hebdomadaire en cas de besoin et de manque de clarté pour prendre position et que cette approche pragmatique rencontre un écho positif », déclare Pius Zängerle, directeur de curafutura.

La plate-forme est en effet un bon exemple de coopération commune en faveur des patients, ajoute-t-il. Pour curafutura, il serait bon que cette démarche fasse école. Mais si, à l’occasion de la révision de l’OAMal, une nouvelle solution est créée de toutes pièces alors que la plateforme OLU a bénéficié d’un large soutien et que dix assureurs représentant 80% des patients y participent déjà, le message envoyé sera clairement que seul ce qui est décidé selon une approche top-down est valable. Cela torpillerait tout esprit d’initiative des acteurs sur le terrain, alors que leurs solutions peuvent être appliquées à large échelle, qu’elles mobilisent peu de ressources et bénéficient d’une structure simple au lieu d’être alourdies par une forte réglementation.

Le Conseil des États ne veut pas entendre parler d’une intervention directe du Conseil fédéral dans le tarif médical obsolète TARMED. C’est un engagement pour l’avenir des nouvelles structures tarifaires ambulatoires, notamment du TARDOC. Mais dans le même temps, le Conseil des États élargit la marge de manœuvre de la Confédération et des cantons dans le domaine des tarifs ambulatoires. Il s’agit d’une charge bureaucratique supplémentaire inutile qui affaiblit le partenariat tarifaire. En revanche, curafutura salue les décisions claires du Conseil des États contre une surréglementation des réserves. Il a notamment décidé de ne pas fixer de plafond maximal. Cela aurait inévitablement entraîné un effet yo-yo sur les primes.

Les négociations tarifaires incombent aux partenaires tarifaires. C’est ce que prévoit la loi fédérale sur l’assurance-maladie. Pour curafutura, il est donc incompréhensible que le Conseil des États veuille maintenant doter la Confédération et les cantons de compétences supplémentaires dans le domaine des tarifs ambulatoires. Aujourd’hui déjà, tant la Confédération que les cantons disposent de possibilités d’action au niveau des interventions tarifaires dans le domaine ambulatoire. En donnant aux deux autorités exécutives des instruments plus étendus dans le cadre du débat sur l’initiative pour un frein aux coûts et son contre-projet, le Conseil des États ne fait que compliquer le processus. Cela débouche sur plus de bureaucratie et affaiblit le partenariat tarifaire.

En revanche, on ne peut que saluer la volonté du Conseil des États de concevoir le futur du tarif médical sans le TARMED désormais obsolète. C’est un signal positif pour le TARDOC qui, conformément au calendrier de l’Organisation tarifs médicaux ambulatoires (OTMA), devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2025, si possible conjointement avec les forfaits. Il s’agit là d’un bon exemple de négociations tarifaires réussies, notamment par curafutura, FMH et la CTM. Dans l’intervalle, de nombreux acteurs attendent l’introduction du TARDOC.

Réserves: une nette majorité dit non à un plafond maximal

curafutura salue les décisions claires du Conseil des États contre une surréglementation des réserves. Il a notamment refusé l’introduction d’un plafond maximal de 150% du taux de solvabilité (30 voix contre 10). Cela est pertinent pour plusiuers raisons. Premièrement, les derniers mois ont montré à quel point il est important de disposer de réserves suffisantes dans le système. Les réserves ont entre autres été nécessaires en 2022 car les coûts ont dépassé les primes. Le conseiller fédéral Alain Berset a donné des chiffres actualisés lors du débat: les réserves sont passées de 12 milliards à 9 milliards.

Par ailleurs, un plafond contraignant aurait inévitablement entraîné un effet yo-yo sur les primes. Certaines années, les réserves devraient être réduites si elles dépassent le plafond de 150%, ce qui abaisserait la charge des primes. Et il y aurait d’autres années au cours desquelles les primes devraient non seulement couvrir la hausse des coûts mais aussi permettre de reconstituer les réserves, ce qui déboucherait sur une hausse supplémentaire des primes.

La coopération est l’une des valeurs fondamentales de curafutura : les meilleures solutions naissent souvent de partenariats entre les acteurs. C’est dans cet esprit que nous donnons la parole aux acteurs du système de santé dans une série d’interviews.

Felix Huber est un pionnier des soins intégrés – et un fervent supporter de notre système de santé. De quoi a besoin ce dernier pour garder la forme? De patience au lieu d’une frénésie de réforme, affirme le médecin de famille. Les modèles de soins performants s’imposeraient alors d’eux-mêmes.
Médecin généraliste, Felix Huber a fondé en 1998 le réseau Medix, qui regroupe aujourd’hui dix réseaux de soins régionaux auxquels sont affiliés plus de 700 médecins de famille.
À la fin des années 1990, vous avez lancé les soins intégrés en montant le premier réseau de cabinets: quelle était votre motivation?

En premier lieu, le fait avéré que des soins médicaux de premier recours coordonnés signifient une meilleure qualité des soins. De plus, nous médecins avons une responsabilité quant à l’utilisation consciencieuse des ressources et à la possibilité de financer à long terme notre système de santé. Grâce à des soins de premier recours coordonnés, nous pouvons réduire les coûts jusqu’à 20%.

Et donc rendre le système de santé moins cher?

Pour les patients qui le souhaitent. Si nous nous focalisons sur les traitements qui apportent un réel bénéfice, nous pouvons réaliser d’importantes économies. Nous nous accordons sur cette stratégie avec le patient couvert par un modèle alternatif, et nous laissons de côté tout ce pour quoi il n’y a pas de preuves d’efficacité. En d’autres termes, les modèles de soins intégrés rendent la médecine plus efficace et permettent d’obtenir de meilleurs résultats thérapeutiques. Mais améliorer l’efficacité est une tâche exigeante et complexe – pour toutes les parties concernées. Cela ne peut se faire que sur une base volontaire.

« Les réseaux de médecins de famille performants ayant passé des accords avec les assureurs sont les seuls modèles qui permettent de réduire substantiellement les coûts. »
Quels sont les avantages des soins intégrés?

Les patients peuvent choisir un médecin de famille et établir avec lui une relation patient-médecin continue. À la campagne, cela n’est déjà plus possible que dans le cadre de tels modèles. Bientôt, l’accès à de bons médecins de famille ne sera possible en Suisse que via des modèles de soins intégrés. Sur le plan économique, les réseaux de médecins de famille performants ayant passé des accords avec les assureurs sont les seuls modèles qui permettent de réduire substantiellement les coûts.

Cela ne contredit-il pas la tendance à la spécialisation?

Au contraire. Plus les traitements médicaux sont spécialisés et fragmentés, plus il est nécessaire d’avoir un médecin de famille qui accompagne le patient et détermine avec lui le bon traitement. Le médecin de famille gère le dossier médical avec la carte de médication, la liste des diagnostics, les rapports importants, etc.

Le patient a besoin de calme: la fréquence à laquelle des modifications sont effectuées dans le système de santé est trop élevée – et malsaine.
Que pensez-vous de la manière dont les réseaux évoluent?

Nous assistons à un boom des modèles d’assurance alternatifs. Plus des trois quarts de la population a choisi un tel modèle. Cependant, la prise en charge correcte et continue des personnes malades ne peut être garantie que par des médecins affiliés à un réseau qui a conclu un accord avec des assureurs. Environ un quart de la population en bénéficie aujourd’hui. Les 50% restant ont un modèle de télémédecine qui peut fournir des conseils pour les cas bénins. Ou un modèle de listes instauré unilatéralement par les caisses, et qui n’a rien à voir avec les soins intégrés.

« Voilà une des forces de notre système: il offre une grande liberté. Il faut veiller à la préserver. »
Comment fonctionne la collaboration dans les réseaux?

Nous avons depuis longtemps une excellente collaboration avec nombre de grands assureurs, avec lesquels nous avons signé un accord sur la prise en charge continue des patients dans le modèle médecin de famille et défini des standards de qualité et des règles quant à la rémunération. C’est formidable et repose sur la triple volonté des patients, des médecins et des assureurs. Voilà une des forces de notre système: il offre une grande liberté. Il faut veiller à la préserver. Mais il y a encore certains assureurs qui n’ont pas reconnu tout le potentiel des soins coordonnés par le médecin de famille.

Le système de santé est soumis à une forte pression et de nombreux changements. Cela menace-t-il cette liberté?

Les interventions sont très délicates dès lors qu’elles visent à réglementer ou à définir des volumes. Je ne m’y oppose pas fondamentalement, mais il faut être très vigilant. La Confédération et les cantons rivalisent en matière d’ordonnances qui vont bien au-delà des objectifs initiaux. Les politiques ont, par définition, le mandat de faire quelque chose. Mais j’ai parfois l’impression qu’ils feraient mieux de ne rien faire. Dans un système aussi vaste et complexe, il faut parfois simplement savoir faire preuve de patience.

Beaucoup de problèmes se règlent d’eux-mêmes ?

Voyez-vous, chez les bons médecins de famille, il n’y aura plus de place que pour les patients ayant le bon modèle d’assurance. Aujourd’hui déjà, presque tous les cabinets de généralistes sont surchargés. Tôt ou tard, les patients vont se rendre compte qu’ils ont un besoin d’un médecin de famille. Ils passeront alors au bon modèle d’assurance.

Le système réagit de manière sensible: de petites modifications ont de grandes répercussions. Comme les soins intégrés, qui reposent sur une seule phrase dans la loi.
Un mot-clé souvent avancé en matière de soins coordonnés est l’interprofessionnalité.

L’OFSP a exigé des tables rondes sur les soins intégrés. Les services d’aide et de soins à domicile, les médecins, les pharmaciens et autres sont appelés à élaborer ensemble une solution commune. Je peux vous dire qu’il n’en sortira rien du tout. Car tous les acteurs défendent uniquement leurs intérêts et veulent une part du gâteau, la plus grande possible.

Que faire?

Le fait est que tout le monde ne peut pas piloter. Cette tâche doit revenir à celui qui a la plus grande expérience de généraliste. Et cela reste quand même le médecin de famille. Il a une vision globale des choses. Je comprends la crainte d’être mis sur la touche. Mais nous devrions surtout négocier des accords de coopération intelligents entre les divers fournisseurs de prestations plutôt que de perdre notre temps à des tables rondes.

« De nombreuses interventions sont prévues dans le système, dont on ne connaît par les conséquences – et cela me semble dangereux. »
Qu’est-ce qui vous motive à vous engager pour un bon système de santé ?

Dans l’ensemble, les soins et la prise en charge sont excellents en Suisse et les acteurs ont un immense degré de liberté. C’est unique en son genre. Voilà ce qui me motive: nous avons un très bon système, précieux mais coûteux, qu’il faut veiller à ne pas détruire. De nombreuses interventions sont prévues dans le système, dont on ne connaît par les conséquences – et cela me semble dangereux.

À quoi ressemble pour vous le système de santé idéal?

Nous devons tous nous efforcer d’utiliser les ressources de manière consciencieuse. Supprimer le gaspillage est une tâche très exigeante et je suis persuadé que le médecin de famille doit jouer le rôle principal à cet égard. Cela signifie également que nous devons rendre le métier de médecin de famille plus attrayant. Par exemple en mettant à disposition à la campagne les infrastructures nécessaires. La prestation de coordination des médecins de famille doit être l’élément central pour réduire les coûts et améliorer la qualité. Les études à ce propos sont nombreuses. Une médecine inutile et non coordonnée a des inconvénients, autant pour la santé que pour les finances.


Encadré: deuxième volet de mesures du Conseil fédéral

Vous avez émis des critiques sur le deuxième volet de mesures du Conseil fédéral. Qu’est-ce qui vous dérange dans ce projet ?

Le conseiller fédéral Berset veut renforcer les soins coordonnés avec ce deuxième volet de mesures en les réglementant de bout en bout ce domaine. Il s’agit d’une démarche dangereuse et totalement inutile. Les soins coordonnés ont connu un développement formidable et s’améliorent sans cesse. Des règles légales étoufferaient cette force d’innovation. La situation est grotesque: la politique activiste est obsédée par d’incessantes interventions et prescriptions. La manière dont M. Berset gère son département conduit à une frénésie de réformes, qui est loin d’être terminée – et dont nous, médecins, ainsi que tout le système, souffrons.

À quoi pensez-vous ?

À la révision concernant la qualité, qui est une véritable catastrophe. Ou à la réglementation indigente en matière d’admission: à peine entrée en vigueur, elle doit déjà être revue.

Quel est le danger en ce qui concerne les soins coordonnés?

Les mesures mettent en danger le développement des soins coordonnés par les médecins de famille avec d’innombrables prescriptions – qui sont déjà destructrices de par leur formulation dans le texte de loi. Si l’on y ajoute en plus l’ordonnance de l’OFSP, l’histoire à succès des modèles d’assurance alternatifs sera tout simplement étouffée. Selon ce modèle, les réseaux devraient en effet être organisés et composés d’après un schéma complètement surréglementé. Tout deviendrait lourd et soumis une autorisation. Les cantons devraient attribuer aux réseaux des mandats de prestations cantonaux assortis de nombreuses conditions encore et contrôler leur qualité. C’est un cauchemar pour les soins coordonnés. Ils n’ont pu prospérer aussi bien jusqu’à maintenant que parce qu’ils bénéficient d’un terrain dégagé.

« La politique et l’administration réagissent toujours à des situations insatisfaisantes par de nouvelles lois et ordonnances qui dépassent leur objectif. Tous les projets de politique de la santé de ces dernières années en témoignent tristement. »
La Confédération fait-elle de la politique sans tenir compte de la pratique?

La politique et l’administration réagissent toujours à des situations insatisfaisantes par de nouvelles lois et ordonnances qui dépassent leur objectif. Tous les projets de politique de la santé de ces dernières années en témoignent tristement. L’ordonnance sur l’intégrité et la transparence dans le domaine des produits thérapeutiques (OITPTh) empêche avec les conditions qu’elle impose toute possibilité de négocier des rabais avec l’industrie. La nouvelle loi sur la qualité tarde à être mise en œuvre en raison de contraintes hors sol et ne trouve que peu de projets alors que des millions de francs sont à disposition. Le dossier électronique du patient (DEP) ne présente pas d’utilité et doit littéralement imposé aux hôpitaux et fournisseurs de prestations. Il va échouer sur toute la ligne. La réglementation des admissions met en péril la sécurité de l’approvisionnement en soins et va conduire à une cascade de procédures juridiques. Beaucoup de choses ont introduites à la hâte et n’engendrent que des coûts et des ennuis.

Par exemple?

La copie obligatoire de la facture au patient. Elle a été imposée au système sans s’assurer qu’elle était praticable. Aucun intermédiaire ni aucun système informatique de cabinet n’a pu la mettre en œuvre. La confusion règne aussi chez de nombreux patients âgés. Seule la Poste en tire parti: elle peut acheminer des millions de courriers, et les fournisseurs de prestations doivent payer.

Comment inverser la vapeur?

Nous avons besoin, d’une part, de calme dans cette frénésie de réforme et, d’autre part, du déblocage de réformes importantes et incontestées comme EFAS et TARDOC. S’agissant des soins coordonnés, deux interventions très peu invasives suffisent: les médecins de famille travaillant sérieusement dans des réseaux conventionnés ne veulent pas figurer sur des listes qui sont présentées de manière trompeuse aux patients comme des modèles de médecin de famille. Ils doivent donc avoir la possibilité de demander leur radiation de modèles de listes (art. 41, al. 4 LAMal). En outre, je suis favorable à ce que l’OFSP cesse de contrôler les primes des modèles alternatifs d’assurance. Les assureurs doivent pouvoir fixer librement leurs primes (art. 101 OAMal).

Toutes les adaptations demandées par le Conseil fédéral ont pu être effectuées

Les partenaires tarifaires FMH et curafutura ont transmis la version finale du nouveau tarif médical TARDOC à l’Organisation tarifs médicaux ambulatoires (OTMA). La nouvelle version (V1.3.1) contient les adaptations exigées par le Conseil fédéral relatives à la neutralité des coûts et les concepts de développement du TARDOC après son entrée en vigueur. Le tarif à la prestation individuelle TARDOC est ainsi près pour être remis au Conseil fédéral pour approbation au plus tard au cours du deuxième semestre 2023.

La Fédération des médecins suisses FMH et les assureurs-maladie de curafutura – CSS, Helsana, Sanitas, KPT – ainsi que SWICA, soutenus par les assureurs de l’assurance-accident, l’assurance-militaire et de l’assurance-invalidité (CTM), ont remis la version finale du TARDOC à l’organisation des tarifs médicaux ambulatoires (OTMA). Le tarif à la prestation TARDOC devra ensuite être remis au Conseil fédéral pour approbation – comme prévu selon la convention additionnelle en même temps que les les forfaits ambulatoires – en tant que demande d’approbation séparée au plus tard durant le deuxième semestre 2023. Actuellement, des principes de tarification sont élaborés en commun au sein de l’OTMA en vue d’une coordination du TARDOC et des forfaits ambulatoires, afin que les deux structures tarifaires puissent être appliquées à l’avenir de manière harmonisée. 

Version finale intégrant les exigences du Conseil fédéral

La version finale du TARDOC contient toutes les adapations que le Conseil fédéral avaient demandées lors de son examen du tarif le 3 juin 2022. Le Conseil fédéral avait alors constaté que le TARDOC pouvait en principe être approuvé, mais avait posé des conditions supplémentaires concernant la neutralité des coûts et le développement continu.

C’est pourquoi la version finale du TARDOC comprend premièrement un concept de neutralité des coûts encore plus strict. Le corridor de neutralité des coûts a été réduit: la limite supérieure pour l’évolution des coûts dans les trois années suivant l’entrée en vigueur s’élève désormais à maximum +2% par an. Deuxièmement, la nouvelle version comprend les concepts exigés par le Conseil fédéral, qui décrivent en détail le développement du TARDOC après son entrée en vigueur. Le TARDOC doit entrer en vigueur au 1er janvier 2025, remplaçant ainsi le TARMED, obsolète depuis longtemps.

Améliorations et avantages du TARDOC par rapport au TARMED:
• Nette augmentation de l’adéquation de la structure tarifaire à la prestation individuelle.
• Mise à jour des paramètres du modèle de tarification: les paramètres nécessaires au calcul des points tarifaires proviennent de statistiques et d’enquêtes ou d’hypothèses fondées sur l’état actuel des connaissances.
• Mise à jour des règles d’application et de décompte de la structure tarifaire: une application uniforme est garantie, elle fixe des incitatifs pour fournir efficacement les prestations et évite les décomptes abusifs.
• curafutura et FMH ont convenu de manière contraignante d’un concept de neutralité des coûts afin de répondre aux directives de l’art. 59c al. 1 let. c OAMal relatives à la phase d’introduction de trois années.
• La convention de base LAMal renégociée en constitue le fondement.

127 ratings d’études communs réalisés durant la première année de la plateforme OLU

De plus en plus d’assureurs-maladie se coordonnent dans le domaine de l’utilisation hors étiquette des médicaments (off-label use) grâce à une plateforme sur laquelle des ratings d’études sont élaborés en commun. Un an après la mise en service de cette plateforme, curafutura tire un bilan positif. Depuis lors, cinq assureurs se sont joints aux cinq membres fondateurs ; ces dix membres de la plateforme OLU représentent aujourd’hui 83 % des assurés en Suisse. En outre, 127 ratings d’études ont pu être réalisés jusqu’à présent. Ceux-ci aident les médecins-conseil à évaluer les garanties de prise en charge des coûts pour les médicaments qui ne sont pas rem-boursés d’office. Les médecins-conseils bénéficient ainsi d’une base commune pour leurs déci-sions.

De plus en plus d’assureurs se rallient à une solution innovante dans le domaine de l’utilisation hors étiquette de médicaments. Son but est de soutenir les médecins-conseil à évaluer les de-mandes de remboursement. Pour ce faire, la plateforme OLU propose des ratings d’études scientifiques largement étayées pour le traitement des demandes conformément à l’art. 71a-d OAMal. Outre les médecins-conseil de CSS, Helsana, Sanitas, KPT et SWICA, ceux de Concordia, Groupe Mutuel, Visana, Sympany et Atupri ont également rejoint la plate-forme. Les 10 assu-reurs affiliés représentent 83 % des assurés dans le domaine de l’assurance obligatoire des soins. De plus, la plateforme est ouverte à d’autres assureurs qui souhaiteraient s’y joindre.

Classification des ratings de A à D

La plateforme OLU pour l’utilisation hors étiquette des médicaments a été mise en service il y a un an. Entretemps, plus de 120 ratings d’études communs ont été réalisés et sont accessibles sur la plateforme numérique. Ces ratings d’études scientifiquement fondées et largement étayées se répartissent en 4 catégories allant de A à D (D signifiant un refus). Ils aident les mé-decins-conseil à évaluer les demandes individuelles de remboursement pour des traitements médicamenteux dans le cadre de l’art. 71a-d OAMal.

La plateforme contient les études cliniques publiées sur les principes actifs avec l’évaluation du bénéfice et la documentation correspondante dans le contexte clinique. La méthode choisie par les médecins-conseil impliqués garantit que l’évaluation du bénéfice clinique d’une subs-tance active est toujours effectuée dans un même contexte et sur une même base scientifique. L’état des études est ainsi équilibré et objectif.

Un bénéfice pour tous les acteurs

«Dans l’ensemble, il s’agit d’une situation gagnant-gagnant pour tous les acteurs», déclare Pius Zängerle, directeur de curafutura. Le patient a l’assurance que sa demande individuelle est ba-sée sur des ratings d’études élaborés de manière commune, coordonnée et scientifiquement fondés. Le travail des médecins-conseil est plus satisfaisant, car les connaissances développées sont constamment enrichies, ce qui permet un travail plus efficace. Les payeurs de primes et les patients ont la garantie que les assureurs se basent sur des fondements scientifiques, dans le respect des bases légales de l’art. 71a-d OAMal et en tenant compte des critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité.

Utilisation hors étiquette des médicaments (off-label use)

L’article 71a-d OAMal règle le remboursement au titre de l’assurance de base (AOS) de médi-caments pour des thérapies hors étiquette au cas par cas. L’utilisation hors étiquette vise principalement à garantir l’accès aux médicaments qui ne sont pas admis ou qui ne figurent pas sur la liste des spécialités (LS) et qui sont destinés à traiter des maladies graves ou suscep-tibles d’être mortelles et des problèmes de santé chroniques. Il s’agit de médicaments qui sont remboursés au titre de l’AOS dans les cas suivants:

• Le médicament figure dans la LS, mais l’utilisation du médicament est en dehors de l’information professionnelle approuvée par Swissmedic.
• Le médicament ne figure pas dans la LS, mais est autorisé par Swissmedic.
• Le médicament n’est pas autorisé par Swissmedic, mais il peut être importé depuis un pays ayant instauré un système équivalent d’autorisation de mise sur le marché reconnu par Swissmedic et il y est autorisé pour l’indication correspondante.

Les ratings d’études enregistrés sur la plateforme OLU comprennent l’évaluation d’un médicament particulier qui doit être utilisé dans le domaine de l’utilisation hors étiquette. Le rating est indiqué par les lettres A à D – D signifiant un rejet.

Ces dernières années, de plus en plus de patients ont profité de la possibilité d’une utilisation hors étiquette, en particulier dans le domaine des traitements anticancéreux. En 2019, 38’000 demandes ont été traitées. Pour 2022, le nombre de demandes est estimé à 50’000. Au cours des dernières années, environ 80 % des demandes ont été acceptées et 20 % ont été refusées.

Les médecins-conseil ont différentes spécialisations médicales. Ils ont pour mission de procéder à une évaluation de manière impartiale, neutre et sur la base de l’art. 71a-d OAMal, en te-nant compte des ratings d’études. Ils transmettent leur recommandation à leur assureur. Chaque cas fait l’objet d’une évaluation détaillée. Les questions qui se posent sont par exemple les suivantes: les conditions sont-elles remplies? Quelle est la population de l’étude? Quels ont été les traitements préalables du patient et quelles sont les chances d’un succès thérapeutique significatif (base du rating de l’étude).

Une décision perspicace, puisque le nouveau tarif médical est prêt

Le tarif médical TARMED obsolète arrive en fin de course. C’est aussi l’avis de la Commission de la santé du Conseil des États (CSSS-E). curafutura y voit une marque de confiance envers les nouvelles structures tarifaires et un message visant à éviter d’investir dans ce qui est dépassé. En effet, le calendrier pour le remplacement du TARMED est fixé. Il est temps que le tarif médical soit à nouveau approprié et en adéquation avec son temps.

Conformément à la loi fédérale sur l’assurance-maladie, il appartient aux partenaires tarifaires de négocier les tarifs. La CSSS-E est du même avis. Elle refuse d’étendre la possibilité pour le Conseil fédéral d’intervenir dans le tarif TARMED. curafutura accueille cette décision avec satisfaction et considère qu’il s’agit d’un signe positif à l’égard du partenariat tarifaire. Il est désormais grand temps de mettre en œuvre les nouveaux tarifs pour le domaine médical ambulatoire. Le tarif à la prestation pour le domaine ambulatoire TARDOC sera bientôt finalisé et prêt à être remis au Conseil fédéral. curafutura se réfère à cet égard au calendrier défini avec tous les partenaires tarifaires siégeant dans l’Organisation tarifs médicaux ambulatoires (OTMA), avec pour objectif le remplacement de TARMED au plus tard au 1er janvier 2025.

curafutura salue également le fait que la CSSS-E s’oppose à des compétences subsidiaires supplémentaires pour les autorités fédérales et cantonales. La CSSS-E semble être consciente du risque que représente un pilotage trop fort des autorités et considère manifestement que les partenaires tarifaires sont ici aussi les mieux à même de développer des solutions dans ce domaine.

Laboratoires

Cependant, curafutura regrette que la CSSS-E rejette le changement de système proposé par le Conseil national concernant les laboratoires. Et ce d’autant plus que que les coûts des laboratoires ont récemment fortement augmenté. Nous continuerons à nous impliquer dans ce domaine afin que les coûts ne s’envolent pas.

curafutura attend maintenant la suite des débats lors de la session de printemps. L’objectif principal doit être d’éviter une réglementation étatique excessive et de mettre en œuvre de bonnes réformes telles que le TARDOC, qui endiguent la hausse des coûts sans affaiblir inutilement le partenariat tarifaire.

Le Conseil des États appuie sur l’accélérateur et va de l’avant avec le financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS). Le projet peut ainsi aller dans l’élimination des divergences et – espérons-le – enfin bientôt entrer dans sa phase finale. Lorsque le financement uniforme sera adopté, une amélioration importante du système de santé sera accomplie, dont les payeurs de primes seront les premiers bénéficiaires.

Trois ans après le Conseil national, le Conseil des États a achevé l’examen de ce qui est probablement la plus grande réforme depuis l’entrée en vigueur de la LAMal, à savoir le financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS). Le projet entre maintenant en phase d’élimination des divergences. curafutura, avec ses membres CSS, Helsana, Sanitas et KPT, joue depuis longtemps un rôle moteur dans ce dossier et se réjouit donc de l’étape franchie aujourd’hui. Et ce d’autant plus que le projet EFAS avait pu sembler piétiner ces derniers temps.

Le financement uniforme présente de nombreux avantages pour le système de santé. Les soins intégrés, entre autres, reçoivent un nouvel élan, ce qui est une bonne chose tant pour les patients que pour les payeurs de primes. Des études estiment que l’effet de réduction des coûts se situe entre 1 et 3 milliards de francs. Mais le système de santé devient également plus prévisible dans son ensemble, car les prestations sont fournies là où elles servent le mieux les payeurs de primes ou les patients du point de vue de la santé.

curafutura s’engage pour un projet allégé

Il reste cependant une ombre au tableau, car le projet approuvé par le Conseil des États prévoit que les cantons continuent à contrôler les factures dans le domaine stationnaire. Chaque prestation stationnaire est ainsi contrôlée deux fois. Cela complique le processus inutilement et gaspille des ressources, puisque le contrôle des factures est déjà le cœur de métier des assureurs. Par ailleurs, l’intégration des soins de longue durée dans EFAS n’est pas non plus dans l’intérêt des assurés. curafutura aurait préféré que les soins de longue durée soient introduits dans un deuxième temps, sur la base de fondements solides.

Dans l’ensemble, curafutura reste confiante quant au fait que le projet sera aménagé de manière encore plus efficace lors de l’élimination des divergences et continue à s’engager également en ce sens.

Gaël Saillen, responsable Public Affairs Helsana.

Le principe «l’ambulatoire avant le stationnaire» est judicieux tant sur le plan de la qualité qu’en ce qui concerne les coûts, explique Gaël Saillen, responsable public affairs chez Helsana. Mais pour tirer pleinement parti du potentiel de ce transfert, le financement doit répondre aux nouvelles réalités.

curafutura regroupe les assureurs-maladie innovants. Qu’est-ce que cela signifie pour vous?

Un aspect domine les débats portant sur le système de santé: les coûts. Mais l’aspect qualitatif est au moins aussi important. L’approche retenue pour les soins va de plus en plus en direction d’une meilleure intégration des différents fournisseurs de prestations et d’une meilleure coordination des divers intervenants. À ce point de recoupement, nous avons besoin de toute urgence d’une dose d’innovation. Sur le plan médical, les progrès sont constants alors que le système financier stagne.

«L’ambulatoire avant le stationnaire» est une maxime qui revient sans cesse…

… et qui devrait inciter à mettre de toute urgence le système de financement en adéquation avec les nouvelles réalités. Voilà l’innovation à laquelle nous voulons ouvrir la voie.

Ce qui signifie?

Aujourd’hui, les coûts en stationnaire sont pris en charge à 55% par les cantons et à 45% par les assureurs-maladie. Les coûts des prestations ambulatoires sont par contre entièrement pris en charge par les assureurs-maladie. Il y a là une mauvaise incitation. En effet, il est alors plus attrayant de réaliser une intervention en stationnaire alors qu’elle serait globalement moins onéreuse en ambulatoire.

Pouvez-vous citer un exemple?

L’opération d’une hernie inguinale coûte 4760 francs en stationnaire et seulement 3030 francs en ambulatoire. Pour les assurés par contre, il est plus coûteux de se faire opérer en ambulatoire. Cet exemple indique assez clairement qu’il y a une erreur dans le système.

Comment résoudre ce problème?

Il faut financer les prestations de manière uniforme, c’est-à-dire que les cantons participent à parts égales au financement des prestations ambulatoires et des prestations stationnaires. Les traitements ambulatoires pourraient alors véritablement déployer leur effet de frein sur les coûts. Cette idée n’est cependant pas nouvelle: l’intervention correspondante a été déposée au Parlement avant la naissance de mon fils aîné. Il a maintenant 12 ans.

Le système de santé est toujours en mouvement: il faut toujours soupeser les différents intérêts.

Et combien de temps faudra-t-il encore attendre avant sa mise en œuvre?

J’espère, dans l’intérêt de tous, que ce sera avant que mon fils soit majeur! (rires) De nombreux traitements médicaux sont transférés vers l’ambulatoire ; mais ce transfert s’effectue actuellement au détriment des assurés d’un point de vue financier. Si les cantons deviennent co-financeurs du domaine ambulatoire, il y aura alors une réelle plus-value à tous les points de vue.

Il est chaque année question de hausse des coûts de la santé.

C’est exact. Et pour contrer cette hausse, nous avons ici une mesure qui aurait directement des effets positifs.

Où est-ce que cela coince?

Nous parlons d’un changement majeur du système de financement, qui présente une certaine complexité. De tels changements prennent du temps. Ne serait-ce que parce que de nombreux acteurs sont concernés, et chacun d’eux avance ses arguments et défend ses intérêts. Et il s’agit aussi de l’argent du contribuable, qui doit être utilisé avec soin et de manière réfléchie. Trouver un dénominateur commun à ces intérêts et bâtir des ponts entre les acteurs est un travail conséquent. Un travail passionnant qui demande de la persévérance.

Plutôt une course de fond qu’un sprint: faire évoluer le système de santé requiert de l’endurance.

Un travail frustrant également? Où puisez-vous votre motivation?

Par exemple lorsque les nouvelles primes ont été communiquées… Et j’aime travailler sur de tels projets et créer un lien de confiance entre les différents acteurs. Si, par exemple, les cantons maintiennent aujourd’hui leur volonté de contrôler à double les coûts – un point qui barre encore la route au financement uniforme – c’est que nous n’avons pas encore réussi, nous les assureurs-maladie, à expliquer le soin avec lequel nous gérons les primes.

A propos de la hausse des primes: il semble parfois que l’on se contente d’encaisser la nouvelle de la hausse des coûts. Ne devrait-on pas changer radicalement de système?

Je répondrais deux fois par la négative. Des efforts importants sont déployés pour freiner la hausse des coûts et nombre d’entre eux portent leurs fruits. Dans les débats sur les coûts, il ne faut pas perdre de vue ce pour quoi nous dépensons autant d’argent, à savoir pour des soins d’excellente qualité. La question est trop complexe pour dire simplement qu’il faut un changement radical de système.

Par quoi faut-il alors commencer?

Nous devons promouvoir les soins intégrés. En effet, ils permettent de manière générale de réduire les coûts de la santé. Sur ce point, les assureurs-maladie disposent d’une expertise importante. Ce que nous pouvons et voulons mettre à profit.