Les associations de psychologues, H+ Les Hôpitaux de Suisse, curafutura et la Communauté d’achat HSK ont trouvé un accord tarifaire pour la psychothérapie psychologique remboursée par l’assurance de base. Basée sur une structure tarifaire complète et applicable, le tarif permet aux psychologues psychothérapeutes de commencer leur travail en indépendant dès le 1er juillet 2022. Les associations de psychologues et H+ demandent désormais conjointement avec curafutura et la Communauté d’achat HSK à la Confédération et aux cantons de fixer pour toute la Suisse cette structure tarifaire et ce tarif convenus – dans l’intérêt des patientes et des patients atteints de troubles psychiques.

Afin d’améliorer la situation de l’approvisionnement en prestations psychothérapeutiques et de faciliter l’accès aux soins, le Conseil fédéral a décidé que, à partir du 1er juillet 2022, la psychothérapie psychologique doit pouvoir être prise en charge par l’assurance de base, à condition qu’elle soit prescrite par un médecin et sous certaines conditions.

Pour introduire le nouveau modèle (dit modèle de prescription), les associations de psychologues et H+ ont mené des négociations intenses avec curafutura et la Communauté d’achat HSK pour trouver un accord sur une structure et une valeur tarifaires adéquates. Les partenaires tarifaires regrettent qu’un accord incluant toute la branche n’ait pu être trouvé et enjoignent les autres assureurs à s’allier à la solution transitoire désormais existante. Le tarif a été fixé à 154.80 CHF/h et est valable au plus tard jusqu’au 31 décembre 2024. Cette limitation de validité se justifie par l’état des données lors de la phase d’introduction et permettra de récolter les données de prestations et de coûts nécessaires pour fixer une solution définitive. Dans un même temps, cette solution de transition a l’avantage de permettre la mise en œuvre du modèle de prescription dès le 1er juillet 2022.

Garantir la sécurité de l’approvisionnement en soins

Le système actuel ne permet pas aux psychothérapeutes psychologues de facturer leurs prestations à l’assurance de base, sauf s’ils sont employés par un psychiatre en cabinet ou en clinique et exerce en délégation. Le tarif de délégation qui prévaut jusqu’à aujourd’hui se base sur TARMED, une structure tarifaire dépassée et sur un modèle basé sur une activité d’employé dans un cabinet ou une clinique. Cela va changer à l’avenir, grâce au modèle de prescription. Celui-ci permettra de rendre la profession de psychologue-psychothérapeute plus attrayante et ainsi de garantir la sécurité de l’approvisionnement en soins à long terme.

Le Conseil national pris au piège de la surréglementation ?

curafutura regrette la décision du Conseil national de modifier à nouveau la réglementation concernant les réserves dans l’assurance-maladie et d’introduire une limite supérieure obligatoire de 150% pour le taux de solvabilité. La réduction des réserves a déjà été facilitée en 2021 et la réforme s’est avérée efficace: 380 millions de francs ont été redistribués aux assurés. Un plafond contraignant n’est donc pas nécessaire. Les assureurs étant en concurrence entre eux, ils cherchent tous à proposer les primes les plus basses possibles et n’ont aucun intérêt à constituer des réserves trop importantes.

Compte tenu de la forte augmentation des coûts en 2021 et au début de l’année 2022, il est en outre positif que les assureurs disposent de réserves qui leur permettent d’amortir l’évolution des primes. Aujourd’hui, les réserves de l’assurance de base ne représentent que quatre mois de dépenses. Ce niveau est raisonnable et ne justifie pas de réglementation supplémentaire.

Les réserves des assureurs-maladie garantissent la stabilité financière du système de santé et permettent le remboursement des prestations à tout moment. Il n’est donc pas judicieux de les réduire à tout prix. Le Conseil national a pourtant adopté aujourd’hui une proposition qui fait de l’ancien minimum de 150 % du taux de solvabilité le nouveau maximum. Cela comporterait un risque pour la stabilité du système (financement des prestations) et aurait des conséquences négatives pour les assurés (augmentation des primes).

Le partenariat tarifaire est fortement affecté et la confiance dans le Conseil fédéral est atteinte. La révision est ainsi retardée pour de longues années.

La non-approbation du nouveau tarif médical TARDOC par le Conseil fédéral se fera au détriment des patients, des assurés et des médecins. Les partenaires tarifaires curafutura et FMH déplorent cette décision incompréhensible, car le tarif TARDOC répond aux critères d’approbation légaux et aurait permis une amélioration considérable par rapport au TARMED obsolète en augmentant l’efficacité et en éliminant les mauvais incitatifs. Pour la FMH et curafutura, la confiance entre les partenaires tarifaires et l’autorité d’approbation est ébranlée et la crainte est de voir le retard pris par le tarif médical, qui représente un tiers des primes, perdurer encore pendant des années. Le Conseil fédéral en porte la responsabilité.

Le tarif médical TARDOC a déjà été soumis à l’approbation du Conseil fédéral en 2019 et, conformément aux exigences de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), il a été complété à trois reprises en juin 2020, mars 2021 et décembre 2021. Le TARDOC remplit les conditions légales d’approbation. Premièrement, il réunit tous les fournisseurs de prestations (FMH, H+) et la majorité des assureurs (curafutura, SWICA et la CTM). Deuxièmement, il garantit la neutralité en termes de coûts grâce à un concept garantissant que le passage de l’ancien TARMED au nouveau TARDOC n’entraîne pas de coûts supplémentaires. La recommandation du Conseil fédéral de juin 2021 a été respectée (phase de neutralité des coûts prolongée à 3 ans). Le Conseil fédéral modifie pourtant à nouveau les règles du jeu concernant la neutralité des coûts. Sa décision de ne pas approuver le TARDOC est donc incompréhensible pour les partenaires tarifaires FMH, curafutura et CTM.

La non-approbation du TARDOC condamne les acteurs du système de santé à continuer à utiliser le TARMED obsolète, en vigueur depuis 2004 et qui ne correspond plus à la médecine moderne pratiquée aujourd’hui. Les incitatifs erronés qui sont apparus au fil du temps dans le TARMED vont perdurer, tout comme le gaspillage financier dû à une mauvaise allocation des ressources. Le renforcement voulu des soins médicaux de base fournis par les médecins de famille et les pédiatres sera quant à lui empêché pendant des années.

Confiance ébranlée et partenariat tarifaire affaibli

En outre, la non-approbation du TARDOC par le Conseil fédéral remet fondamentalement en question le partenariat tarifaire en tant que pilier central de la LAMal en ignorant de facto l’important travail fourni pendant dix ans depuis le lancement du projet pour un nouveau tarif médical. Dans ce contexte, il sera difficile pour les partenaires tarifaires de participer à d’autres importants travaux dans le domaine de la tarification, de crainte qu’ils ne soient pas considérés comme il se doit par l’autorité d’approbation. La non-approbation du TARDOC par le Conseil fédéral pénalise les partenaires tarifaires qui ont cherché des solutions et récompense le parti qui a opté pour le statu quo et misé sur une attitude de refus. Cette décision donne un signal regrettable: chaque partenaire tarifaire peut, par son veto, empêcher une solution constructive mise au point par une majorité.

Les partenaires tarifaires curafutura et FMH vont maintenant analyser en détail la décision du Conseil fédéral et décider de la suite. Il apparaît toutefois clairement qu’il ne sera pas possible de réviser rapidement le TARMED. En ce sens, la non-approbation du TARDOC constitue une immense occasion manquée, qui va retarder pendant des années une tarification adéquate des prestations médicales. Les patients ainsi que les payeurs de primes en pâtiront en premier lieu.

Yvonne Gilli, présidente, FMH
«Le TARDOC reflète fidèlement la médecine moderne et réunit la grande majorité des fournisseurs de prestations et des assureurs. Cette non-approbation se fait au détriment des patientes et patients, car le TARMED obsolète ne tient nullement compte de la coopération interprofessionnelle ou de la médecine palliative, et il n’intègre ni le chapitre distinct sur la médecine de famille, ni la numérisation. Et le corps médical va devoir maintenant continuer à utiliser ce tarif obsolète.»
 
Pius Zängerle, directeur curafutura
«Le partenariat tarifaire est performant. Malgré des intérêts divergents et des positions défendues parfois âprement au début des négociations, la FMH et curafutura ont développé un nouveau tarif médical satisfaisant aux conditions-cadre. Le fait que celui-ci ne soit toujours pas approuvé par l’ensemble du Conseil fédéral est un mauvais signal pour toutes celles et tous ceux qui veulent faire progresser le système de santé et qui cherchent des solutions au lieu de privilégier le statu quo.»
 
Joachim Eder, président ats-tms SA, ancien président de la CSSS du Conseil des États
«Le Conseil fédéral a statué contre la volonté des cantons ainsi que de la majorité des assureurs et fournisseurs de prestations, ce qui est pour moi incompréhensible. Il doit assumer la responsabilité de la situation désastreuse qui en résulte en politique de la santé, pour laquelle les patientes et patients ainsi que les assurées et assurés devront maintenant passer à la caisse. C’est un jour noir, non seulement pour l’autonomie tarifaire, mais aussi pour d’autres réformes nécessaires du système de santé. La confiance en est ébranlée et la cohésion, réclamée à maintes reprises par le ministre de la santé, a été foulée aux pieds.»
 
Andreas Christen, directeur du Service central des tarifs médicaux LAA (SCTM), prend position au nom de la CTM 
«La CTM déplore la décision du Conseil fédéral. Nous comptions sur l’approbation du TARDOC pour enfin remplacer le TARMED obsolète pour les assureurs-accidents, l’assurance-invalidité et l’assurance militaire.»
 
Philippe Luchsinger, président de mfe, Médecins de famille et de l’enfance Suisse
«La médecine de famille et de l’enfance est un pilier des soins médicaux de premier recours – le TARDOC aurait enfin reflété cette position grâce à un chapitre distinct. Il est frustrant que nous soyons toutes et tous obligés de continuer à travailler avec un tarif obsolète et inapproprié.»

Cinq mois après l’introduction de la nouvelle plateforme «smartrating» dans le domaine de l’utilisation hors étiquette de médicaments, un premier bilan positif peut être dressé. Les médecins-conseils saluent la base uniforme établie pour les décisions ainsi que la transparence pour toutes les parties prenantes. 

La nouvelle plateforme numérique pour l’utilisation hors étiquette de médicaments est en service depuis janvier 2022 (voir documentation en annexe). Entre-temps, 90 rapports d’évaluation ont déjà été documentés. Ils aident les médecins-conseils des assureurs impliqués à évaluer les garanties de prise en charge des coûts pour des médicaments qui ne sont pas obligatoirement remboursés par les caisses-maladie. Les rapports d’évaluation constituent une base précieuse pour les décisions. «Le travail est globalement plus satisfaisant pour nous, car nous développons constamment nos connaissances et pouvons travailler de manière nettement plus efficace», déclare Beat Kipfer, médecin-conseil auprès de l’assureur-maladie KPT.

Actuellement, les assureurs-maladie remboursent exceptionnellement des médicaments qui ne figurent pas sur la liste des plus de 3200 médicaments remboursés par les caisses-maladie. Le médecin traitant peut en faire la demande auprès de l’assurance du patient. Si les conditions légales sont remplies, l’assurance-maladie prend en charge les coûts au titre de l’assurance de base. Ces dernières années, de plus en plus de patientes et de patients ont profité de cette possibilité, par exemple pour des nouveaux traitements anticancéreux. En 2019, 38 000 demandes ont été traitées. Les rapports d’évaluation disponibles sur la plate-forme en ligne facilitent désormais l’évaluation. Thomas Cerny, membre du comité de la Ligue contre le cancer et vice-président d’OncoSuisse, a souligné les avantages pour les patientes et patients lors de la conférence de presse. «Désormais, ils profitent du fait que la décision relative à une garantie de prise en charge des coûts se fonde sur une base standardisée.»

Base scientifique uniforme

La méthode choisie par les médecins-conseils impliqués garantit que l’évaluation du bénéfice clinique d’une substance active se situe toujours dans le même contexte et repose sur la même base scientifique. L’évaluation est ensuite mise en ligne sur la plate-forme. Celle-ci sert au transfert de connaissances et n’est pas publique. L’évaluation des études est ainsi équilibrée et objective, et la confiance dans les remboursements au cas par cas s’en trouve encore accrue.

Concordia, CSS, Helsana, KPT, Sanitas, Swica et Visana participent à la nouvelle plate-forme «smartrating». L’objectif est d’inciter d’autres assureurs à participer. La plate-forme ne contient pas de données à caractère personnel, mais uniquement les études cliniques publiées sur les principes actifs avec l’évaluation du bénéfice et la documentation correspondante dans le contexte clinique. «La protection des données est donc garantie à tout moment», explique Pius Zängerle, directeur de curafutura. Matthias Schenker, chef de la division Politique de la santé chez CSS, dresse le bilan suivant: «La plate-forme représente une situation gagnant-gagnant pour tous les acteurs impliqués et en particulier pour les patientes et patients.»

curafutura regroupe les assureurs-maladie CSS, Helsana, Sanitas et KPT. Outre les membres de curafutura, les assureurs Concordia, SWICA et Visana sont affiliés à la nouvelle plate-forme. L’objectif est d’amener le plus grand nombre possible d’assureurs sur la plate-forme, afin que l’évaluation soit aussi étayée que possible. 
Andreas Schiesser est économiste et chef de projet Pharma et médicaments chez curafutura. Il siège à la Commission fédérale des médicaments.

Pour Andreas Schiesser, il est logique que les entreprises pharmaceutiques cherchent à maximiser leurs bénéfices. Ce qui est en revanche incompréhensible, c’est que la politique ne parvienne pas à suivre son propre agenda en faveur des assurés et des patients.

curafutura regroupe, comme le dit son slogan, les assureurs-maladie innovants. Qu’est-ce que cela signifie pour vous?

Pour moi, l’innovation signifie que nous voulons optimiser le système de santé avec pour objectif d’utiliser les ressources de manière plus efficace. Nous cherchons par exemple une issue à la spirale infernale du prix des médicaments.

Comment?

Par des interventions politiques auxquelles nous contribuons pour faire bouger les choses sur le plan légal. Elles montrent les efforts déployés par curafutura pour obtenir activement des améliorations.

Avez-vous un exemple d’un changement possible dans un marché déjà fortement régulé?

Oui, nos efforts pour imposer des marges de distribution neutres en termes d’incitatifs. Nous souhaitons que les médecins et pharmaciens prescrivent et remettent davantage de médicaments génériques et biosimilaires. Or, ils ne le feront que s’ils gagnent autant qu’avec des préparations originales. Nous avons donc fait des propositions pour supprimer les incitatifs erronés qui existent actuellement, en collaboration avec pharmaSuisse et la FMH.

Une amélioration importante?

Absolument. Des marges neutres en termes d’incitatifs permettent l’utilisation de médicaments moins chers. De plus, dans les pays qui appliquent déjà ce système, le marché a changé: le choix en génériques est plus grand, ce qui signifie automatiquement davantage de concurrence.

Où en sommes-nous s’agissant des dépenses de médicaments en Suisse?

En comparaison européenne, nous avons les dépenses par personne les plus élevées. L’assurance de base a pris en charge l’an passé pour près de 8 milliards de francs de médicaments. Les coûts des médicaments augmentent de manière supérieure à la moyenne dans l’AOS. Il y a dix ans, nous en étions à 5 milliards de francs environ, ce qui signifie une hausse de plus de 5% des coûts par année, et même de 6,5% en 2021.

Les coûts de la santé augmentent dans toutes les directions – et de manière supérieure à la moyenne en ce qui concerne les médicaments.
Par où faudrait-il commencer?

On peut répondre à cette question en examinant le prix pondéré par unité facturée. Qu’il s’agisse d’un emballage de médicaments, d’une application ou d’une seringue: ce prix est passé en dix ans de 41 francs à 64 francs. On constate donc qu’il y a un effet sur les prix pour tous les médicaments nouvellement mis sur le marché ; nous sommes dans une spirale des prix.

Comment en sortir?

Une proposition du conseiller aux États et président de curafutura Josef Dittli est particulièrement intéressante. L’idée est d’ajouter le critère de prévalence aux règles de fixation des prix. Plus une maladie est répandue dans la population, plus le prix du médicament permettant de traiter cette maladie devrait être bas. Ce critère manque dans le dispositif réglementaire actuel. Il a aussi un sens d’un point de vue économique. Avec des volumes plus élevés, les producteurs peuvent faire des économies d’échelle. Les assurés qui paient leurs primes devraient eux aussi en profiter.

Quelles autres approches permettraient de faire baisser les prix?

En appliquant plus systématiquement les règles en vigueur. Aujourd’hui, les autorités et assureurs sont tenus par la loi de veiller à ce que les prestations soient économiques. Autrement dit, si deux prestations sont comparables, seule la prestation meilleur marché peut être remboursée. Pourtant s’agissant des médicaments, il en va autrement: la préparation originale plus chère doit être remboursée au même titre que le générique meilleur marché.

Pourquoi ces règles ne sont-elles pas appliquées systématiquement?

C’est évidemment compliqué lorsque la loi prescrit une chose et que l’ordonnance correspondante la contredit. Il faudrait ainsi que la comparaison thérapeutique transversale soit effectuée avec la thérapie standard indépendamment de la protection du brevet. Cela signifie qu’une nouvelle thérapie doit pouvoir être comparée en termes de coûts à la thérapie utilisée jusqu’à présent, qu’elle soit protégée par un brevet ou non. C’est la seule façon de garantir qu’une comparaison thérapeutique ne soit pas limitée au niveau légal.

Pourquoi les assureurs-maladie ne font-ils rien pour que cela change?

Il y a un déséquilibre sur le plan juridique: l’industrie pharmaceutique peut recourir contre les décisions de l’OFSP, mais pas les autres parties concernées par la décision, comme les assureurs-maladie et les organisations de patients. Il faudrait que tous soient à armes égales. Par ailleurs, l’industrie pharmaceutique se plaint souvent que l’autorisation de nouveaux médicaments prenne beaucoup de temps. En réalité, c’est en général la discussion sur l’économicité qui ralentit le processus. Cela montre bien que les prix demandés par l’industrie pharmaceutique sont trop élevés. Si nous revenons 30 ou 40 années en arrière, le constat est clair: le montant absolu des prix des nouveaux médicaments a, depuis lors, explosé.

Il va de soi que les entreprises pharmaceutiques veulent obtenir les prix les plus élevés possibles pour leurs médicaments. Pour quelles raisons auraient-ils intérêt à ce que les prix baissent?

On peut arguer que des prix modérés favorisent un accès plus rapide au marché et aux patients: le marché serait donc plus rapidement exploité. Les entreprises peuvent s’y retrouver à cet égard. Mais bien évidemment, les entreprises visent le profit, et les investissements qu’elles consentent portent avant tout sur les domaines où des bénéfices importants peuvent être réalisés: maladies rares, oncologie, maladies avec un niveau de prix élevé.

Et la place économique Suisse est importante pour cette industrie

Bien sûr, aussi parce que nous offrons aussi des conditions-cadres avantageuses. Mais ça devient problématique si les payeurs de primes se retrouvent en position de promoteurs forcés de ce secteur en payant des prix élevés pour les médicaments. Ce n’est pas tolérable.

Dans la valise d’Andreas Schiesser: les outils pour élaborer ensemble des solutions pour réduire les coûts.
Quels sont les facteurs favorisant la hausse des prix?

Les médicaments oncologiques et immunologiques ainsi que les médicaments pour le traitement de maladies rares sont les moteurs de la hausse des prix. De manière générale, nous observons une segmentation toujours plus large en indications toujours plus rares. Pour les anticoagulants par exemple, on trouve de nouveaux médicaments avec des coûts de traitement journaliers de 2,60 francs. Le contraste est saisissant avec les médicaments classiques, qui coûtent 16 centimes. Dans de nombreux cas, il s’agit de marketing: on cherche un critère de différenciation pour avoir un argument, lors de la fixation des prix, selon lequel les nouveaux médicaments ne sont pas comparables aux anciens.

Si vous considérez les différents acteurs, qui doit jouer quel rôle pour que le système soit amélioré?

En premier lieu, il faut que les différents acteurs travaillent bien ensemble. Nous croyons au partenariat et à la volonté commune d’améliorer les choses. La politique joue à cet égard un rôle essentiel: elle doit définir un cadre dans lequel le système peut évoluer et dans lequel il évolue effectivement. Il appartient ensuite au Conseil fédéral de faire en sorte que le système prenne la direction voulue. Ces dix dernières années, il n’a pas fait bouger les choses de manière fondamentale en ce qui concerne le prix des médicaments.

C’est vous qui le dites!

… Non, ce n’est pas un avis personnel: les objectifs de «Santé 2020» ont été clairement ratés. Au lieu de procéder à des réformes fondamentales et d’adopter des réglementations qui fonctionnent bien dans d’autres pays européens, on affine la réglementation existante, ce qui la rend plus complexe.

Et les assureurs-maladie?

Ils se trouvent en bout de chaîne et n’ont, hélas, qu’une influence opérationnelle limitée en matière de médicaments. Autrement dit, ils doivent prendre en charge les coûts prévus par la loi. Concrètement, le seul outil dont nous disposons est le contrôle de l’économicité. Nous concentrons donc nos efforts sur le plan politique, où nous entendons jouer un rôle constructif. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons étendre nos possibilités pour mieux faire valoir les intérêts des assurés.

H+, santésuisse et curafutura ont soumis au Conseil fédéral une convention de qualité pour les hôpitaux et les cliniques. Cette convention a été élaborée avec la Commission des tarifs médicaux LAA (CTM). C’est la première du genre et une étape importante pour le développement de la qualité et la sécurité des patients dans ces établissements.

La loi sur l’assurance-maladie (LAMal) stipule à son art. 58a que les fédérations des fournisseurs de prestations et des assureurs doivent conclure des conventions relatives au développement de la qualité (conventions de qualité) valables pour l’ensemble du territoire suisse. Après avoir élaboré une telle convention en partenariat avec la Commission des tarifs médicaux LAA (CTM), H+, santésuisse et curafutura viennent de la soumettre au Conseil fédéral. Ce texte pourra entrer en vigueur dès son approbation par le gouvernement.

Pour les partenaires, ce premier accord national établissant des règles d’une grande portée pour le développement de la qualité constitue une étape importante pour la qualité et la sécurité des patients dans les hôpitaux et les cliniques. Le perfectionnement systématique de cette convention est d’ores et déjà prévu. Les partenaires ont convenu d’éléments importants au moyen desquels les hôpitaux et les cliniques développeront la qualité et la sécurité des patients sur une base obligatoire, uniforme et transparente. Des domaines thématiques ont été définis, dans lesquels les hôpitaux et les cliniques devront mettre en œuvre des mesures validées et assurer un processus continu d’amélioration. Un organe de contrôle indépendant vérifiera individuellement, par échantillonnage, le développement de la qualité dans les hôpitaux et les cliniques. La sélection reposera sur les résultats de la mesure nationale de la qualité existante, par ex. par l’Association nationale pour le développement de la qualité dans les hôpitaux et les cliniques (ANQ), ou sera aléatoire. Les conclusions du contrôle ainsi qu’une auto-déclaration seront publiées avec transparence pour chaque site d’hôpital ou de clinique.

Intégrer ce qui a fait ses preuves

La convention de qualité tient compte du vaste éventail d’activités qualité déjà en œuvre dans les hôpitaux et les cliniques. Elle permettra d’intégrer sans difficulté diverses initiatives en la matière, qu’elles soient nouvelles ou existantes. Des mécanismes de contrôle du développement de la qualité déjà bien établis au niveau international ont également été pris en considération. Et des structures en place participeront à la réalisation, à commencer par l’ANQ. La collaboration dans le cadre de cette association favorisera une coordination étroite avec les cantons et leurs propres prescriptions.

Les médicaments fabriqués par biotechnologie, ou préparations biologiques, ont représenté en 2021 près d’un quart des coûts des médicaments à la charge de l’assurance obligatoire des soins. En outre, ce segment de marché affiche une croissance très supérieure à la moyenne, avec plus de 10% sur un an. Les produits de remplacement correspondants, ou biosimilaires, sont une option judicieuse pour freiner la hausse des coûts sans nuire à la qualité. Un potentiel d’économies de quelque 100 millions de francs par année reste inexploité en raison d’incitatifs erronés dans le système. Cela pourrait générer, d’ici 2030, des surcoûts inutiles d’un milliard de francs à la charge du système de santé.

En 2021, le potentiel d’économies représenté par les biosimilaires est resté largement inexploité en Suisse. Les coûts des médicaments à la charge de l’assurance obligatoire des soins auraient pu être réduits d’environ 100 millions de francs si les biosimilaires avaient été utilisés systématiquement. Tel est le constat dressé dans la troisième édition du Baromètre des biosimilaires Suisse réalisé par curafutura, biosimilar.ch et intergenerika.

La bonne nouvelle est que le nombre de biosimilaires commercialisés en Suisse a plus que doublé en 2021, passant de 15 à 34 produits. «Bien qu’il soit toujours pris en compte de manière insuffisante, le marché des biosimilaires croît continuellement en Suisse. Nous sommes donc confiants quant à notre capacité à contribuer à freiner encore plus efficacement à l’avenir la hausse des coûts dans le système de santé», constate Daniel Sarbach, directeur de la communauté d’intérêt biosimilar.ch.

Toutefois, le recours aux biosimilaires est encore trop hésitant en Suisse. Les fortes disparités dans le domaine hospitalier méritent en particulier d’être relevées. Ainsi, la part des 6 premiers biosimilaires dans la région hospitalière de Suisse centrale ne représente que 16%, soit la moitié de la région Vaud/Valais avec 33%. En ce qui concerne l’infliximab, l’une des substances générant le plus de coûts sur le marché suisse, la part des biosimilaires dans la région hospitalière de Berne est de 14% seulement, alors qu’elle est presque trois fois plus élevée, à 40%, sur la région Genève, Neuchâtel et Jura.

«Outre les taux d’utilisation généralement bas des biosimilaires économiquement avantageux, nous sommes très préoccupés par la trop lente augmentation de leur part de marché», ajoute Pius Zängerle, directeur de curafutura. « On passe ainsi à côté d’économies considérables, ce qui est d’autant plus fâcheux au vu de la hausse des coûts.»

Surcoûts inutiles de plus d’un milliard de francs d’ici 2030

Les incitatifs erronés tels que le système de marges de distribution entravent une utilisation plus large des biosimilaires et la réalisation d’économies substantielles. Dans le système actuel, les pharmaciens et médecins touchent une rémunération d’autant plus importante que le prix du médicament est élevé. Ces fournisseurs de prestations ont donc un intérêt direct à remettre une préparation originale plutôt qu’un biosimilaire ou un générique plus avantageux. En conséquence, des économies potentielles pour le système de santé, évaluées à quelque 100 millions de francs par année pour les biosimilaires, ne sont pas réalisées.

Ce montant va encore augmenter d’ici 2030: des préparations biologiques vendues à grande échelle vont bientôt voir leur brevet expirer. Des biosimilaires ad hoc sont en cours de développement et le potentiel d’économies supplémentaires d’ici 2030 se chiffre en centaines de millions de francs. «Si les incitatifs erronés ne sont pas éliminés du système, il en résultera des surcoûts inutiles de plus d’un milliard de francs pour le système de santé suisse d’ici 2030, que les assurés devront prendre à leur charge», affirme Daniel Sarbach, directeur de biosimilar.ch. « Il est donc tout à fait regrettable que l’OFSP ne révise pas les marges de distribution pour qu’elles soient neutre en termes d’incitatifs. Cela permettrait de réaliser des économies essentielles pour le système de santé. L’OFSP s’est pourtant fixé pour objectif de réagir d’ici 2030 aux défis les plus urgents auxquels est confronté le système de santé, afin de garantir, à l’avenir également, un système de santé abordable, de freiner la hausse des coûts et d’alléger la charge financière des assurés.»

Par ailleurs, traiter à égalité les biosimilaires et génériques dans le domaine de la substitution serait une étape essentielle à cet égard. Le ministre de la santé Alain Berset a mentionné devant le Conseil des États, au cours de la session d’hiver, que la substitution est possible, sans tenir compte du fait qu’il s’agit de préparations originales, de génériques ou de biosimilaires. Au cours de la session de printemps, cette question a été abordée au Conseil national par la rapporteuse de la commission, Ruth Humbel. L’administration fédérale lui a assuré qu’une mention explicite des biosimilaires dans la LAMal n’était pas nécessaire.

Il serait donc possible d’éliminer, au niveau de l’ordonnance, cette inégalité de traitement en matière de substitution afin de pouvoir réaliser des économies attendues depuis longtemps.

Médicaments biologiques
Contrairement aux médicaments de synthèse chimique, les médicaments biologiques sont fabriquées dans des organismes vivants génétiquement modifiés comme des bactéries ou des cultures de cel-lules. Elles ont une structure moléculaire complexe et sont composées par exemple de protéines ou d’acides nucléiques.

Biosimilaires
Les biosimilaires sont des produits qui succèdent aux médicaments biologiques et peuvent être commercialisés dès l’expiration du brevet du médicaments biologique original (préparation de réfé-rence). Le principe actif d’un biosimilaire et de sa préparation de référence est pour l’essentiel la même substance biologique. Les différences entre le biosimilaire et sa préparation de référence n’ont pas d’incidence sur sa sécurité ou son efficacité.

Fixer des objectifs de maîtrise des coûts pourrait avoir des répercussions négatives sur les soins prodigués aux patients et instaurerait une médecine à deux vitesses. curafutura salue par conséquent la décision déterminante de la Commission de la santé publique du Conseil national (CSSS-N). Celle-ci ne veut pas d’objectifs de maîtrise des coûts dans l’assurance obligatoire des soins (AOS) et propose à la place une série de mesures concrètes dans le cadre du contre-projet indirect à l’initiative pour un frein aux coûts.

Le TARDOC, le nouveau tarif médical pour les prestations ambulatoires, est prêt à remplacer dès le
1er janvier 2023 le tarif TARMED obsolète. TARDOC n’a plus qu’à être approuvé par le Conseil fédéral. curafutura salue par conséquent la décision de la CSSS-N, qui veut freiner la hausse des coûts grâce à des mesures concernant les tarifs plutôt que des via des objectifs de maîtrise des coûts.

En effet, les objectifs de maîtrise des coûts ne feraient qu’accentuer la pression sur les fournisseurs de prestations, sans réduire globalement les coûts de l’AOS. Dans le même temps, fixer de tels objectifs pourrait conduire à de nouveaux incitatifs erronés: ils pourraient être d’ordre financier, conduire à une dégradation de la qualité des traitements ou entraîner une limitation des prestations.

curafutura voit en revanche d’un œil critique la proposition de la CSSS-N de laisser l’autorité d’approbation fixer les tarifs, ou certains groupes ou positions de la structure tarifaire, si les partenaires tarifaires ne parviennent pas à se mettre d’accord dans un délai d’un an. curafutura est d’avis que cela conduirait à des attentes irréalistes et à des solutions bancales qui ne profitent ni aux assurés, ni aux patients, ni aux fournisseurs de prestations. curafutura va analyser en détail cettte décision de la CSSS-N et continuera à participer au débat.

Lors de la dernière ronde de primes, les assureurs-maladie ont volontairement réduit les réserves sur la base de la révision de l’ordonnance sur la surveillance de l’assurance-maladie (OSAMal). Actuellement, les réserves de l’assurance de base ne représentent que quatre mois de dépenses. Ce niveau est approprié et ne justifie pas une réglementation supplémentaire. curafutura salue donc la décision de la Commission de la santé publique du Conseil des États, qui a rejeté une initiative parlementaire visant à fixer un plafond contraignant pour les réserves.

Les réserves des assureurs-maladie garantissent la stabilité financière du système de santé et permettent à tout moment le remboursement des prestations de santé. Il n’est donc pas judicieux de les réduire à tout prix. L’initiative parlementaire Nantermod (20.463) demande pourtant faire de l’ancien seuil minimal pour les réserves – soit 150% du taux de solvabilité – le nouveau seuil maximal à ne pas dépasser. Un tel cadre serait critique tant pour la stabilité du système (financement des prestations) que pour les assurés (augmentations de primes).

Réglementation modifiée en 2021
L’initiative parlementaire ne tient pas compte du fait que la base juridique a déjà été modifiée en juin 2021 afin de permettre aux assureurs de réduire davantage leurs réserves. Cette modification de l’or- donnance sur la surveillance de l’assurance-maladie (OSAMal) a abaissé le niveau minimal des réserves à 100% du taux de solvabilité et a permis une plus grande flexibilité pour réduire les réserves avec le con- cept de « primes calculées au plus juste ».

curafutura est d’avis que cette modification de l’OSAMal a porté ses fruits et qu’elle continuera de le faire. Ainsi, lors de la ronde des primes 2022, les réserves ont été volontairement réduites et 380 millions de francs ont été restitués aux assurés directement (remboursement) ou indirectement (primes plus basses en 2022). Cela a contribué à une légère baisse de la prime moyenne. Compte tenu de cette évolu- tion, il n’est pas nécessaire de modifier à nouveau la réglementation.

Pius Zängerle, directeur curafutura

Le monitoring des coûts dans l’AOS (MOKKE) nous joue-t-il des tours? A voir les récentes réactions à la hausse des coûts de 5,1% en 2021, on peut se poser la question. Ce chiffre a mis en émoi de nombreux commentateurs. À raison? Ou s’agit-il d’une posture visant à pousser un agenda?

En tous les cas, la peur est mauvaise conseillère. Pour pouvoir agir, il convient plutôt de procéder à une analyse rationnelle et de contextualiser les chiffres.

La hausse des coûts de 5,1% en 2021 intervient après plusieurs années où les coûts étaient stables. Par conséquent, la hausse moyenne sur dix ans est nettement moindre: +2,5% par année. Ce taux est loin d’être catastrophique; il est en réalité même en dessous de la cible proposée par le groupe d’experts du Conseil fédéral en 2017.

Cette hausse moyenne des coûts de 2,5% doit nous servir de boussole. Si nous la suivons, il ne s’agit dès lors plus de s’indigner lorsque l’évolution des coûts dépasse les 0%. Il s’agit plutôt de se demander comment freiner efficacement cette hausse des coûts par des mesures concrètes.

Une première réponse est celle du financement uniforme de l’ambulatoire et du stationnaire, EFAS. L’importance capitale de cette réforme est incontestée parmi les politiciens de la santé. Et pourtant, la rapidité de sa mise en œuvre est aujourd’hui en péril. En effet, l’intégration des soins de longue durée reporterait l’implémentation aux calendes grecques. D’autre part, certains cantons semblent tentés d’utiliser EFAS pour remettre en question le rôle pourtant établi des assureurs dans le contrôle des factures. Nous appelons ici le Conseil des États à trancher rapidement en faveur des assurés et des payeurs de primes.

Deuxième réponse pour accroître l’efficience du système de santé: faire entrer en vigueur le nouveau tarif médical TARDOC. La version finale est sur la table du Conseil fédéral depuis décembre dernier. Là aussi, la même question se pose que pour EFAS: à quand la mise en œuvre? Dans cette newsletter, le président de curafutura Josef Dittli répond à plusieurs questions sur TARDOC et montre que la neutralité des coûts est bien garantie. Mais cette clarification n’est-elle qu’un prélude à d’autres réserves du DFI ? Nous sommes malgré tout convaincus que le Conseil fédéral in corpore saura reconnaître l’amélioration considérable que représente le TARDOC en regard du TARMED. En outre, d’innombrables conversations m’ont permis d’en être certain: le Conseil fédéral est conscient de l’urgence de la situation.

EFAS et TARDOC montrent que nous avons des outils en main pour faire baisser la hausse moyenne des coûts se montant actuellement à +2,5% par année. Ce sont des mesures concrètes approuvées par la majorité des partenaires tarifaires.

On s’étonne dès lors face à ceux qui préféreraient accroître l’étatisation, la centralisation et la planification du système de santé. Car c’est ce à quoi méneraient inévitablement des outils tels que les objectifs en matière de coûts ou les mesures de gestion des coûts. Ces propositions relèveraient-elles de la panique? Et leurs partisans seraient-ils aveuglés par les projecteurs braqués uniquement sur l’évolution des coûts?

Une chose est certaine, on peut douter de l’efficacité de ces mesures. L’évolution des coûts AOS par le passé montre que l’État fait moins bien que les partenaires tarifaires. Dans les domaines où les prix sont négociés par les partenaires tarifaires, les coûts ont progressé de 2,4% par an au cours des dix dernières anneées; dans les domaines où les prix sont fixés par l’État, les coûts ont augmenté de 3% par année.